Alors c'est bizarre j'étais persuadé d'avoir déjà posté ça et puis j'ai eu un doute.. et comme je le retrouve plus je le remet...
pour le contexte j'étais jeune et déprimé, d'où le côté un peu "emo"...
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déjà...
Elle était souriante lorsqu'il se détacha d'elle, de ce sourire qu'il avait toujours apprécié et le sang séché sur ses lèvres lui donnait une bouche toute sertie de pierres précieuses : elle était étincelante dans toute l'horreur du mot. Il la regarda encore un peu allongé, tout contre elle, puis le sourire s'éteignit et il ne put le supporter détournant le visage, se l'enfonçant dans l'oreiller en poussant un hurlement silencieux, un cri de soupir... Elle lui prit la main et ferma les yeux. Il était minuit deux, déjà mardi, déjà le 17, déjà novembre... Plongée dans l'obscurité de son propre esprit, elle entendait le tic-tac du réveil posé sur la table de chevet, semblait vouloir menacer, repousser dans ces retranchements le bruit de son propre organisme, en un flux syncopé qui ne semblait jamais dans le rythme...
Minuit cinq, déjà le 17.
Il se mit à tousser, doucement d'abord, la tête toujours à demi enterrée dans les coussins puis plus fort, comme quelqu'un qui répète ses mots en s'adressant à un sourd-muet, violemment enfin en se tordant en spasmes diverses qui le firent se lever et aller vers la salle de bain, dans un acte désespéré de dignité en émettant des petits bruits de chuintements, la face rougeaude. Elle l'entendit avaler ses pilules, puis il revint se blottir à ses cotés l'air apparemment heureux, ce même air qu'elle lui avait connu parfois jadis. Le réveil frappait toujours le silence martelant le temps qui passe : déjà le 17... Elle le regarda de nouveau sur la petite table vérifiant tout de même la date, se méfiant de ses propres calculs : pas de doutes le 17. Déjà... Posés à coté du réveil d'autres médicaments, les siens, des bonbons pour cadavre avec les papiers de l'hôpital et le revolver de son frère, gisaient comme tout naturellement : elle s'était pratiquement faite à cette idée.
"Tu es toujours aussi belle... mon amour" dit-il, essayant sûrement de changer de sujet...
Elle savait qu'il mentait, elle savait que depuis qu'ils s'étaient rencontrés il y a neuf mois de cela, elle avait perdu trente-cinq kilos et que cela ne faisait pas d'elle un mannequin du tout, elle savait aussi que lui ne pensait pas mentir en disant cela mais cela la fit pleurer quand même, larme par larmes, en silence...
Il l'enlaça alors tendrement, fragilement presque sans la toucher, comme un jeune chat qui griffe sa mère morte pour la réveiller, en lui lapant le front. Il embrassa ces paupières, ses cheveux, humectant au passage le sang séché et le sperme qui en collait quelque mèches puis l'étreignit enfin, l'embrassant longuement malgré la difficulté qu'il avait à retenir sa respiration avec ses poumons rongés et ses bronches de cuir... Elle avait maintenant l'expression qu'elle avait le jour de leur rencontre, il y avait neuf mois de cela ( déjà ) , c'était l'expression la plus triste qu'il ait jamais vu chez un être vivant, l'expression la plus triste de tous les morts-vivants qui l'entourait, les autres membres du groupe de thérapie "ensemble face à la mort". C'est là qu'il l'avait désiré pour la première fois, se disant que quelqu'un d'aussi triste à l'idée de mourir devait être quelqu'un d'absolument vivant, qui aimait la vie, quelqu'un qui pouvait l'aider, lui qui n'avait jamais rien compris à ce genre de chose et qui à force de persévérance, d'actes mortifères, de suicide inconscient et d'un bon nombre de kilos de tabac avait enfin obtenu ce qu'il redoutait : une sentence, une échéance, un point final : " monsieur il ne vous reste que neuf mois à vivre, je suis désolé". Neuf mois, déjà 9 mois, leur enfant les attendait, il était sorti du ventre de la mort et les toisait tout les deux sur la table de nuit.
Elle saignait de nouveau du nez mais n'y faisais plus attention... souriant à travers ses larmes.
"Fais-moi jouir une dernière fois, dit-elle en caressant son torse efflanqué, et puis..."
A quoi bon attendre le lendemain? La chambre était payé jusqu'à la veille mais le tenancier de l'hôtel avait parut arrangeant. De toutes façon cela se ferait bientôt tout seul ils le savaient déjà.
Il ne pouvait plus bander très longtemps ( saleté de médicament saleté de douleur saleté de sang pourri,saleté... ) mais elle aimait qu'il se frotte contre elle comme si tout son corps était une gigantesque caresse lancinante qui irait dans toutes les directions en même temps, des baisers de tentacules... Elle gémissait doucement, tant de souffrance que de plaisirs, envahie par le néant et l'infini et toutes ces conneries qui sont le fond de commerce des poètes ; apaisée ; tranquille et désespérément fatiguée, elle hoqueta doucement, animal marin privée d'air, qui montre ses dents pour se battre avant d'étouffer, les yeux grands ouverts sur les secondes qui passe, puis soupira. Elle ouvrit la bouche et ferma les yeux : elle avait choisi dans la bouche, mourir par cette gorge qui n'avalait plus rien, en lui redonnant une ultime utilité...
Il déssera son étreinte et pris l'arme sur la table de nuit.
...
Elle en premier, lui en second
déjà novembre
