http://www.avoixautre.be/spip.php?article2166 La RFID à l’école de La Bruyère - Dans le cartable : des cahiers et une puce électronique
Le 26 juin, le conseil communal de La Bruyère a décidé que dès la rentrée de septembre les 600 élèves qui fréquentent la garderie auront désormais une puce électronique accrochée à leur cartable, qui sera scannée pour enregistrer leur présence.
Jusqu’où les nouvelles technologies vont-elles poursuivre leur implantation dans les écoles belges ?
Après l’installation de bornes d’identification des empreintes digitales dans l’école libre Marie-José à Liège et Don Bosco à Bruxelles pour contrôler l’entrée de leur bâtiment (Lire notre article : « Apparition de la biométrie dans une école de Liège »), c’est de la région de Namur que proviennent des inquiétudes.
Le 26 juin, le conseil communal de La Bruyère a décidé que dès la rentrée de septembre les 600 élèves qui fréquentent la garderie auront désormais une puce électronique accrochée à leur cartable, qui sera scannée pour enregistrer leur présence. La puce peut être lue à 7,5 cm de distance [1] ; il s’agit donc de RFID.
Comme souvent lors de l’introduction de technologies biométriques ou de RFID, la diminution du travail et le gain de temps servent de justification. Ainsi, d’après l’échevin de l’enseignement, Olivier Nyssen, « Le temps récupéré pourra être utilisé à des tâches pédagogiques et d’encadrement. » Selon « Vers l’Avenir », qui a révélé l’information, l’équivalent d’un mi-temps serait libéré pour d’autres activités pédagogiques. Ce cas vient souligner le manque de personnel éducatif et enseignant, résolu une fois encore par l’instauration d’une technologie qui est loin de faire l’unanimité.
L’enjeu des puces dès l’école : la première étape
Bien que le projet ait été approuvé par la commission de l’accueil extrascolaire de l’entité - qui regroupe enseignants, direction, parents et pouvoirs organisateurs - et bien qu’Olivier Nyssen, l’échevin de l’enseignement, assure que « le badge ne comporte qu’une seule donnée : un numéro » et que « les éléments recueillis sont immédiatement détruits après facturation » [2], nous pensons que l’introduction de cette technologie dans l’école communale est une bien mauvaise idée. Elle participe sans le vouloir à l’acceptation progressive de l’enregistrement des mouvements des habitants, dès l’enfance, faisant ainsi le jeu des lobbies de l’électronique.
On sait l’importance que les industriels de l’électronique attachent à une mise en contact précoce des enfants avec les nouvelles technologie. En 2004 déjà, le lobbie Gixel (groupement des industries de l’interconnexion des composants et des sous-ensembles électroniques) expliquait dans son « Livre bleu » rédigé à destination du gouvernement français que « La sécurité est très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une atteinte aux libertés individuelles. Il faut donc faire accepter par la population les technologies utilisées et parmi celles-ci la biométrie, la vidéosurveillance et les contrôles. Plusieurs méthodes devront être développées par les pouvoirs publics et les industriels pour faire accepter la biométrie. Elles devront être accompagnées d’un effort de convivialité par une reconnaissance de la personne et par l’apport de fonctionnalités attrayantes :
- Education dès l’école maternelle, les enfants utilisent cette technologie pour rentrer dans l’école, en sortir, déjeuner à la cantine, et les parents ou leurs représentants s’identifieront pour aller chercher les enfants.
- Introduction dans les biens de consommations, de confort ou des jeux : téléphone portable, ordinateur, voiture, jeux vidéos.
- Développer les services « cardless » à la banque, au supermarché, dans les transports, pour l’accès Internet, …
La même approche ne peut pas être prise pour faire accepter les technologies de surveillance et de contrôle, il faudra probablement recourir à la persuasion et à la réglementation en démontrant l’apport de ces technologies à la sérénité des populations et en minimisant la gène occasionnée. Là encore, l’électronique et l’informatique peuvent contribuer largement à cette tâche » (Lire sur le site des Big Brother Awards France : « Livre Bleu du Gixel, les BBA republient la version originale (et non censurée) »)
Les réactions des officiels
Du côté du ministère de l’Enseignement obligatoire, le socialiste Christian Dupont a indiqué comprendre que ce type de système existe dans ce cas-là pour libérer du temps pour d’autres projets pédagogiques. Ici aussi la frénésie absurde de gain de temps semble avoir frappé. Néanmoins le ministre « se demande si c’est le meilleur moyen de répondre aux besoins ». Et de préciser que, juridiquement, il ne peut toutefois s’opposer à cette mesure, car elle relève de l’autonomie du pouvoir organisateur de l’école communale. Rien ne l’empêcherait pourtant de susciter une discussion parmi les enseignants et les éducateurs sur les nouvelles technologies. [3]
Du côté de la Fédération des Associations de Parents d’Elèves de l’Enseignement Officiel, on estime également que les nouvelles technologies peuvent apporter une aide mais qu’il ne faut pas « tout robotiser », avant d’ajouter diplomatiquement « Nous ne sommes pas trop favorables à ce genre de choses et nous sommes contre le fait de retirer une composante humaine ». [4]
Ces deux positions manquent, à notre sens, de vigueur dans un dossier éthique. En sera-t-il autrement après deux mois de vacances, quand les choses se seront tassées ?
Et du côté syndical ? Rien. Silence radio... Consternant.
C’est de l’Union des Fédérations des Associations de Parents de l’Enseignement Catholique que provient une position plus claire, alors qu’elle n’est pas concernée directement par cette affaire qui ne touche pas une école de l’enseignement libre : elle indique qu’il faut éviter tout risque d’escalade dans ce type de surveillance. [5]
Une réaction ferme généralisée serait pourtant bienvenue, car concrètement, comme l’ont épinglé les Ecolos de La Bruyère, seul groupe politique à s’être publiquement opposé à l’implantation des puces dans les cartables, « une fois le système mis en place, la tentation sera grande de confier d’autres fonctions à ce portique électronique, comme la gestion des frais scolaires ou le contrôle de la fréquentation scolaire, par exemple. Autant de sources potentielles de tension qui nécessitent des contacts humains plutôt qu’un traitement automatique. » [6]
Contre les puces et la biométrie dans les écoles
Ainsi que nous l’avons signalé lors de l’introduction des bornes destinées au contrôle des empreintes digitales à Liège et Bruxelles, la situation est d’autant plus inquiétante que, en acceptant la biométrie et les puces RFID, l’Ecole participe à la normalisation de ces techniques de surveillance et prépare les jeunes à un monde de contrôle permanent, de traçabilité totale des individus. Elle concourt à la mise en sommeil des consciences au lieu d’être un lieu privilégié d’exercice de l’esprit critique. La résistance ne viendra pas d’esprits au garde-à-vous.
Qu’adviendra-t-il quand on pourra à l’avenir pour chaque individu croiser son dossier scolaire, ses données médicales, familiales et son casier judiciaire ? L’échec scolaire stigmatisera-t-il la « dangerosité sociale » d’un individu ? Yves Poullet, le directeur du centre de recherche Informatique et droit installé à Namur, a d’ailleurs rappelé à l’occasion du cas de La Bruyère que la loi actuelle n’établit pas assez de garde-fous : « Les techniques d’identification par empreintes digitales ou par puce comportent des risques de corrélation de fichiers et d’utilisation malveillante des données. » [7]
Le conseil communal de La Bruyère devrait augmenté les équipes pédagogiques et non pas les moyens techniques qui, à moyen terme, risquent de menacer la vie privée des élèves et de leurs parents ainsi que la souplesse de travail de leurs éducateurs.
Nous refusons la biométrie et la RFID de manière générale et singulièrement au sein de l’Ecole car elles seront plus que probablement synonyme d’une raréfaction du personnel d’éducation dans les enceintes des établissements scolaires. La mécanisation des entrées et sorties des élèves qui prétend alléger la tâche de la vie scolaire finira par la vider de ses éducateurs et retirer à l’espace scolaire toute dimension éducationnelle et pédagogique.
Face aux réactions molles des « représentants », il revient aux usagers de s’organiser de façon autonome. L’intérêt des élèves, parents et équipes scolaires est de préserver les relations humaines entre l’école et les familles et de refuser toute technologie de contrôle.
Un débat public doit s’engager très rapidement sur l’intrusion de plus en plus fréquente des « smalls brothers » dans nos vies.
[Louise]
Pour en savoir plus :
- Lire notre dossier : « Des technologies au service de la surveillance »
- Lire l’ouvrage du collectif Pièces et main d’œuvre, « Terreur et possession. Enquête sur la police des populations à l’ère technologique », Ed. L’Echappée, juin 2008
Notes
[1] « Le Soir » du 01/07/08
[2] « Le Soir » du 01/07/08
[3] Dépêche Belga du 30/06/08
[4] Dépêche Belga du 30/06/08
[5] Dépêche Belga du 30/060/08
[6]
http://web4.ecolo.be/[7] « Le Soir » du 01/07/08