Salut,
Je crois que sur CC il y a pas mal d'étudiants. Alors je prends (temporairement) ma casquette d'enseignant à l'université pour demander à la cantonnade si il existe encore une pensée critique et politique chez les étudiants, ou si, même là, la bête est morte ?
Non, parce qu'on rigole, on s'amuse, on organise des teufs, etc., et le Caniche le fait très bien, mais pendant ce temps le paquebot coule et la destruction du service public s'organise à une vitesse que vous n'imaginez même pas. Alors, la rigolade, le rose fluo et le vert, c'est sympa, mais ça commence à sonner un peu décalé par rapport à l'ambiance plombée de mort lente qui s'instale depuis la rentrée à l'université (et plus généralement dans la France petit lapin qui pisse derrière la tenteste, qui ressemble de plus en plus à la France pétainiste).
Côté "profs", je vis ça comme un échec radical. Echec de la pensée critique dont je pensais l'université dépositaire : plus aucune discussion sur ces aspects ne semble possible avec mes chers collègues, à l'exception de quelques rares dont les neurones n'ont pas été totalement bouffés par les ambitions personnelles ou par la bureaucratisation de la pensée. Echec éducatif : qu'avons nous fait de nos missions de formation du citoyen ? Depuis qu'on a transformé l'université en annexe de l'ANPE, et que les forces et acteurs du marché l'ont investi, on forme moins des esprits à être intellectuellement autonomes que professionnellement rentables, flexibles, dociles et muets. A-critiques. Je ne parle pas de mes enseignements, qui conservent cette dimention d'analyse critique autonome par rapport aux intérêts marchands. Mais je parle d'une bonne partie des enseignements de l'université, qui confondent apprentissage professionnel et enseignement. Non que je serais opposé à l'ensignement professionnel (j'ai moi-même suivi un enseignement professionalisant à la fac, avant de devenir chercheur). Mais c'est une question de rapport de légitimité, de proportion : aujourd'hui, on a l'impression que seules les filères directement appliquées et professionalisantes ont de l'avenir. Le pire, c'est que ce sont ces filières qui attirent les meilleurs étudiants, alors que les moins bons vont dans les filières "recherche", ce qui est dramatique comme inversion.
Bref, c'était juste pour signaler aux étudiants présents ici que l'université sera dans très peu de temps privatisée, que leurs ensignants ne seront sans doute plus fonctionnaires dans quelques années, et qu'on va donc leur servir une soupe idéologique dont toute liberté intellectuelle aura disparu au profit d'une pure instrumentalisation.
Or, face à ça, je ne vois aucune prise de conscience estudiantine, pas plus que syndicale, et encore moins politique. Et ça me sidère... Est-ce que vous vous rendez compte que ce dont vos parents ont pu bénéficier, pour certains en tout cas, est en train de disparaître sans doute pour toujours ? Est-ce que vous avez bien compris que vous aurez une vie moins facile et moins libre que vos parents ?
Est-ce que tout le monde s'en fout vraiment, chez les étudiants, de la marchandisation du savoir et de la destruction de l'ensemble du service public ?
+A+