Auteur Sujet: Une excuse pas valable  (Lu 22793 fois)

Tehanor

  • Plutonium Saucisse
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Une excuse pas valable « le: octobre 14, 2006, 18:12:19 pm »
C'était une journée de merde, et j'avais décidé d'enfiler mon mode blasé. Envie de rien, saoulé de tout, et plus particulièrement de ce sentiment de dépit qui m'envahissait à l'idée de franchir la porte de cours y affronter une pluie de blabla abstrait et complètement inutile.
« Allez vas-y, viens ce soir, faut sortir un peu, voir des gens, me lance Émile en me tapant sur l'épaule. Et puis comme ça, on sera déjà sur place pour aller à la Condition Publique. »
La prof s'était mise en tête de nous emmener voir la répétition d'une troupe de danse contemporaine. Un truc qui m'emmerderait au plus haut point, mais il fallait reconnaître que l'aspect pratique de la proposition, qui résidait dans le fait de se trouver à proximité de la salle où on comptait passer la soirée après, avait de quoi me la rendre assez intéressante au final. Je fais la moue du type moyennement convaincu.
« Mouais. A la limite.
- Ok. Et tu comptes venir en caisse ?
- Ouais. On a cas tous se donner rendez-vous chez toi si tu veux, comme ça, on y va ensemble.
- Et on se dit quelle heure ?
- Je sais pas. 6H30 ?
- Ouais, 6H30 c'est bien.
- Enfin, 6H30... J'essaierai de pas trop traîner quoi. »
Et je me retrouve quelques heures plus tard dans un gymnase, à regarder trois danseurs se dépêtrer sur du Wax Tailor, sans trop savoir quoi en penser. En fait, leurs déhanchements bizarres me donneraient presque envie d'en rire, alors je pince les lèvres en me sermonnant de manière un peu schizophrène :
« Crétin, t'y connais juste rien. Y'a une forte symbolique derrière ces corps en mouvement. La création ne repose pas sur des extensions de notre corps mais sur le corps lui même ! C'est beau, tout simplement.
- Ouais et alors ? Y'a rien de vraiment transcendant là dedans. J'trouve que ça rime à quedalle.
- Rappelles toi ce que pensent les gens de tes musiques barrées. Tu connais suffisamment ça pour avoir un peu de compréhension, et te dire que c'est juste parce que t'y es pas sensible.
- Peut être, mais c'est naze quand même. Danser, c'est une manière de recevoir la musique, ça vaut pas le coup d'en faire un art. Bon ok, les danses rituelles ont leur utilité sociale, à la limite, tout comme celles des minets dans les boîtes qui ont leur utilité nuptiale. Regarder tout ce petit monde s'agiter, c'est marrant cinq minutes, mais pas de quoi s'en aller lui foutre une logique de spectacle. C'est visuellement ennuyeux.
- Putain, mais c'est de penser l'art en terme d'utilité qui est naze. Et puis tu crois pas que Gerry, dont t'arrêtes pas de faire l'éloge, n'est pas aussi visuellement chiant que ce que tu vois là ?
- Si, mais en même temps, tu ressens trop l'oppression des mecs qui se savent pommés dans le désert, et c'est ça qui est génial.
- C'est la même chose ici. Le visuel au service d'un ressenti émotionnel.
- Ah, tu commences à me gaver. Allez, on va dire que j'y suis pas initié si ça peut te faire plaisir.
- Je préfère ça oui. »
La pièce se termine. La chorégraphe explique vite fait son délire, deux trois détails, et comme elle finit rapidement par ne plus avoir grand chose à dire, agresse le public en l'accablant du mutisme qu'il lui renvoie.
« Allez, j'suis sûr qu'il y a des questions là, j'ai vu une main se lever tout à l'heure. »
Silence. Je l'imagine les yeux injectés de sang, hurler sur la femme bedonnante du premier en rang.
« ALLEZ BORDEL ! CRACHES MOI UNE PUTAIN DE QUESTION SINON JE L'ARRACHE DU FOND DE TA GORGE AVEC MES MAINS ! »
Un type se jette à l'eau.
« Euh... Sinon, vous avez répété combien de temps pour monter cette pièce ? »
Nul doute qu'elle attendait mieux, mais ça lui permettra au moins de combler le vide pour quelques minutes. Sont marrants ces gens, à toujours chercher une raison, une justification, ou quelconque utilité à ce qu'ils font ; et le public de l'accepter juste parce qu'il paraîtrait que ça aide à comprendre l'oeuvre. Ben ouai, pourquoi pas. Qu'on vienne pas me dire après que l'art se ressent plutôt avec les tripes qu'avec la tête.
La dernière question vient d'une meuf de ma classe, qui secoue les mains en parlant d'une manière artificiellement excitée.
« Oui, j'avais une question. Bon, je suis désolée, ça va peut être vous paraître indiscret ce que je vais vous demander, mais je voulais savoir... Pourquoi avoir pris la thématique du bonheur ? Je veux dire, c'est du vécu ou... ? »
Je prends mon air faussement outré et avoue à Émile trouver qu'elle y va un peu fort avec sa question, ce qui nous fait doucement ricaner.

Bon, nous voilà à la Condition Publique.

Oh puis non, nous voilà dans ma caisse. Émile et moi, passablement éméchés par les bières sifflées tout au long du concert, nous motivons passablement pour faire la teuf en Belgique. Ça tombe bien pour notre semblant de conscience citoyenne, Fabien pouvait conduire sous le taux d'alcoolémie autorisé. On repasse vite fait à la Condition pour voir sur leur borne Internet le programme du Fuse et de quelques autres boîtes bruxelloises. Ok, un jeudi soir, c'est pas trop la teuf. On retourne passablement sur Lille, appelant chacun dans notre coin pour pister un after valable.

On rejoint finalement un pote qui s'appelait Cédric, un peu comme moi. Lorsqu'on arrive dans le bar, il discute avec une nana kaki-beige, le nez méchamment percé de gros anneaux. Ses yeux magnifiques sont barrés d'une mèche rousse, qui lui donne l'air d'une kepon tombée dans la fashion frange attitude.
Les enfoirés ont l'air bien plus pétés que nous. Qu'à cela ne tienne, je commande une Delirium Tremens. La fausse kepon en plastoc nous demande d'où on vient.
« P'tain, j'aurai trop voulu y aller à ce concert ! Y'a plein de potes qui m'ont dit du bien de Gong Gong.
- Wah, t'inquiètes pas. T'as rien loupé, c'était pas terrible, je lui réponds.
- Ah bon ?
- Aaah, il est dur, intervient Émile, faut pas l'écouter. »
J'essaie donc de défendre ce qui pourrait apparemment me donner une certaine coolitude à l'égard de la femelle.
« Ben disons que c'est sympa pour écouter autour d'un bol de cacahuètes, mais pas de quoi s'extasier non plus.
- Ah, c'est bizarre que c'est de la merde. J'en ai eu de très bons échos pourtant.
- J'ai pas dit que c'était de la merde.
- Ben un bol de cacahuètes, c'est pas terrible quand même.
- Ouais mais faut pas forcément le prendre de manière péjorative. Pour moi, un truc qui s'écoute autour d'un bol de cacahuètes, c'est quelque chose de sympa, mais sans plus quoi. »
Je sens remonter la rancune que j'avais éprouvé à voir le groupe sur scène avec trop de matériel que j'aurai difficilement eu les moyens de me payer.
« Ok, les mecs ont un putain de matos. Et ils savent s'en servir. Mais y'a rien qui ressort de leur truc. Des compos banales et sans âme, du déjà entendu. »
Je m'enfile la bière en pensant à la suite de ma conversation qui ne tenait plus que sur un fil dentaire.
« Parcontre, y'a un truc sympa qui joue bientôt la bas, c'est Cyan & Ben. J'te conseille vivement d'y aller parce que ça défonce bien. C'est un peu comme Portishead, un truc cool pour quand tu déprimes. J'suis deg' de pas pourvoir y aller.
- Ah nan, ça n'a rien à voir avec Portishead. Pourquoi tu peux pas y aller ?
- On joue avec mon groupe la même date.
- Ouai, moi j'irai les voir de toute façon, c'était déjà prévu au programme. »
Elle gagne un point dans mon estime, et moi, je pose une dernière fois ma pinte sans relever les yeux, pour mieux accepter d'être à court de discussion. L'éléphant gravé sur le verre me dit que je n'arriverai pas à la draguer si j'continue de trimballer ma tchatche de merde partout où je vais.
Cette fille dégageait une sorte d'assurance qui ne me laissait pas de marbre. J'apprenais plus tard, en filoutant d'une oreille distraite une bride de sa conversation avec pas moi, qu'elle faisait du théâtre (ou des études théâtrales plus précisément mais peu importe, l'un appellant souvent l'autre) et mettais l'aura qu'elle émanait sur ce seul fait.
Pour l'instant, on se retourne chacun de notre côté de comptoir et je déclame à Fabien toute mon admiration pour son renoncement à l'alcool qui me serait d'une torture psychologique difficilement soutenable pour l'alcoolo – occasionnel, je précise à ce moment pour me défendre du regard barbu que me jette le barman, l'air de dire « petit joueur, tu bois deux bières et tu fais ton malin » – que je suis. Je dis peut être ça car je commence à sentir la Delirium Tremens venir compléter ce qu'avait déjà entamé la bière de la Condition Publique – mais ça, le barman le savait pas, ah ouais. Dire que les deux larrons qu'on vient de rejoindre en sont déjà à leur cinquième, m'étonne pas qu'ils aient l'air défoncés.

Puis vint l'heure de se casser. Émile, déterminé à aller finir de nous pochtronner la gueule au Kiosk avec mes thunes. La belle kepon, traînant des bottes en prétextant s'y faire toujours draguer par des lesbiennes. Moi, traînant du pied pour essuyer la belle merde que je venais d'écraser. Fabien, décidant quant à lui de retrouver son bel apart' pour pionser.
Il fait bien, car le bar sera aussi vide qu'un PMU en pleine campagne picarde.
On siffle quand même une ou deux bières, question de pas être venu pour rien quand même, et l'autre Cédric, qui s'amusait à me chaparder le prénom depuis le début de la soirée, passe aux aveux :
« Tu sais ? On se connaît pas trop tous les deux, mais j't'aime bien quand même.
- Ça me fait plaisir que tu me dises ça, je lui fais, parce que c'est réciproque.
- Ah ouais ? Ah ben ça me fait plaisir aussi. Au fait, j'aime bien les mails avec tes histoires, que t'envoies comme ça, de temps à autres à toute la classe.
- Ouais mais t'es plus dans la liste de l'IUP, si ? J'en ai envoyé un nouveau y'a pas longtemps mais je sais pas si tu l'as reçu.
- Si, j'y suis encore. Je sais plus lequel j'ai reçu dernièrement mais je sais que j'reçois des trucs comme ça de temps en temps »
Ça me laisse perplexe, considérant le fait que je n'avais pas envoyé de mail de ce genre depuis au moins deux ans, mais je laisse pisser.
« Mais au final, c'est pas plus mal, me dit-il. J'veux dire, on se connaît pas trop mais on s'entend bien.
- Ouais t'as raison, je pense qu'on devrait garder cette relation de mecs qui se connaissent pas trop.
- En fait, même si ça fait longtemps qu'on se voit, j'me rends compte juste maintenant que t'es quelqu'un d'intelligent. »
Je dois salement tirer la tronche parce qu'il reprend de plus belle en rigolant :
« Alors que bon, t'as pas l'air comme ça. »
Un mec vient me saluer. C'est Deework, du collectif lillois Bedroom Research. Je me demande comment il a atterri dans cette soirée puante. Enfin, ça tombe bien, je suis bourré, et j'ai un paquet de sujets de foireux en tête que je m'empresse de lui soumettre avec un sourire en coin.

On se tire du bar quelques minutes plus tard. Je raccompagne tout le monde, à moitié pété au volant, et me retrouve seul avec la kepon car c'est la dernière à déposer. Je sens sa main d'Abbé Pierre posée sur mon épaule mais j'dis rien. Juste de quoi parfois combler le blanc trop long, en lui demandant le chemin au détour d'une rue.
« Tu me diras quand c'est bientôt...
- Encore un peu plus loin... Voilà, c'est là. »
Je m'arrête, attend quelque réaction de se part, mais rien.
« Bon ben bonne nuit, je lui dis.
- Ouais, merci, j'te fais quand même la bise. »
Je me tord le cou pour atteindre sa tête derrière le siège, et repense à la bise de politesse qu'elle m'avait refusée en arrivant au premier bar, juste parce qu'elle prétendait s'être mise sur son mode « associable ». Je sens le truc arriver gros comme une maison. Sa langue me roule sous le palais et ma main plonge dans ses cheveux. Pause.
« J'ai fait tombé ma casquette. »
Elle la ramasse et la refixe sur sa tête. Reprise. Je ne sais pas vraiment si c'est mon haleine ou la sienne qui refoule, mais ça donne un p'tit côté loupé à la scène auquel je décide de remédier. Pause.
« Putain mais on pue de la gueule, tu trouves pas ? »
Je tâte voir si un vieux chewing-gum plein de fils de manteau ne se morfondrait pas au fond d'une de mes poches.
« Nan, qu'elle me dit. »
Bon. Reprise. Au bout d'un moment, elle se cale au fond de la banquette et m'invite à l'y rejoindre. Je coupe le moteur, enjambe foireusement les fauteuils, lui fourre une langue de plus belle en l'enlassant sous le t-shirt ; mais je m'arrête brusquement, me jettant de l'autre côté de la banquette avec un sale air d'enfant battu.
« Arf, j'me suis fait mal à l'ongle en passant au dessus des sièges. »
Silence pendant que je me suce le doigt. Je crois que j'aurais difficilement pu sortir un truc plus pourri, mais elle enchérit quand même :
« Et sinon, tu fais quoi à la fac ?
- Ahah, ben ouais, que j'm'esclaffe. Maintenant qu'on s'est bien roulé des pelles, on se rend compte qu'on a rien à se dire, comme des cons, et tu me poses une question bidon juste pour combler le blanc.
- Nan, même pas.
- Excuses moi, j'suis un peu susceptible...
- Tu sais quoi ? La meuf au Kiosk, quand j'suis allée lui demander du feu. Elle m'a dit qu'elle était persuadée que j'voulais me la faire.
- Wah, c'est fou ça. C'est exactement ce que tu nous avais dit avant d'y entrer.
- Alors que bon, les lesbiennes, je déteste ça. »
Elle avait quand même réussi à se brancher la seule gonzesse du bar. Il faut dire que sa casquette militaire et ses cheveux coupés courts lui donnaient un côté garçon manqué.
Je lui dis :
« Au fond, tu me plais bien. Mais je crois que j'ai pas envie de te baiser. J'suis désolé.
- Qu'est-ce qui te fait croire qu'on allait baiser ?
- Bah, c'est un peu la suite logique des choses, nan ? Mais j'ai pas envie, même si mon égo de mâle voudrait que j'te prenne là, dans la caisse. Et tant pis pour ma fierté.
- Et quelle fierté t'aurais à me baiser, et à me retourner dans tous les sens ? C'est ça qui est chiant. Dès que t'es une meuf potable, suffit que tu sois pas trop grosse et que t'aies pas de protubérance sur la gueule pour que tous les mecs veulent te sauter.
- Je sais pas. C'est pas de ma faute, on baigne tous dedans. C'est le poids de la société qui veut ça, qui nous pousse à baiser le plus possible pour avoir une bonne estime de soi. J'sais que j'raconterai ça aux potes demain, et ils me diront que j'ai bien loosé. Mais ça m'intéresse pas de niquer comme ça, à l'arrache. Bouarf, tu loupes rien de toute façon, j'suis une catastrophe au pieu.
- Et c'est quoi que tu nous fais là ? Une crise de post-adolescence ? Et puis qu'est ce que t'en as à foutre de ce que disent tes potes ? Tu vas pas me dire que ce sont tous des playboys qui se tapent plein de meufs comme ça ? »
Son truc de post-adolescence me vexe et je tire un peu la tronche. Alors, pour se rattraper, elle glisse sa tête pour murmurer :
« Tu sais quoi ? C'est pas la loose, c'est cool de ta part, parce que j'en ai marre de me faire baiser. »
Ça me surprend venant de sa part car c'était quand même elle qui avait lancé l'affaire. Mais bon, sur le coup, j'suis assez content de moi. On commence à discuter pendant ce qui me semble une éternité. Un moment, elle fait mine de se barrer, et je repasse sur le siège de devant, en lui disant qu'elle aurait jamais dû faire ça parce que je tombe trop facilement amoureux, question de la faire culpabiliser. Ça marche, elle reste, mais me met mal à l'aise avec son art de la tchatche que je suis loin de maîtriser. Je commence d'ailleurs à me sentir de plus en plus con, et finis par perdre totalement le contrôle de la discussion, qui part en psychanalyse sur mon cas.
« Mais faut pas te déprécier comme ça parce que tu ressors d'histoires foireuses, me dit-elle, je trouve pas que tu loose.
- Mais au final, peut être que j'me sens bien dans ma loose. C'est un peu un masque que j'me mets, comme quand j'mets celui de bouffon de service pour faire mon intéressant devant tout le monde. Ça peut être un moyen de compenser mes nombreux plans foirés, parce qu'au moins, la loose, ça fait marrer tout le monde. »
Je sens qu'il y a quelque chose de raté dans la profondeur que j'essayais de donner à mon propos.
« Putain, ça y'est, j'commence à raconter de la merde.
- Nan... Je trouve que ça se tient. »
Je déteste quand quelqu'un essaie de me sonder, ça me donne l'impression d'être à poil au milieu d'une rame de métro. Le stress me secoue tellement les membres que je laisse échapper les clefs en dessous du fauteuil. Je tâtonne pour les retrouver en lâchant quelques jurons. J'abandonne. Elle penche sa tête entre les sièges pour les chercher, et j'en profite pour lui décocher une autre pelle goulue, appliquant pudiquement ce droit de cuissage qu'elle m'avait accordé pour un soir.
Elle prend un air profond.
« Tu veux que j'te dise ce que c'est la loose ? »
Silence. Je comprends qu'elle attendait une réponse de ma part.
« Euh oui ? Vas y, balances.
- Alors j'vais te dire ce que c'est que la loose. La loose, c'est d'être moche. »
Re-silence. L'espace d'un instant, je crois qu'elle prend une respiration mentale pour lâcher la suite.
« Euh, c'était une question ?
- Nan ! ...
- Ah ok, je devais juste mettre une virgule alors ?
- Nan ! »
Moi qui m'attendais à une tirade de fou, je reste un peu sur ma faim.
« Tu sais quoi, reprend-elle, faut pas se prendre la tête avec ces histoires. Moi, ça fait longtemps que j'me prends plus la tête. Je sais ce que je veux, j'ai mes ambitions, et puis voilà. C'est quoi tes ambitions à toi, avoir des gosses, fonder une famille ? »
Cette question m'interpelle pas mal, non seulement parce qu'elle me semble tout à fait hors de propos, mais aussi parce qu'elle refléterait presque un plaidoyer des bonnes raisons de ne pas sortir avec elle, comme si elle se sentait menacée. Je ressers ce vieux refrain que j'ai l'habitude d'agrémenter à toutes les sauces :
« Disons que j'suis sorti avec une meuf pendant plus de trois ans. Je me vidais la cervelle dessus car c'était ma seule confidente. Il m'arrivait même parfois de lui parler sans me rendre compte qu'elle s'était endormie. Quand on s'est séparé, je me suis tout à coup sentis muet. C'est ça que je recherche, quelqu'un à qui torturer l'esprit avec mes vidanges de cervelle.
- Ben dis donc, c'est pas très sympa... Moi, j'ai suffisamment subi pour arrêter de compter sur les autres, d'attendre quelque chose d'eux. J'en ai plus rien à foutre des gens.
- Bah t'en as de la chance. J'aimerais bien en avoir rien à foutre comme toi, et me cacher sous une bonne carapace. J'essaie de me convaincre que tout ça, c'est des conneries, mais au final, j'ai toujours mes vieux bads qui remontent à la surface.
- Putain mais t'es encore pire que moi. T'es vraiment le pire mec que j'me suis faite. »
Je ne savais pas trop si ça faisait référence au fait d'avoir refusé sa chatte, ou d'afficher mon sentimentalisme gnangnan. J'espèrais que c'était la dernière solution, mais ça m'aurait pas étonné pas que ça soit les deux à la fois.
« Merci, ça fait plaisir, dis-je de manière un peu gênée.
- Enfin, au moins, c'était original. J'ai préféré parler avec toi que de baiser, c'était plus sympa. Si j't'invite à prendre un café pour continuer cette discussion une autre fois, tu vas pas refuser ?
- Ben nan. »
Je la sens prête à partir, et ma bite qui se pointe au milieu de mon champs de pensée, tel un worms(®) innocent que je m'apprêterais à enterrer au bout de mon bazooka télécospique, m'inspire assez de pitié pour ne point l'achever de suite.
« Euh mais sinon, ça te dirait pas qu'on monte chez toi prendre une bière ? On va pas squatter quinze ans dans la caisse.
- Nan. Tu sais très bien que si on monte chez moi, on finira par baiser.
- Ah ouais, merde, c'est vrai. »
Ah y'est, je passais maintenant pour monsieur frigide alors que ce qui me faisait surtout chier, c'était de ne pas avoir mon petit confort de queuteur. Remarque, tant mieux, elle avait l'air de m'apprécier car je m'intéresserais à elle autrement que pour le cul, ce qui n'était pas totalement faux en fin de compte.
« Bon allez, lance-t-elle, j'vais te faire une fleur. D'habitude je trace à la fac sans calculer personne, en regardant mes pieds...
- Ah tiens, moi aussi!
- Mais là, si j'te vois, je déciderai de pas t'ignorer. »
Super, mec. Voici ton lot de consolation.
« J'peux quand même prendre ton numéro ? Pour au moins assouvir mon égo de gars en rut.
- Nan, on en a pas besoin. De toute façon, j'te recroiserai à la fac. »
Ok, ça aurait pu m'éviter de passer le lendemain à attendre anxieusement un texto qui n'arriverait pas, mais je restais intimement convaincu que je ne la recroiserai pas de sitôt.
« Ouai mais franchement, j'y suis pas souvent.
- Bah je t'y ai déjà vu.
- Ah bon ? T'es plus douée que moi parce que j't'ai jamais captée.
- Ouais. J'me suis dit que les dreads, ça t'allait pas parce que c'est rond et que t'as un nez pointu.
- Tiens c'est marrant, on me l'avait jamais sortie celle là.
- Ben ouai, normal. C'est un jugement plutôt esthétique. »
Je ne sais pourquoi cette remarque m'amuse autant. Peut être parce que je me mets à imaginer ma tête en BD, faite de triangles et de cercles.
« Au fait, chose cruciale, c'est quoi ton prénom ?
- Cédric
- Et bien bonne nuit Cédric.
- Bonne nuit Marie. »
J'éprouve une certaine fierté en voyant qu'elle ne réagit pas car j'étais pas trop sûr de mon coup. Pour une fois, ce n'était pas moi qui avais oublié le nom de la personne avec qui je parlais. Bon ok, y'avait pas de quoi se jeter les fleurs, mais quand on connaît mes dispositions à oublier les noms à la seconde même où on me les donne...
Je la fixe du regard.
« J'aimerais bien te revoir quand même, désolé si ça te fait peur que j'te demande ça. »
Va savoir pourquoi ai-je eu l'idée de dire un truc aussi con.
« Nan, ça me fait pas peur. Par contre, il faut que tu saches un truc... »
Elle se dresse pour attraper la portière.
« N'attends rien de moi. »
Je démarre le moteur, seul avec sa fatalité de kepon en plastoc, et la vois réapparaître au carreau.
« Bon, et tu m'as toujours pas dit en quoi t'étais, monsieur de Lille 3.
- J'fais un M2 ingénierie culturelle.
- Ah ouais, M2 ! C'est vrai ?
- Ben ouais, j'pensais que tu le savais.
- Nan, c'est bien, ça ! »
Là, c'est moi qui vient de gagner un point dans son estime. Je trouve le truc foncièrement dérisoire mais une pointe de fierté envahit mon être tout entier pour me faire briller tel un décalcomanie phosphorescent dans une boîte de céréales. Alors que j'avais passé au moins une heure à pleurnicher sur mon sort, je lui dis :
« Et ouais, c'est la classe. Et encore, tu ne connais pas tout de ma vie ».
Je sors mon plus beau sourire de crâneur, et lance la voiture sur la route. Ma fierté retombe aussi vite qu'elle est apparue, laissant place à l'impression d'avoir été quand même assez crétin sur cette dernière réplique. D'la merde. Je continuerai de me traiter pendant toute la route, comme à mon habitude, pour avoir foiré un plan de plus ; et passerai la nuit à me battre avec un moustique, juste pour la flemme d'aller chercher une prise anti-moustique dans la salle de bains. Le lendemain, j'avouerai ne pas être allé au cours du matin que j'avais promis de prendre pour Fabien, prétendant pour l'occasion détenir une circonstance attenuante. Sentant que ma bataille acharnée avec le moustique ne m'apporterait que peu de crédit, je sors la carte de celui qui finit sa nuit avec une gonzesse. Ça le fait plutôt marrer.
« Mais... Tu l'as baisée au moins ?
- Euh... nan. J'suis pas comme ça, moi. J'suis pas un chaudard.
- Alors si tu l'as pas baisée, c'est pas une excuse valable. »

djimboulélé

  • Chaugnar aspirator
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Une excuse pas valable « Réponse #1 le: octobre 16, 2006, 15:49:27 pm »
ah, Lille 3 ça me rapelle quelques souvenirs...

Tehanor

  • Plutonium Saucisse
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Une excuse pas valable « Réponse #2 le: octobre 16, 2006, 21:21:05 pm »
ouaip, hésitez pas sinon à me critiquer sur la forme. Ca fait 36 fois que j'me corrige, que j'reformule, mais j'passe p'tetre à côté de trucs évidents. Pas facile d'aborder le dialogue parlé en essayant un minimum de coller à ce qui s'était dit pour mon soucis d'historien.
C'est la première fois que j'm'y colle...

vendredi

  • Invincible Doner Kebab
  • Velextrut sarcoma
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Une excuse pas valable « Réponse #3 le: octobre 16, 2006, 21:59:42 pm »
t'aurais du y coller un bon coup de bite à la keponne!
"L'infamie perce et laisse des trous...."
TT________KKK________$$

vendredi

  • Invincible Doner Kebab
  • Velextrut sarcoma
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Une excuse pas valable « Réponse #4 le: octobre 16, 2006, 22:01:37 pm »
euh pardon... moi j'aime bien comment tu écris. c'est assez naturel on suit bien l'histoire, après tes aventures sont pas des plus folles mais justement t'arrives à les raconter en les rendant assez intéressantes..
"L'infamie perce et laisse des trous...."
TT________KKK________$$

Tehanor

  • Plutonium Saucisse
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Une excuse pas valable « Réponse #5 le: octobre 16, 2006, 22:06:20 pm »
Putain mais ouai mais forcément, depuis d'taleur j'corrige et j'me rend compte que ça prend plus en compte mes éditions. C'est quoi ce bordel (sic)

JeRe

  • Talibasstard from Hell
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Une excuse pas valable « Réponse #6 le: octobre 16, 2006, 22:06:25 pm »
moi je dis tu devrais te branler un coup.
ca ira ptete mieux apres
kill aime all

je prefere deplaire expres pluto  que naturellement !

Tehanor

  • Plutonium Saucisse
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Une excuse pas valable « Réponse #7 le: octobre 16, 2006, 22:08:36 pm »
Euh sinon, pour revenir à ta remarque ouai. J'ai pas trop d'imagination pour les histoires, alors jme contente de me baser sur ce qui m'arrive. Ou du moins, c'est surtout que j'ai pas encore eu le courage de penser un scenar. Ca viendera p'tetre avec le temps.

Tehanor

  • Plutonium Saucisse
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Une excuse pas valable « Réponse #8 le: octobre 16, 2006, 22:10:59 pm »
Citation de: "JeRe"
moi je dis tu devrais te branler un coup.
ca ira ptete mieux apres


Ouai. J'ai pas attendu que tu me le dises pour le faire, mais j'me sens un peu pareil qu'avant.

djimboulélé

  • Chaugnar aspirator
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Une excuse pas valable « Réponse #9 le: octobre 17, 2006, 14:49:04 pm »
moi c'que j'trouve amusant c'est justement qu'on préfère parler du fond après lecture plutôt que de faire ,euh... ((((une analyse stylistique et synthaxique des métadonnées linguistiques qui parcourent ta réthorique :/ )))... dont j'dirais qu'elle serait un peu inutile parce que ton texte semble malgré tout s'attacher à  montrer une certaine spontanéité... ça s'analyse, certes mais bon, moi, c'est pas c'qui m'interesse le plus quand j'lis un truc...et puis j'suis pas du tout spécialiste... ici, tu n'aurai à faire qu'à de vulgaires consommateurs  de mots que ça m'étonnerai pas.
C'que j'ai remarqué c'est que j'aurai peut-être pas lu ton texte si tu l'avais mis sur un site ou tout un tas de textes se perdent et se mélangent dans un fouillis absurde, ou tes qualités auraient peu de chance de se faire remarquer...alors qu'ici, à pondre un texte tout les quinze jours, ben tu peux faire office d'écrivain public du forum parce qu'y a pas beaucoup de gens qui produisent autant..
Alors t'essouffle pas, si tu veux nous faire plaisir...

Tehanor

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Une excuse pas valable « Réponse #10 le: octobre 18, 2006, 02:40:15 am »
Ouais, normal. Je disais juste ça au cas où un littéraire éclairé se planquerait derrière un smile tout vert sans oser me pisser sur les doigts. Pas facile d'essayer de progresser avec si peu de critiques. Enfin bon, j'comprend aussi que les gens aient d'autres choses à foutre que de se taper un débat ésotérique sur la façon de bien raconter ma minable petite vie. Tant pis, j'continuerai de m'entraîner plus ou moins à l'aveuglette. C'est déjà bien qu'on me lise, 'vé pas faire mon blasé d'la life non plus.
Si vous le voulez bien, revenons à ma bite donc, que j'me suis m'astiquée question de voir si j'me sentirai pas mieux après.

vendredi

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Une excuse pas valable « Réponse #11 le: octobre 18, 2006, 11:41:18 am »
et alors?
"L'infamie perce et laisse des trous...."
TT________KKK________$$

cloporte atomisé

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Une excuse pas valable « Réponse #12 le: octobre 18, 2006, 12:10:32 pm »
Je me suis enfilé ton texte d'une seule traite, et cela m'a drôlement plu smiley14  smiley14  !!

Synthaxe ? Forme ? Euh, bon je ne connais pas tellement bien ces concepts pour me permettre de divaguer à leur propos sur ce forum...

Et sinon, tu veux pas te marier avec moi plutôt ?  smiley9
Ø##Ø##Ø##Ø!!Ø
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- Un indien dirait que c'est un rêve.

krodelabestiole

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Une excuse pas valable « Réponse #13 le: octobre 18, 2006, 14:49:36 pm »
Citation de: "djemija"
moi c'que j'trouve amusant c'est justement qu'on préfère parler du fond après lecture plutôt que de faire ,euh... ((((une analyse stylistique et synthaxique des métadonnées linguistiques qui parcourent ta réthorique :/ )))


claro
ça doit etre bien raconté du coup
parceque cest plutot le contenu qui me ferais réagir
mais je crois que je serais pas tres tendre smiley9
enfin cest vaguement déconcertant mais cest un peu rigolo quand meme

Tehanor

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Une excuse pas valable « Réponse #14 le: octobre 18, 2006, 18:09:08 pm »
Citation de: "V3NDR3D1"
et alors?


Et alors j'en dis qu'une branlette vaut bien une bourrade à l'arrache qui risquait pas de s'annoncer très glamour, surtout quand on espère (à tord sûrement) un peu plus de la meuf en question. Petit joueur, moi ? sans doute...  smiley4

Citation de: "cloporte atomisé"

Et sinon, tu veux pas te marier avec moi plutôt ?  smiley9


Tout de suite, là, si tu veux, mais sincèrement, entre nous, j'pense pas qu'tu sauterais sur une bonne affaire. C'est ce qu'ils ont dit dans Capital sur les arnaques de l'été.

Citation de: "krodelabestiole"

parceque cest plutot le contenu qui me ferais réagir
mais je crois que je serais pas tres tendre smiley9


Ouais, j'pense à peu près avoir déjà tout entendu sur mon compte mais n'hésites pas à m'envoyer un coup dans les burnes, j'suis là pour ça, et j'ai une bonne protection. Bon, il arrive qu'elle se décroche parfois en allant pisser mon trop plein d'alcool, et qu'on me décoche un truc bien ajusté quand je reviens sans trop faire gaffe, mais là, pas de risques.