C'est marrant ce que les backs-ups réservent, suite à divers peregrinations informatiques sans intérêts ici, je viens de remettre, pas le plus grand des hasards, le curseur sur un fichier de 1999, je me permets de le mettre ici en l'état (fautes d'orthographes incluses), je crois que ça peut cadrer avec de la poésie écorchée et métaphysique de l'extrême

Ps: j'avais 20 ans quand j'ai écrit ça

, le texte est intitulé "CLUNY, le 22/09/1999 3h42min48s" et c'est plus ou moins de là qu'est né mon premier projet sonore "mental agression":
Le temps donne l’impression de s’être figé, comme pétrifié depuis deux mois, sous l‘effet de l’immense contrainte d’une pression invisible. L’heure est aux bilans, l’action en court sous mes yeux est la conclusion intrinsèque de quatre années de ma vie, soit le cinquième de celle-ci. L’équilibre de ce bilan me paraît franchement mitigé, et le sentiment qui l’emporte est une interrogation: Comment ai je put investir les dernières quatre années de ma vie dans cette pantalonnade que certains nomment Ecole Nationale Supérieure? Derrière cette appellation qui rappelle quelques obscures divisions footballistiques, se cache une réalité si sordide qu’on ne peut l’imaginer avant de l’avoir vécue.
Je ne saurais mettre de qualificatifs sur l’arrière goût que laisse la bile, mais la sensation mentale qui m’assaille depuis quelques temps est de cet acabit. Planqué que je suis en salle informatique pendant les maigres heures que leur « période de transmission des traditions », ce vulgaire bizutage qui ne porte pas son nom, me laisse de liberté. Saisit par la crainte paranoiaque qu'il puisse retrouver par des moyens informatiques ce fichier, pièce à charge potentielle contre moi devant leur tribunal d'opérette. Envahit de surcroit par l'écœurante impression de gâcher un pan entier de mon existence en me livrant, corps et âme, à pareil comédie sociale. Tout en sachant très bien, et c’est là à mon sens le pire, que l’on a fait de son mieux pour éviter d’en arriver là. Conscient que toute ma volonté s’est tendue inutilement dans l’illusion d’éviter l’inexorable, ces usines et leur travail à la chaine tout determiné pour un prolétaire comme moi. Mais voilà, ces concours aux « Grandes Ecoles » je les ai subi avec succès et me voila dans le théatre des opérations pour l'élite, en plein dedans même. Et je constate, avec effarement, le fossé non seulement matériel mais aussi et surtout culturel qui me sépare de mes nouveaux camarades...
Cela fait donc maintenant quelques semaines que je m’enfonce sciemment dans ce qu'un spécialiste de l'esprit qualifierait certainement de dépression chronique. Probablement dans le but de me leurrer sur la réalité objective de la vie moderne par quelques considérations rebelles puériles, bref en résumer, éviter de persévérer dans le principe de réalité qui m'a amené ici et qui dorénavent m'insupporte. Le jugement que je porte sur cet état d'esprit est sans appel, il n’a de sens que dans une logique d'érodage sytématique de mon instinct de survie, et ce faisant dans l'esquive de la la facilité intellectuelle qui rêgne autour de moi, et dans laquelle je me jeterais à corps perdu comme ils sont si nombreux à le faire. Je n'arrive pas me bercer de leurs illusions matérialistes et narcissiques qui me tournent pourtant en rond dans la tête: « en sortant d'ici tu seras dans les 10% les mieux payés de France, accepte les rêgles du jeux et ne gache pas ta chance... » ou « tu appartiens à l'élite de ce pays dorénavant! Montre en toi digne...», non décidément leur fabrique à idéologie pue le mensonge le plus rance.
C’est pourquoi je dois cultiver précautionneusement cette dépression, mon dernier rempart contre leur conditionnement en fait. Mon esprit est comme un sous-marin en plongée. Je tiens à analyser ma situation présente de la manière la plus exhaustive et précise possible, à la manière d'une oreille d'or qui écoute le sonar de son navire submergé, et ce de façon à éradicter tout espoirs fumeux ou faux-semblants, à ne laisser aucune illusion stérile diriger le cap de mon existence. Après tout ça, je ne verrai désormais plus le monde humain avec le même regard, et je dis cela sans tomber dans le truisme de la constatation du changement perpétuel, inhérent à toute existence, mais comme quelqu'un qui n'a pas respiré d'air sain depuis des mois. Cette phase de ma vie est tellement riche en expériences, aussi négatives fussent-elles dans leur majorité, que la désillusion qui les suit est devenue globale.
J’ai donc décidé que ses expériences, ainsi que la vision du monde dont elles me nantissent, prêtaient à réflexions. A vrai dire je ne sais pas exactement si ces réflexions sont la cause, ou alors juste là pour meubler, ces nuits de plus en plus blanche, passées pour l’essentiel à structurer, dé-structurer, re-structurer des concepts et des sensations futiles. Le contenu de ces cogitos est varié mais le résultat en est immanquablement le même. Un constat d’échec, de lâcheté ou d’égoïsme, beaucoup de termes définissent ce que je considère comme l’expression égocentrique de la liberté personnelle ou ultime du rejet de la société humaine (lu un fort bel exposé consacré à ce sujet dans le dictionnaire de la rébellion Larousse, c'est dire dans quel travers intellectuel je me laisse aller en ce moment).
Afin d'éviter d’entrer dans un discours que certains qualifient de nihilistes, j’aimerais préciser sur un support la pensée qui m’anime, je me permettrais de dissocier deux choses qui sont hélas confondues au point d’en devenir indissociable dans la morale moderne. Il existe à mon sens une différence fondamentale entre la vie sociale et la vie biologique. Cette différence est peu ténue chez l’être humain, tant la construction de la personnalité d’un individu ne peut s’effectuer sans un apport social de ses semblables. En l'absence de cet apport social positif, il n'y a plus guère d'obligations qui interdisent de mettre un terme à la vie biologique.
Bizarrement je m'en veux maintennant d'avoir lu Levi et son manuel de survie dans un univers pourtant au combien plus corrosif que celui qui est mien en ce moment, seules des implications morales liées à mon passé me retiennent de passer à l'acte. De vague notions de respect du temps qui m’a été consacré par les autres, ou encore des sentiments fumeux d’utilité à autrui, et notamment à l’équilibre mental de mes géniteurs, principaux responsables de ma présence en ces lieux. Bref une boucle de cohérence qui ne me renvoie plus que du bruit blanc en feed back est au jour d’aujourd’hui le dernier rempart à la mise en branle d'un projet que la morale semble réprouver. Ce doit être ce qu'on appele l'instinct de survie, je ne sais même plus pourquoi j’écris cette erzat de «testament intellectuel», qui n'est finalement que la pathétique retranscription altérée de mes réflexions nocturnes. Peut être pour mettre au clair ces cogitos morbides, ceux la même qui m’indiquent que le suicide est la réponse la plus raisonnable au mode de vie que l’on veut m’imposer.
Peut être que j’écris ceci dans le but de clarifier la situation, aussi bien dans mon propre intérêt immédiat que dans celui de la compréhension à long terme des pulsions qui me pousse à cet acte hypocritement qualifié d’incompréhensible, ben voyons mais que suis je devenu... L’avenir seul me révélera si cette tentative d’introspection se montrera salvatrice ou non, si j’arriverai à accepter et à dépasser les pré-requis moraux de cette vie sociale qui m'est imposée, et ou il semble en l'état difficile d'aménager des compromis. Mais qu'est ce qui me pousse donc à l’irrémédiable? Je savais déja tout ça avant, je ne puis jouer les candides sur la situation dans laquelle je me suis mis: je sais pertinemment que mes positions sur nombres de sujets ne peuvent provoquer, au mieux, que de l’incompréhension chez mes semblables du moment, issus de l'autoproclamée «élite de la nation». Voir cette haine masquée par le mépris hautain, dont ils se targuent avec ceux qu'ils considèrent comme inférieur et inadapté, comme ce professeur qui m'indiquait ce matin même devant mes camarades, cinglant comme un singulier avertissement à ceux-ci «Monsieur, quand on pense comme vous, on ne vit généralement ni heureux, ni vieux!». Imposibilité de communication, je n'ai pourtant jamais tenté de lui adresser la parole, soit, ce que je pense leur semblent polémique par essence, sans même que j'ai besoin de l'exprimer, peut être car je méprise leur morale et leur fuite dans le matérialisme le plus éhonté comme seul dogme admissible. Non que je tienne à me parjurer face à eux, mais leurs valeurs morales (ou l'absence de celle-ci d'ailleurs) et le consensus mou qui régit leur vie déclenchent chez moi une envie de rire irrépréhensible.
L’hypocrisie sur laquelle est fondée leur paradigme en est presque comique, «je peux consommer plus que les autres donc je suis plus heureux que ces mêmes autres». La compétition économique et sexuelle comme seul juge de leur réussite, généralisation bien attive à mon gout mais visiblement suffisante et cohérente pour eux. «Je suis la compétition! Je suis le panel distingué de juges! Je suis le compétiteur et dans mon esprit je suis libre!» voilà ce que j'ai envie de jeter à leur morne visage. Comme pour conjurer le fait que la conscience de soi ou la lucidité n'apparaissent ici que comme des maladies rares et incurables, qui ne laissent que peu d’espoirs aux guignols de mon espèce qui en sont atteint. J’ai souvent l’impression d’être considéré comme un crétin illuminé, c'est peut être du au regard blazé qui me tient lieux de réponses à leurs pathétiques invectives de bourgeois privilégiés. Ca vaut peut être mieux finalement. Leur conditionnement moral est tel que toute réflexion sur ces sujets «tabous» apparaît dés lors comme une hérésie mentale. Il est pour eux moults sujets (les études, le travail, le fric, le mariage, la reproduction, la mort...) sur lesquels les arguments d’autorité ont tranchés, à partir de là, il est hors de propos d’y réflechir plus en avant. Juste se remémorer incessament les dogmes érigés par l'autorité, incarnée en l'occurence pas leurs parents, même si cette autorité ne donne souvent que l'ombre d'une réponse pathétique à nombre de leurs interrogations, et visiblement ils ne sont pas les premiers à qui ça arrivent. Ils n'auront que ce qu'il méritent pour leurs quarante ans, comme leurs parents...