
(gravure : jean-marc renault - jmr02.blogspot.com)
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L’ancienne maison de ma mère est devenu mon sanctuaire. J’avais vingt-trois ans lorsque j’y suis retourné. J’ai essayé plusieurs endroits mais aucun ne convenait. Mes pensées me ramenaient toujours à la maison de ma mère. Mes rêves aussi. Quand j’y suis retourné tout était à l’abandon. Des squatteurs s’en étaient emparés et il a fallu que je les vire, des artistes, trois types et deux nanas, un peu hippies, des jeunes, des petites merdes, sûrement des étudiants, du genre qui me méprisaient quand j’étais au collège. J’ai fracturé le crâne d’un des mecs et j’ai violé les filles, les deux, chacune son tour, devant tous les autres. J’ai pris mon temps. Un des mecs pissait le sang par le front. Ils n’osaient rien faire. J’aurait pu les tuer, tous. Je les ai laissé partir. C’était des merdes, rien d’autres, je les ai traités comme tels. J’ai fait le tour de la maison. Pas grand chose n’avait changé. Les meubles étaient en mauvais état. Il y avait un lecteur DVD en plus. C’est à partir de cette époque que je me suis mis à regarder des films. Quand je cambriolais il y avait systématiquement des films de cul, j’en piquais toujours quelques-uns. Mes préférés c’étaient ceux que les gens filmaient eux-même, le mec en train de troncher sa pouffiasse, c’était déjà bien bandant en soi mais en plus imaginer leur panique et leur angoisse, les imaginer se demander qui pouvaient se branler sur leurs images cochonnes privées, j’adorais. Au fil du temps je me suis constitué une belle collection.
Toutes les pièces avaient leur histoire. Ma chambre. La chambre de ma mère. Le salon et la cuisine attenante, la salle de bain bien sûr. Le grenier. La maison n’était pas si grande. J’ai gardé tous les meubles encore utilisables et les autres ont fini dans la chambre de ma mère. Grâce aux squatteurs il n’y avait pas beauoup de ménage à faire. J’ai jeté beaucoup de capotes et aussi un bang. J’étais chez moi.
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J’ai voulu retrouver mon ancien sanctuaire. Il avait disparu. Ca faisait presque dix ans. Je reconnaissais tout, les arbres, la route, tout. Rien n’avait changé. J’ai retrouvé l’endroit, la bâche avait disparu, il restait quelques pierres. En creusant, j’ai trouvé des crânes et rien d’autre. En dix ans tout avait disparu. Tout avait été détruit. De toute façon je n’avais pas l’intention d’utiliser cet endroit, cet endroit je ne l’avais pas choisi, il s’était imposé par hasard, par la force des circonstances, rien de plus. Tout devait se passer dans la maison. C’était le vrai lieu, vers où les forces convergeaient.
J’ai été faire un tour au village, aussi. On ne m’a pas reconnu, personne ne m’a pas parlé. J’ai rodé devant l’école, les élèves étaient identiques, les instit n’avaient pas changé, juste pris un coup de vieux. Je suis passé à la mairie leur dire qui j’étais et que je prenais possession de la maison de ma mère. Je leur ai montré mes papiers et ils se sont souvenus de l’histoire. J’ai dit que j’étais sa seule famille, que ma mère n’était pas du genre à s’embarrasser avec un testament, un notaire et tout ça, que moi non plus je ne voulais pas d’emmerdes ni de paperasse. Le maire était un vieux type bati comme un bossu, ma carure l’impressionnait. J’ai été gentil et on s’est compris. Il m’a assuré qu’on me foutrait la paix et qu’il était content de mon retour.
J’ai opéré quelques transformations dans la maison. J’ai viré tout ce que contenait mon ancienne chambre, j’ai viré tous les meubles usés, cassés, pourris, j’ai fait un énorme feu dans le jardin, j’ai fait des travaux dans mon ancienne chambre, j’ai insonorisé, j’ai condamné la fenêtre, j’ai transformé mon ancienne chambre en géole au cas où je devrais garder quelqu’un en vie. Je n’ai rien changé à la salle de bain ni à la cuisine. Le salon est devenu ma chambre, la chambre de ma mère est devenu le sanctuaire.
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J’ai tout repeint en noir. Il fallait que ça soit solennel. J’ai muré la fenêtre. J’ai utilisé mon sang, mon sperme et ma merde. J’ai dessiné des diagrammes sur les murs, le sol et le plafond. J’ai évoqué les démons. Ils sont sortis de moi pour me guider, me conseiller et m’aider. Je ne pouvait pas encore apporter de sacrifice alors je me sacrifiais moi. J’ai utilisé ma propre graisse pour fabriquer les bougies, j’ai brûlé mes cheveux, j’ai broyé trois de mes dents pour fabriquer des poudres, j’ai utilisé mes ongles et d’autre parties de moi, de la peau, des larmes, de l’urine, pour réaliser des encens. J’ai provoqué des infections afin de prélever du pus et le mêler à la peinture.
A la fin le sanctuaire ressemblait à ce dont j’avais toujours rêvé.
Il y avait un cercle au centre : le cercle de la victime. J’avais des couteaux, un brasero, une petite hache, un bistouri, une poèle et d’autres accessoires, tout ça rangé dans un petit meuble. Il y avait un autre cercle à côté de celui de la victime, plus petit : le cercle démoniaque. Là que venaient Antéros. C’était leur porte d’entrée pour venir me posséder. Il y avait les bougies disposées autour et les coupelles d’encens au centre.
J’avais aussi creusé une fosse fermée par une trappe. Les corps finiraient là. Il y avait de quoi les découper et les brûler. Il y avait aussi du matériel pour les violer et les mutiler. Ce matériel servirait aussi bien dans la géole que dans la fosse.
Il y avait une armoire pour ranger les reliques que je garderais des victimes : les bagues, les dents, le fric.
Enfin, il y avait un autel pour exhiber et adorer les objets importants. J’y avais déposé une bague qui appartenait à ma mère, deux dents qui avaient appartenu à Florence et le dentier de ma grand-mère. J’y déposerais aussi toutes les têtes.
J’ai passé une nuit en prières. Je l’ai consacré.