La CNIL sonne le glas de l'automatisation de la chasse aux internautes
LEMONDE.FR | 25.10.05 | 18h40 • Mis à jour le 26.10.05 | 16h26
Les mauvaises nouvelles se suivent pour la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) et la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP).
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a rendu publique une décision qui tenait en haleine l'industrie du disque et les millions d'utilisateurs français de logiciels d'échanges de pair à pair : elle a rejeté, mardi 25 octobre, la demande de quatre sociétés d'auteurs et de producteurs qui voulaient automatiser la chasse aux internautes-contrefacteurs et envoyer des "messages de sensibilisation".
La ligue Odebi et l'ADA (associations des audionautes) se sont réjouies du "rejet de la traque" que promettaient les représentant des ayants droit de l'industrie musicale aux Français coupables de partager des fichiers musicaux sur le Net.
En plusieurs points, l'institution a motivé sa décision.
Elle a considéré que ces sociétés ne pouvaient avoir recours aux FAI pour qu'ils identifient les internautes et relayent les messages de prévention.
La CNIL rappelle également une décision du Conseil constitutionnel selon laquelle "les données collectées à l'occasion des traitements portant sur des infractions aux droits d'auteur ne peuvent acquérir un caractère nominatif que sous le contrôle de l'autorité judiciaire". Toujours selon la CNIL, les dispositifs de détection proposés ne sont "pas proportionnés à la finalité poursuivie", notamment car ils "peuvent aboutir à une collecte massive de données à caractère personnel" et permettent "la surveillance exhaustive et continue des réseaux d'échanges de fichiers de pair à pair".
Enfin ce sont ces sociétés d'auteurs qui déterminent le seuil du nombre de fichiers mis à disposition sur les réseaux pair à pair à partir duquel les internautes peuvent être poursuivis.
En filigrane, l'institution a répondu aux craintes des associations d'utilisateurs de voir s'établir une police privée des réseaux au service d'une industrie.
Cette décision tombe mal pour la SCPP et la Sacem, déjà embourbées depuis cet été dans un imbroglio judiciaire. En effet les représentants de l'industrie du disque sont assignés pour… contrefaçon par la société Copeeright Agency. Lasociété même que la SCPP envisageait d'employer, en janvier dernier, pour repérer les internautes contrefacteurs.
La SCPP précise dans un communiqué que "la décision de la CNIL ne la prive pas, et encore moins les pouvoirs publics, de moyen d'actions pour lutter contre la piraterie musicale". La décision de la CNIL est toutefois un sérieux revers pour les représentants français de l'industrie musicale. La SCPP devra revoir sa stratégie de lutte contre le partage de fichiers numériques, et revenir à une multiplication de procédures contentieuses, onéreuses, à l'efficacité discutée.
Eric Nunès
Le Monde