L'exemple le plus connu de la faillite du libéralisme anglo-saxon concerne le rail. Et ces performantes sociétés privées qui allaient révolutionner le chemin de fer britannique. Le résultat a de quoi faire froid dans le dos : depuis la privatisation du système ferroviaire (en 1993), on enregistre en moyenne un mort par semaine ! Il faut aujourd'hui cinq minute de plus pour faire le trajet Manchester - Liverpool qu'au début du ... XXe siècle ! Même l'hebdomadaire The Economist, le journal bible des libéraux :sol: , le reconnaissait dès 1999 : "La privatisation est un catalogue de cynisme politique, d'incompétence managériale et d'opportunisme financier. Elle a coûté des milliards de livres aux contribuables et fait perdre des milliards d'heures à ses utilisateurs." :jap:
L'effondrement du rail britannique ne s'explique pas seulement par l'irresponsabilité de la cinquantaine d'entreprises privées qui se sont partagées les dépouilles de British Rail, à bon prix :sol:
Pendant des décennies, le rail a souffert d'un manque chronique d'investissements, un mouvement qui s'est accéléré avec Thatcher :vomi: qui voulait à tout prix se débarrasser de cette forteresse syndicale.
La privatisation n'a fait qu'aggraver la situation. Les sociétés privées se sont bien gardées d'investir dans le réseau, de le remettre en état, et d'améliorer la sécurité. Leur seule priorité était de dégager, le plus rapidement, les plus gros profits possibles. L'accent a donc été mis sur la baisse des coûts, en multipliant le recours à la sous-traitance (évidemment peu ou pas formée pour payer les salaires les plus bas possibles) pour entretenir les rails et en délaissant toute notion de sécurité. Ce qui a abouti aux grandes catastrophes ferroviaires de Paddington en 1999 (31 morts), d'Hatfield en 2000 (4 morts) et de Potter's Bar en mai 2002 (7 morts). Il est d'ailleurs pour le moins surprenant que la première réaction des Londoniens confrontés aux terribles attentats d'hier matin était de penser qu'il s'agissait d'un problème d'origine électrique, ce qui en dit évidemment long sur la confiance qu'ils ont dans leur système.
Mais les actionnaires des nouveaux exploitants n'ont pas eu à se plaindre. Pendant les premières années, les cours des actions se sont envolés, assurant aux petits porteurs de juteuses plus-values boursières. La plupart des sociétés ont fait de solides bénéfices, au moins jusqu'en 1998, et ont versé de confortables dividendes, tout en touchant d'importantes subventions publiques. Ce qui fut le cas de Railtrack, alors même que la société ne remplissait aucun de ses devoirs. :fuck:
Cette année-là, les bénéfices cumulés des sociétés du rail se sont élevés à 1,7 milliards d'euros, sans compter les 2,7 milliards d'euros de subventions publiques.
Car la privatisation de système ferroviaire ne s'est pas traduite par un désengagement de l'Etat, contrairement à ce que veulent faire croire les libéraux : pour convaincre les investisseurs de s'intéresser au rail, la Grande Bretagne verse de conséquente subventions d'exploitation pour les lignes jugées déficitaires.
Des sommes qui sont allées tout droit dans la poche des actionnaires et qui n'ont jamais bénéficié aux clients : non seulement les trains sont systématiquement en retard et les risques d'accident réels, mais en plus ce mode de transport est très coûteux, Sur un trajet de même kilométrage, le billet coûte deux à trois fois plus cher en Grande Bretagne qu'en France avec la SNCF, qui n'a pas sacrifié la ponctualité et la sécurité de ses trains.
Cette situation est devenue un tel scandale que Tony Blair, à son corps défendant, a bien été obligé de reprendre les choses en main. Le gouvernement travailliste a ainsi placé Railtrack sous tutelle, puis l'a transformé en société a but non lucratif et l'a rebaptisé Network Rail. Bel exemple de socialisation des pertes :sol: :fuck: : Network Rail a repris les dettes de Railtrack (9,3 milliards de livres) et a touché 21 milliards de livres de la part du gouvernement pour les rembourser et (accessoirement) financer les investissements.
Avant 1993, la Grande Bretagne avait un chemin de fer en mauvaise santé, public et vivotant quasiment sans aide publique. Douze ans après la privatisation, le chemin de fer est toujours en si mauvaise santé, mais est maintenant privé et subventionné par l'Etat. ;) C'est le point fort du libéralisme : il trouve toujours le bon argument pour dénoncer les subventions aux entreprises publiques, tout en justifiant les mêmes subventions aux entreprises privées ! :heink: :sleep:
Message édité par Sebbondy le 02-10-2005 à 05:02:35
http://forums.france2.fr/france2/europe1/petite-histoire-angleterre-sujet_9091_1.htm