Globalement, surtout quand tu connais l’iconoclasme de Webern, Berg ou Schönberg dans une moindre mesure, et leur rapport à la tradition (romantique, postromantique), je te trouve un peu obséquieux vis-à-vis de ces noms-là – je ne parle même pas de Cage, chez qui le mots "lignée", "disciple" ou "continuateur" devaient provoquer des crises de rire.
Certainement, pourtant qu'il le veuille ou non, le free jazz, et même l'idm dans une certaine mesure, c'est clairement dans la continuité de son oeuvre, voir Aphex Twin et ses pianos préparés.
Par ailleurs, ton technicisme (tu te targuais plus haut d’un professionnalisme et fustigeais l’amateurisme des autres membres du forum) s’accorde mal avec les conceptions de Cage : c’est une influence là encore plutôt répandue que ta musique ne semble pas assimiler ou détourner plus efficacement qu’une autre. Le fait même de produire des tracks dans les limites de constantes d’exécution ou de restitution définies par un milieu, un public, une attente générique, rend d’office la référence à Cage éminemment suspecte. Tes remontrances envers ceux qui n’ont aucune notion de « grammaire musicale » sont en totale contradiction avec le formalisme éclaté de ton maître ; pour tout dire, tes définitions normatives de ce-que-doit-être-la-musique (exigeante, pensée, construite, sophistiquée) me semblent trop éloignées du génie vandale de Cage pour qu’on puisse prendre au sérieux ton chapelet de références.
Ha mais justement c'est dans la contradiction entre technicité moderne (entre autre l'ingénierie sonore) et "liberté" musicale que tout le jeu se passe, le tout en mélangeant allègrement les styles populaires (break, drum, rock, microhouse, pop et j'en passe...), ce foisonnement là me semble pour le moment une mine inépuisable. Pour reprendre la micro house d'ailleurs, je trouve que c'est parfaitement la suite logique du sérialisme, la démarche est similaire, puisque le concepteur part de microsamples de quelques micros-seconde, sa série initiale pour la tournoyer dans tous les sens, la seule contrainte étant la binarité du rythme, mais même là c'est éclatable en particule. Ma démarche est modeste, il s'agit de trouver les liens entre ce qui au départ n'a pas de rapport clair, c'est un débroussaillage.
Ton problème semble plus social qu’artistique : tu n’admettras pas que l’intérêt d’une musique dont l’auteur est incapable de conceptualiser sa pratique. Réflexe estudiantin et journalistique courant. Un autre réflexe courant est de taxer d’amateurisme et de légèreté coupable un type qui explose les codes établis avec jubilation et potachisme (je ne défends pas PM de qui je n’ai jamais entendu aucun son) : je constate par exemple que les Residents font face aujourd’hui (ou, disons, faisaient face, hier) aux mêmes insultes surcultivées que Cage autrefois.
Le Do-it yourself sans message, sans démarche, sans auto-critique, sans explication, sans même compréhension de ce qu'on essaye de faire, pour moi, c'est juste du "aimez moi", le niveau le plus bas de la motivation artistique.
Je te parlais d’une transe d’instrumentiste, d’exécutant (de perfomeur si tu préfères, encore que le terme soit trop densément connoté), pas d’un type sous acide qui bouge sur de l’acid (même si le mimétisme est peut-être marquant, je sais pas). La réduire à une manifestation exogène et forcément étrangère, c’est remettre en cause la qualité vibratoire de la musique et la qualité vibratile du corps humain, ce qui est pour le coup scientifiquement intenable, mais tu peux relever le défi si ça te tente.
Je respecte la danse et le travail de certains VJ's, mais je prône la cohérence du tout, je vois ça comme un opéra, je pense que tout doit être dans une logique, dans une conception. Mais ce que je voulais dire, c'est le travers de la démarche qui consiste à étouffer le sujet musical par la présence physique (le concept du clip MTV en gros, ou finalement la musique devient inséparable de son emballage). SI la musique ne se suffit pas à elle-même à la base, je m'en méfie fortement.
Mais c'est un avis personnel, théoriquement et techniquement, il n'est pas moins musical de superposer 5 inconnus sur scène qui font n'importe quoi en pétant dans des meubles ikéas en projetant leurs photos de vacances. Ca peut même être drôle si tout le monde a gobé la même pillule avec son verre de whisky.