Auteur Sujet: les formidables aventures d'holocauste  (Lu 1166 fois)

konsstrukt

  • Vicomte des Abysses
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les formidables aventures d'holocauste « le: juin 09, 2013, 12:54:12 pm »
LES FORMIDABLES AVENTURES D'HOLOCAUSTE, EPISODE 1/6

J'ai écrit la première version d'Holocauste entre 2008 et 2009. Dans le même temps je finissais Nuit noire et rédigeais ce qui allait devenir mon deuxième roman porno publié chez Média 1000.
Je me souviens. J'écrivais sur un ordi portable assis au bout de la table du séjour. A ma gauche la fenêtre donnait sur le parking de la résidence et je pouvais bien passer trois plombes à bailler aux corneilles en matant à travers, rien n'arrivait jamais. Si j'avais espéré un truc pour me distraire, j'aurais été marron. En face de moi y avait le reste du salon et derrière c'était la chambre, avec dans le pieu ma copine qui jouait à des trucs sur son ordi à elle ou bien qui bouquinait, j'aimais bien sa présence derrière moi.
Après avoir terminé Nuit noire je me suis attaqué à un bouquin qui est devenu mon premier roman porno refusé par Média 1000, on gagne pas à tous les coups, et à un texte qui s'appelait Relapse et dont je n'ai pas le moindre souvenir. Pendant que j'écrivais ces trucs qui ne me demandaient pas tant de travail, j'en chiais, j'en chiais vraiment sur Holocauste. Je me souviens de la tentation du bâclage, de laisser tomber le bousin, de revoir à la baisse mon ambition de départ qui n'était pas si déraisonnable pourtant. Un roman de SF à court terme, écrit dans le style comportementaliste de l'âge d'or du roman noir, qui parle de la fin du monde et de ce qui arrive après, sans personnage principal, raconté à travers une série de saynètes composant l'intrigue comme une mosaïque ou un album-photo. Ce que j'avais pas prévu c'est que ma succession de petites scènes serait si difficile à rythmer ni que ce serait si compliqué de faire vivre mes personnages dans un espace aussi réduit et avec un arsenal technique aussi rigoureux que le béhaviorisme. Alors c'est sûr que la tentation de foutre en l'air tout ce bordel et d'en faire une simple nouvelle, voire de lâcher l'affaire sur le style et torcher ça à la balzacienne comme n'importe quel tocard, a fait plus que m'effleurer l'esprit.
Mais j'ai tenu bon.
Ce qui me faisait garder le moral, c'était les bouquins de cul que j'écrivais pour Esparbec. Je veux dire que j'écrivais pas dans le vent : il y avait quelque part des types qui me payaient pour le faire. Oui, heureusement que j'avais un éditeur, heureusement qu'après le bide intergalactique de J'ai peur (mon premier roman), La musardine ne m'avait pas lâché. Je me sentais moins seul tandis que je me débattais avec ma fin du monde.
Et puis, bon an mal an, j'ai fini par en voir le bout. Début 2009, quelque part en février, j'ai foutu ce que j'imaginais être le point final à ce truc et j'ai cessé de m'en occuper, à part pour en lancer quelques morceaux à travers l'Internet.

LES FORMIDABLES AVENTURES D'HOLOCAUSTE, EPISODE 2/6

Un moment après, tout à ma joie naïve du succès que je fantasmais inévitable, j'ai commencé à faire circuler le manuscrit d'holocauste. Bon, j'étais pas né de la dernière pluie et j'envoyais des ours dans le vide sidéral depuis assez d'années pour savoir comment ça se passait. A part deux ou trois coups de fils encourageants et une publication passée sous les radars, si j'avais attendu l'approbation des éditeurs pour sabrer le champagne, mon foie se porterait mieux aujourd'hui.
Pour Holocauste, j'ai reçu deux réponses positives (aparté pour les néophytes : dans la littérature, « réponse positive », ça veut dire : refus argumenté), l'une d'Albin Michel où il était question de mon style, qui est bien, qui est bon, et de mon histoire qui est bien, qui est bonne, mais par contre, dieux du ciel que c'est déprimant, noir et violent, impossible de publier ça, le comité de lecture en tremble encore et trois d'entre eux sont désormais sous Stilnox ; et l'autre du Dilettante, écrite à la main (les seuls qui refusent à la main, à ma connaissance, c'est le Dilettante et le Diable Vauvert), où il était question de mon style, qui est bien, qui est bon (on va le savoir – ça fait toujours plaisir, remarque), et de mon univers, qui est noir, trop noir, et que de toute façon ils n'éditent pas de SF, tant pis.
Et puis un type a débarqué, qui m'a dit que le titre lui avait plu, que le style lui avait plu (chic !), que l'histoire lui avait plus (haaa !), que même s'il y avait beaucoup de travail à envisager sur le texte ça le botterait bien de le publier, seul hic : il n'avait pas de maison d'édition. Mais il s'apprêtait à en monter une et ne voyait pas d'inconvénient, si moi ça m'allait, à ce que je mette la pédale douce pendant un moment sur les envois des manuscrits.
J'ai attendu un an, deux ans, ce projet devenait de moins en moins consistant et aux dernières nouvelles il a lâché l'affaire. Moi de toute façon je l'avais lâchée aussi, je ne croyais plus avoir d'avenir dans l'édition et continuais d'écrire mes trucs, de fabriquer mes fanzines, quelques textes sortaient dans des revues underground et je me plaisais bien en prolo du porno.
C'est alors qu'un petit éditeur (Rivière Blanche) veut sortir un autre de mes romans, Nuit Noire. Bien sûr, tirage confidentiel et diffusion au lance-pierre, mais au final on en vendra autant que J'ai Peur, ce qui dans le contexte est une réussite, et dans la foulée une sélection au prix de Sade et me voilà à nouveau avec l'envie de vivre les aventures de Oui-oui au pays des bouquins.
Et c'est comme ça que j'ai fini par rencontrer les gens de Numériklivres.

LES FORMIDABLES AVENTURES D'HOLOCAUSTE, EPISODE 3/6

J'avais prévu, pour ouvrir ce troisième épisode des formidables aventure d'Holocauste, une diatribe hargneuse contre les libraires, qui me font bien rire à se plaindre que ces salauds de clients préfèrent acheter sur Internet, et que ces salauds d'éditeurs se mettent au numérique, et que ces ingrats d'auteurs les regardent crever sans que ça leur arrache la moindre larmichette. J'avais prévu de gueuler un coup et de leur rappeler que les auteurs qui vendent beaucoup c'est pas à  eux qu'ils doivent leur succès, et que ceux qui vendent peu, ils peuvent toujours chialer pour avoir leur soutien. Ouais, j'avais prévu d'y aller à fond et de leur rappeler que les écrivains se soucient autant des libraires que les bœufs du boucher, mais à quoi bon ? Pas envie finalement de faire la guerre. Mes livres se vendent mieux depuis que je suis publié en numérique. Le reste ne me concerne pas.
C'est une copine auteur qui m'a donné cette idée. Moi, au départ, j'en avais rien à foutre. J'avais pas de liseuse, encore moins de fric à dépenser là-dedans et mes bouquins je les achetais d’occase sur les marchés aux puces. Mais bon, pourquoi pas, ça avait l'air de marcher pour elle et puis en enquêtant un peu j'ai fini par piger que là-dedans se cachaient des gens capables, que finalement pour les auteurs pas connus et les textes chiants à vendre c'était une bonne alternative. Alors j'ai envoyé mes vieux manuscrits à quelques maisons qui me semblaient sérieuses.
Et voilà que je reçois une réponse de Numériklivres. Je leur en avait envoyé deux, à eux, celui qui est devenu Sexe Connexion, et Holocauste. Holocauste, de prime abord, il n'a pas tellement soulevé l'enthousiasme. Ils ont surtout aimé Sexe Connexion et d'ailleurs ont voulu le sortir assez vite. On a travaillé dessus animé par une certaine urgence, une envie, j'ai eu l'impression, d'avoir vite quelque chose de concret entre nous.
Pour Holocauste ça n'est pas allé aussi rapidement. Bon, on s'est pas frité sur des histoires de virgules comme pour le précédent, mais il y a eu des trucs beaucoup plus lourds à revoir. En gros, il manquait 50% du bouquin. Il manquait un personnage récurrent. Il manquait plein d'éléments pour que prenne la sauce. Alors je me suis remis au boulot. Vache de boulot ! D'abord deux mois à tourner en rond comme un con. A m'arracher les cheveux, me presser le citron pour trouver un personnage, pour en trouver un qui puisse encaisser un récit parallèle qui ne soit pas redondant et qui donne de l'intrigue déjà écrite une vision différente, un angle particulier. J'en ai chié. J'ai trouvé. J'ai même fini par l'aimer, ce personnage. Olivia. Avec un peu de chance vous l'aimerez aussi malgré ses bizarreries. Et j'ai fini par les écrire, ces foutues pages.

LES FORMIDABLES AVENTURES D'HOLOCAUSTE, EPISODE 4/6

Finir un manuscrit, ça met dans de sacrés états. Ceux d'entre vous qui ont déjà pris des drogues qui donnent envie de danser avec les arbres et de faire un massage au canapé devraient piger de quoi je parle. Pour les autres, je vais tenter une explication.
Imaginez l'auteur à dix heures du matin en train de mettre de la musique très fort, danser partout et boire toutes les bières du Frigo en envoyant des SMS du style « J'ai fini mon bouquin ! Je me bourre la gueule ! Je suis content ! » à ses amis, qui eux dorment encore et s'inquiètent que l'auteur soit devenu d'un coup matinal et alcoolique.
Palpitations, bouffées d'euphorie, vagues puissantes d'énergie joyeuse, c'est une vraie montée, ça dure une heure, une heure et demi.
Ça fait ça à chaque fois. A chaque manuscrit terminé l'impression est aussi puissante. Si on me demandait pourquoi j'écris des romans, c'est une des raisons que j'évoquerais, je crois. La puissance du kick.
En général, c'est après cet épisode enthousiaste et fugace (oui, quand même, fugace : une heure de délire endorphinique pour un an de travail, c'est court) que j'ai dans l'idée de fêter ça plus dignement. Et c'est souvent là que ça se gâte. Tout ce que j'aurais voulu faire, pour célébrer la fin d'Holocauste, c'est fumer un bon cigare et bouffer de la viande. Avec ma fidèle comparse nous sommes donc allés à la ville, puisque nous habitons une maison hantée au centre d'un village dont les seuls commerces sont des boulangeries et des pharmacies, acheter des cigares. Mais nous étions lundi. L'unique cave à cigare était fermée. Les ennuis ne faisaient que commencer. Nous sommes rentrés penauds, frustrés, avec au moins l'idée de se prendre une bonne cuite et manger de la viande. Mais nous sommes rentrés trop tard, l'épicerie était fermée, adieu l'alcool, adieu le sang. Une pizza ? Non. Nous étions lundi. Un resto, peut-être ? Non. Nous étions lundi. Ne finissez jamais votre livre un lundi. Nous avons fini au kebab en buvant du Coca pour chasser de nos bouches l'amer goût de l'échec.
Après que j'ai terminé mon premier manuscrit, la fille dont j'étais amoureux m'avait abandonné pour mon meilleur ami. Finalement, avec Holocauste, je ne m'en tire pas si mal.

LES FORMIDABLES AVENTURES D'HOLOCAUSTE, EPISODE 5/6

Comme je le disais dans le troisième épisode des formidable aventures d'Holocauste, la première version du manuscrit a soulevé plein de problèmes. En gros le bouquin était chouette, constituait une bonne base sur quoi travailler, mais le handicapaient lourdement des redondances dans l'action – disons-le franchement : du radotage – et l'absence cruelle (pour le lecteur) d'un personnage à travers qui on pourrait suivre l'action. Autrement dit : ma narration à la Dos Passos (que je n'ai jamais lu, mais quitte à pomper un grand auteur, …) tenait autant debout qu'un unijambiste à cloche-pied sur un toit.
J'avais six mois pour régler le problème. Je ne voyais pas très bien où était la difficulté.
Au bout de trois mois passés à regarder mon écran d'un œil aussi vide que ma page, j'ai fini par piger : j'avais déjà tout dit dans la version de base et ce truc était vieux de plusieurs années, je n'étais plus du tout dedans, ça n'était pas gagné. Alors j'ai tenté des approches, disons, parallèles, comme récupérer des personnages déjà présents dans la première version et leur inventer des histoires à la con. Ça a eu le résultat formidable que vous imaginez. Autre stratégie : trouver des arguments pour convaincre mon éditrice de publier le livre tel quel. Ou d'en décaler la sortie en 2014 ou 2015. Et d'ailleurs, pourquoi le sortir, après tout ? Je veux dire on s'en fout, c'est pas comme si des millions de lecteurs attendaient ma dernière crotte.
Toutes ces recherches préliminaires m'ont occupé pendant quatre bon mois, j'avançais à grandes enjambées. Il me restait huit semaines pour pondre cent mille signes, quand soudain, un mail. La date de remise du manuscrit avait changé. Ça n'était plus début mai comme prévu, mais plutôt mi-avril.
J'éclatais d'un rire nerveux, un peu comme un héros de Lovecraft quand il comprend la vraie nature de l'Univers.
Et quelques jours plus tard j'ai enfin vu la lumière.
UNE PUTE ! Bon sang mais c'est bien sûr ! Une pute. Comment n'y avais-je pas pensé avant ? Quel autre archétype du roman noir, mieux que la pute, correspondait à ce que je voulais écrire ?
J'étais sauvé. Le reste : rédaction, relecture, dix heures chaque jour pour fabriquer le texte une phrase après l'autre, l'artisanat, le labeur, n'était que broutilles.

LES FORMIDABLES AVENTURES D'HOLOCAUSTE, EPISODE 6/6

Pour ce dernier épisode des formidables aventures d'Holocauste, je ne vais pas raconter d'anecdote plus ou moins inepte. A la place, je vais citer mes sources. Et, avant ça, remercier quatre personnes sans qui ce bouquin ne serait pas ce qu'il est :

Jean-François Gayrard et Anita Berchenko, mes éditeurs ;

Nihil, qui a fourni l'illustration de couverture ;

Yann, du forum chevreuil.net, dont la lecture critique m'a permis d'écrire d'une manière réaliste une scène de chasse à l'arc alors que je suis aussi chasseur que le pape est démocrate.

Merci à vous.

Quant à mes sources, il y eu le forum survivalisme attitude (http://www.survivalisme-attitude.com/), le site la préhistoire ludique (http://paleosite.free.fr/index.htm), ce site : http://urbexfrance.fr/insolite/les-10-plus-beaux-parcs-dattractions-abandonnes/ pour les photos de Pripiat, et d'innombrables sites géographiques qui m'ont permis d'écrire d'une manière que j'espère pas trop incohérente toutes les scènes qui se déroulent dans le détroit de Gibraltar et au Caire. Sans oublier, pour tous les déplacements, l'Atlas Routier France édité par Michelin, un de mes livres de chevet.

Voilà.
Et merci à vous, lecteurs.




Holocauste est un roman édité par numériklivres et disponible exclusivement en numérique sur toutes les plateformes de téléchargement.