BIO-PHONUS N°1 : SUN RA
Projet d'émission bimestrielle panoramique et rétrospective
autour d'un auteur par son œuvre. Diffusion Dimanche 1er
février 2009 à 13 h 00.
Un train fantôme projeté sur les rails du grand huit.
Construction complexe dans l'œuvre d'une personnalité
de l'histoire de la musique, jeu de montage et de glissement,
méthode de digestion et d'assimilation supersoniques,
expériences inédites et émotions garanties !
BIO-PHONUS tentera un tour d'horizon... Pas de blabla ni
de chichi, de la tête à l'anus la boucle bouclée. Déconstruire
pour trouver la singularité du personnage.
CONTRAINTES TECHNIQUES ENVISAGÉE :
-utilisation exclusive des œuvres de l'artiste faisant l'objet de l'émission.
-respect chronologique
-effets autorisés : mélanger, répéter, accélérer / ralentir, à l'endroit / à l'envers, droite /gauche
-60 minutes maxi.
Emission N°1 : Sun RA.
" Ma musique va d'abord faire peur au gens, car ma musique
représente le bonheur et ils n'en ont pas l'habitude.
Il sont habitué à la tristesse, à la destruction, ils craignent que
quelque chose d'affreux leur arrive. Ils ne peuvent envisager
que quelque chose de bien se passe car le monde est malade,
à l'agonie. Mon idée est qu'il faut commencer par étudier les
mythes et voir ce qu'on peut faire avec l'impossible. J'ai réuni
quelques équations qui semblent être ridicules mais qui
concordent. Je les ai montrées à des mathématiciens qui furent
bouleversés car ils ne purent pas dire qu'elles étaient fausses
mais seulement étranges et qu'elles rendaient le monde ridicule.
Et plus je regarde le monde, plus je pense qu'il est ridicule.[...]"*
[1914-1993 air chrétienne] Sun Ra émissaire du Soleil sur la
planète Terre. "Avis aux peuples de la Terre. Vous devez
comprendre que vous avez le droit d'aimer la beauté. Vous
devez vous préparer à vivre la vie de manière plus large.
Bien sûr, l'imagination est nécessaire, mais pour l'acquérir
vous n'avez pas besoin d'être éduqué. L'imagination peut
vous faire découvrir la véritable signification du plaisir.
Ecouter peut être l'un des plus grands plaisirs. Vous devez
apprendre à écouter parce qu'en apprenant cela vous
apprendrez aussi à voir avec les yeux de l'esprit.
La musique, voyez-vous, peint des images que seuls les yeux
de l'esprit peuvent voir. Ouvrez les oreilles afin de voir avec
les yeux de l'esprit."
Enlevé sur Saturne par des extra-terrestres qui lui révélèrent
son destin de musicien et de messager, Herman Poole Blount,
Sonny Blount, Sonny Lee ou Hermann Sonny Blount grandit en
États-Unis d'Amérique, Birmingham, Sud Alabama avant de (re)
devenir Sun Ra (ou Le Sony'r Ra) : gourou cosmique.
Sun Ra croyait beaucoup à l’existence de fantômes vivant parmi
nous comme les autres êtres humains ."Il y a des gens qui sont
des fantômes, j'en suis presque sûr. Selon certains, la mort aurait
été abolie il y à 3000 ans. […] Ce n'est pas parce qu'on ne peut
pas voir certaines choses qu'elles n'existent pas. […] Les époques
différentes semblent avoir des couleurs différentes et le bleu est
la couleur d'aujourd'hui, le bleu et le gris. L'année dernière,
j'aimais le rouge. Vous savez cette histoire de vibration, c'est un
truc scientifique. Chaque cellule du corps d'un homme vibre
différemment et quand cesse l'harmonie des vibrations l'homme
tombe malade. La semaine dernière un ami de Californie m'a dit
qu'on était en train de mettre au point une machine capable
d'accorder les vibrations des corps humains. […]"*
Il aurait enregistré à la tête de son Arkestra (Solar Arkestra,
Myth Science Arkestra, 21st Century Echoes Arkestra, Intergalactic
Reasearch Arkestra, Astro Infinity Arkestra, etc.) plus de deux
cents albums. Dans les années 50 Il créer son propre
label "Saturn"dans une forme DIY. Pianiste, joueur de claviers,
percussionniste, compositeur, poète , chef d'orchestre,
et scientifique il commence à jouer, dès le début des années 50
d'un instrument électrique à clavier, de son invention (dont
certaines possibilités sonores évoquent d'avantage celles des
Ondes Martenot ou de l'Aetherwelleninstrument conçu par le
soviétique Theremin en 1924 que celles du piano électrique ou
de l'orgue traditionnel), par la suite, il aura tendance à essayer
toutes sortes les claviers (Moog, Farfisa, Célesta, Theremin,
Telharmonium, Crumar Mainman, Intergalactic Organ...).
"[...] Ça n'est pas vraiment de la poésie, parfois les vers riment,
parfois il ne riment pas. Ce que je veux faire, c'est associer des
mots pour qu'ils produisent un effet. Si vous mélangez deux
produits chimiques, vous obtenez une réaction. De la même
manière, si vous mettez ensemble certains mots, vous obtiendrez
une réaction qui aura une valeur pour les gens de cette planète.
C'est pourquoi je continue de mettre de mots ensemble. Einstein
a dit qu'il cherchait une équation pour la vie éternelle. Mais on a
construit la bombe atomique et son projet et resté en plan. Mais
je suis sûr qu'il avait raison. Mettre des mots ensemble, ou même,
si on pouvait, peindre l'image qu'il faut, qui émettrait les vibrations
qu'il faut, ça changerait le destin de la planète entière. Ça vas plus
loin que la science-fiction. L'impossible m'intéresse parce que tout
ce qui est possible a été fait sans que le monde change pour
autant. Notre époque est très étrange et il va falloir utiliser des
choses qu'on n'a jamais imaginées. C'est pour cela que je parle
toujours de l'impossible et que je demande à mes musiciens de
jouer l'impossible. Et parfois, ils le font."*
L’œuvre est protéiforme. Voué au free jazz, il développe une
mystique musicale et spirituelle qui lui est propre, sa science-fiction
mélange sorcellerie vaudou, folklores africains, œuvres populaires
du jazz noir américain, ambiances exotiques, et psychédélisme, et
s'articule entre mythes ancestraux (aztèques, grec, égyptiens...),
panafricanisme, et philosophie cosmique.
Délicatesse du vaporeux et chaos interstellaire effrayant ; la
musique de Sun Ra recrée un monde qui craquelle régulièrement
la surface de l'air, aspire le cosmos dans le siphon d’un trou noir,
et contamine les oreilles qui sans approche.
La playlist de l'émission
ici*Propos recueillis au magnetophone par Jean -Louis Noames. Jazz magazine n°125, décembre 1965.