il y a un type qui prend le métro
avec sa copine
sous le bras les papiers
pour s’engager dans l’armée
le type a l’air simple
les joies simples de ne pas se poser de question
bien manger
bien bander
tuer des types
construire des ponts
l’amour se lit dans ses yeux
j’ai peur de lui
***
le mercredi je quitte la maison avant huit heures
je sors de l’immeuble et de la résidence et je longe la voie rapide
je passe devant un restaurant chinois et une boutique d’articles de golf dont la vitrine est protégée par des plots en ciment décorés d’une scène de golf et une agence d’assurance et une boutique de luminaires et un boutique de hi fi et j’arrive à la zone des supermarchés
darty
bricorama
mac donald’s
flunch
joué club
ils sont tous fermés à part macdo
tous les parkings sont déserts
je me dirige vers carrefour
l’air est froid et impregné d’essence même s’il n’y a presque pas de voiture
les portes tambour tournent lentement
j’entre dans la galerie marchande
il est huit heures et quart
les premiers clients sont déjà là
ce sont tous des vieux et des vieilles
ou alors des couples de vieux
ils sont tous accrochés à leur chariot
ils font comme un entonnoir à la pointe dirigée vers les grilles
tous les regards sont tournés vers elles
les vieux sont tous habillés pareils
avec des pantalons de vieux
et des gilets gris ou marron
un vigile fait les cent pas
il semble perdu dans ses pensées
au milieu de la galerie marchande il y a un kiosque qui appartient à une chaîne de fleuristes
l’employée est déjà là
elle fait la mise en place
elle porte un tablier vert aux couleurs de la société qui l’emploie
de l’autre côté des grilles des employés circulent en portant des paniers
ils mettent des produits en rayon
les caissières sont à leur poste
elles déchirent les rouleaux de pièces
au guichet d’accueil les deux hôtesses discutent
l’une d’elles rie
il est huit heures vingt
la télé se met en route partout dans la galerie
je lève la tête vers le poste le plus proche de moi
le programme dure moins de trois minutes et passe en boucle
il passera en boucle jusqu’à la fermeture
il y a d’abord un écran fixe avec le logo de carrefour
puis les horaires d’ouverture
puis l’heure
puis la météo régionale
et nationale
et européenne
puis les programmes de la télé hretzienne présentés par télé poche
puis une information sportive présentée par l’équipe tv
puis deux pétasses en maillot de bain prises en photo et assorties d’une fiche signalétique qui indique leurs prénoms leur ville d’origine leur cursus et leurs centres d’intéret
puis les programmes de la tnt
toujours présentés par télépoche
et ça revient au début
je détourne les yeux
à huit heures trente les grilles s’ébranlent
le grincement métallique capte l’attention de tout le monde
comme un cargo qui rentre au port
les grilles se lèvent lentement
les vieux s’avencent synchrones vers la bouche
c’est un peu effrayant
***
au rayon électroménager
deux vieux comparent les différents modèles de congélateurs
ils parlent fort
je les écoute
***
il y a des insectes partout sur mon lit
de longs insectes noirs
il y en a qui ont des pattes
il y en a qui ont des ailes
je suis sous la couverture elle est bien bordée
maman me dit de mettre la tête en dessous et que tout ira bien
je bouge les jambes et les pieds pour les faire partir
ils ne partent pas
il y en a partout
ils sont en tas
il y en a aussi au plafond
ils tombent
je ne peux pas mettre la tête sous la couverture sinon je ne les verrai pas
si je ferme les yeux ils vont marcher sur mon visage
maman dort toute nue elle s’en fiche elle des insecte
elle dit qu’elle n’a pas peur d’eux
elle dit que ça la chatouille quand ils marchent sur sa peau
et puis j’ouvre les yeux
***
je porte les assiettes
maman dort déjà
sa tête est sur la table
c’est la fin du journal télévisé
maman ronfle un peu
son verre d’eau est rempli
son tube de cachets est ouvert
sa plaquette de comprimés aussi
il y a du tabac
je dépose les deux assiettes près de la tête de maman
j’éteins la télé
dehors il pleut et j’aime le bruit de la pluie
j’écoute la pluie et je me perds dans mes pensées
et puis je sors de mes rêves
et je vais chercher les fourchettes
les pâtes sont presque prêtes
je termine de mettre la table
maman se réveille
elle se lève pour aller rallumer la télé
elle tousse
elle baille
***
rappel : le konsstrukt big band en live à strasbourg le 12/10. infos :
http://www.konsstrukt.blogspot.com