à l'instant en lisant
une interview de
Frédéric Jaccaud, à propos de son premier livre
Monstre (une enfance) (qui vient de sortir et qui a l'air pas mal du tout), je tombe sur ça :
Tous les personnages de Monstres sont des fous furieux ; tous, sans exception, jusqu’au plus insignifiant. [...] Ils sont autant d’acteurs, de regards, qui mettent en avant non pas la monstruosité, mais la « monstration » – c’est-à-dire l’acte de pointer la différence, de ne pas la comprendre, de la craindre.
ça m'a directement fait penser au
Roi des Aulnes de
Michel Fournier, plus particulièrement ce passage qui m'avais marqué :
Et d'abord qu'est ce qu'un monstre? L'étymologie réserve déjà une surprise un peu effrayante : monstre vient de montrer. Le monstre est ce que l'on montre - du doigt, dans les fêtes foraines, etc. Et donc plus un être est monstrueux, plus il doit être exhibé. Voilà qui me fait dresser le poil, à moi qui ne peut vivre que dans l'obscurité et qui suis convaincu que la foule de mes semblables ne me laisse vivre qu'en vertu d'un malentendu, parce qu'elle m'ignore.
et quelques paragraphes plus bas dans cette même interview, à propos des bouquins auxquels le livre fait plus ou moins référence :
il y a bien sûr Georges Bataille, mais encore Kafka, l’œuvre d’Artaud, le Louis Lambert de Balzac, La Fée aux miettes de Nodier, Hécate et ses chiens de Morand, Le Roi des Aulnes de Tournier, etc.
pour la peine, un autre extrait de l'interview (carrément intéressante), à propos des "genres", en l'occurrence en littérature, mais qui s'applique pareil à la musique :
Personnellement, je ne suis pas certain de trouver une quelconque pertinence au clivage des genres dans le domaine de la fiction, littéraire ou autre. Tout d’abord, il me semble que le genre est la plupart du temps dépassé dès le moment où celui-ci se définit – il en résulte une éternelle poursuite en avant, d’annexion, de redéfinition, de frustration, par tous les tenants et acteurs de l’étiquette, qui ne fait que ralentir les essais de quelques auteurs tentant de pousser au loin les frontières érigées. Ensuite, l’existence même d’un genre – d’une étiquette, d’une série de codes, d’un amalgame d’idées ou d’auteurs – appelle irrémédiablement à la négation de celui-ci, à son éradication. Cependant, les genres existent, on ne peut pas les nier – SF, Fantasy, Polar, Thriller, Fantastique, Porno, etc. – encore moins les dénier. Au contraire, il n’y a rien de plus fascinant que de s’y plonger, d’observer les codes, les acteurs et la foule – que les admirateurs compareront à de magnifiques satellites et les contempteurs à des mouches à merde – qui tourne autour de celui-ci, constituant par-là même une sorte de système aristotélicien fermé sur lui-même, donc classique et désuet, charmant, autiste, triste et admirable tout à la fois. À l’intérieur de ces systèmes aberrants grouillent des cultures fascinantes, merveilleuses et grotesques qui attendent d’être manipulées, transgressées.
et puis tiens, aussi, un autre bout rigolo du Roi des Aulnes sur lequel je suis tombé en cherchant l'extrait précédent :
Cet aspect de mon âme que j'ai ainsi découvert ne m'inquiète pas le moins du monde. Quand je dis "j'aime la viande, j'aime le sang, j'aime la chair", c'est le verbe aimer qui importe seul. Je suis tout amour. J'aime manger de la viande parce que j'aime les bêtes. Je crois même que je pourrais égorger de mes mains, et manger avec un affectueux appétit, un animal que j'aurais élévé et qui aurait partagé ma vie. Je le mangerais même avec un goût plus éclairé, plus approfondi que je ne fais d'une viande anonyme, impersonnelle. C'est ce que j'ai tenté vainement de faire comprendre à cette sotte de Mlle Toupie qui est végétarienne par horreur des abattoirs. Comment ne comprend-elle pas que si tout le monde faisait comme elle, la plupart des animaux domestiques disparaitraient de nos paysages, ce qui serait bien triste? Ils disparaitraient comme est en train de disparaitre le cheval à mesure que l'automobile le libère de son esclavage.
enfin voilà j'avais été bien happé par le roman de Fournier, du coup je pense que je vais essayer de me le choper, ce
Monstre.
edit : l'extrait sur la viande, plus une légère insomnie, m'ont motivé à faire ça (ça manquait un smiley viandard)