Auteur Sujet: métaphysique de la viande - roman  (Lu 7883 fois)

konsstrukt

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métaphysique de la viande - roman « le: novembre 17, 2011, 20:27:43 pm »
METAPHYSIQUE DE LA VIANDE
(premier épisode)


PROLOGUE

Dans le même temps un homme se suicida à Hong-Kong, un autre commit à Calaires deux assassinats, une comète passa au dessus de nous, elle passait tous les trois mille ans ; le premier homme était Ombric, le deuxième Scorpio et la comète n'avait plus de nom ; dans le caniveau asséché une guèpe momifiée se trouvait sur le dos et donnait l’impression qu’elle tomberait en poussière si quelqu’un s’avisait de la toucher.


PREMIERE PARTIE

1

Le silence, on entendrait les mouches voler, s’il y avait des mouches. Trois murs tapissés de lin, le quatrième lambrissé de frêne et semé d’appliques comme des meurtrières opalescentes, une moquette alternant larges bandes coquille d’œuf et rayures crème, un plafond blanc avec au centre un demi-globe en verre fumé, un lit queen size tapi à ras du sol contre le mur lambrissé et couvert d’une couette sable et de trois coussins blanc cassé, en face deux hautes portes-fenêtres masquées de rideaux plissés en coton écru encadrant un bureau en frêne décoré d’une lampe de chevet à abat-jour carré et blanc, au mur de gauche la porte d’entrée et une patère en frêne, au mur de droite une penderie encastrée à porte coulissante blanc mat avec une psyché sans cadre et l’entrée de la salle de bain, deux escarpins Repetto en cuir noir, de style charleston, à talons de neuf centimètres, posés sur la moquette parallèles l’un à l’autre et perpendiculaires au lit, une robe Ralph Lauren en jersey noir à profond décolleté étendue sur la couette, accompagnée d’un blazer bleu marine pour femme sans un pli et de même marque, une paire de bas Chantal Thomass en fine résille anthracite, enroulés et posés sur les coussins, sous le bureau un sac de voyage Vuitton en cuir brun, fermé, sur le bureau un sac baguette Lancaster de couleur réglisse muni d’une longue anse en chaîne et arboré de quatre pompons noirs, au sol près de la porte de la salle de bain un soutien-gorge et un string Nina Ricci, tous deux en tulle noire brodée d’un motif floral et décorés de dentelle ardoise, dans la salle de bain un lavabo, une baignoire, un épais tapis de bain, les WC, tout ça immaculé, sec, propre, lumineux, et une cabine de douche fermée qui laissait entendre l’eau couler et rebondir et laissait voir une ombre mouvante à travers le plexiglas translucide envahi de fausses gouttes figées dans sa matière et de vraies glissant à sa surface.


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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #1 le: novembre 24, 2011, 10:29:10 am »
 
Lundi 24 avril 1989 à vingt heures Frank Sanford annonça à sa fille son intention de quitter la maison pour de bon. La mère venait de partir à son travail. Amy parut d’abord frappée de stupeur, ensuite elle pleura et cria et se jeta sur son père pour le griffer au visage et le gifler. Il ne répliqua pas. Il l’empoigna et la conduisit dans sa chambre où il la jeta en gueulant c’est pas tes histoires ça te regarde pas connasse. Il l’enferma. Il commença de remplir une valise. Elle continua de pleurer et de hurler. Il remplit une deuxième valise. Elle entreprit de tout casser, sans cesser de hurler. Il déverrouilla la porte, se jeta sur sa fille qui venait d’exploser une minichaîne contre un mur, la gifla de toutes ses forces en hurlant merde d’une voix hors de contrôle. Le coup envoya Amy par terre et lui coupa la parole. Il considéra le désastre. Il eut un air étourdi. Amy se secoua et se décolla du sol. D’une main il défit sa ceinture et de l’autre tenta de saisir par le bras sa fille qui lutta pour lui échapper et l’attaqua avec fureur.


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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #2 le: décembre 01, 2011, 09:23:31 am »
METAPHYSIQUE DE LA VIANDE - TROISIEME EPISODE

3

Une cordelle rampa sur son pied gauche, descendit, s’enfouit dans le sable. Quand Amy ouvrit les yeux il faisait nuit et elle était nue, allongée sur la plage et cernée par le souffle du ressac. Elle tatonna, ne trouva rien que du sable compact et humide, glacé. Un frisson la saisit, un haut-le-corps lorsqu’elle se leva. Elle appela en anglais, en français, elle cria. Le froid couvrit sa peau de chair de poule. Il était quatre heures dix ; la température extérieure était de sept degrés. Les larmes emplirent ses yeux, débordèrent, coulèrent sur ses joues et dans le même moment quelque chose de gluant coula hors de son vagin et le long de ses cuisses. Elle y porta les doigts, produisant un son à mi-chemin du grognement et du cri. A la clarté médiocre de la lune elle vit sur ses doigts un liquide blanchâtre strié de rouge clair. Elle secoua la main avec panique ou dégoût. Entre ses cuisses l’écoulement continua. Elle tomba à genoux. Elle frotta avec frénésie ses doigts dans le sable noir et contre sa cuisse. Elle bascula sur le côté, se recroquevilla ; l’écoulement cessa ; ce qui avait coulé contre ses cuisses commença de sécher et glaça sa peau. Dans sa langue elle dit putain, putain ; putain qu’est-ce qui m’arrive ; qu’est-ce que je vais faire ; mon Dieu, mon Dieu ; mon Dieu aidez-moi je vous en supplie. Elle se tut et sanglota. Le choc nerveux, le froid ou un mélange des deux secoua son corps de spasmes qui devinrent des convulsions. Elle claqua des dents. Elle saisit ses cheveux, les tira de toutes ses forces. Elle crispa les mâchoires et produisit des bruits inarticulés et bestiaux. Cela dura quelques minutes et reflua, après quoi elle demeura calme et envahie de frissons, en position allongée, le visage hébété. Des cheveux restèrent accrochés à ses mains relâchées, d’autres adhérèrent à son corps incrusté de sable. La conscience sembla lui revenir. Elle s’assit, regarda autour d’elle sans rien voir, se leva. Le froid marbrait sa peau et provoquait des tremblements de tout ses membres. Au loin un cargo émit un son grave et prolongé.

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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #3 le: décembre 16, 2011, 21:52:16 pm »
 4



En quittant Bayeux par la route de Sommervieu on apercevait à deux cent mètres sur la gauche le mur de pierre qui entourait le parc de la clinique de la Bruyère. Trois cent mètres avant le croisement de la D153 un chemin partait de la D12 et menait à la grille d’acier peinte en blanc. Sous le visiophone une plaque noire indiquait le nom et la fonction de l’établissement. La clinique, un ancien corps de ferme en granite, de forme allongée et couvert d’un toit en ardoise, occupait le centre d’un parc de quatre hectares où poussaient des hêtres et où l’été pululaient mouches, papillons et abeilles.

Le rez-de-chaussée contenait l’accueil, les bureaux, le réfectoire, la salle de repos et la salle de télévision ; le premier étage les sanitaires collectifs (lavabos en série comme des abreuvoirs, cabines de douches) et cinquante chambres identiques (neuf mètres carrés, un lit, un placard, une table montée sur roulettes, une chaise, un WC) et identifiées par des noms de fruit au lieu de numéros. Actuellement la clinique accueillait trente deux patients.

Sept heures trente : réveil. Une infirmière visitait les chambres, tirait les rideaux (il n’y avait pas de volet), laissait les portes ouvertes ; l’équipe de nuit débauchait.

Huit heures : toilette du matin et petit déjeuner. Tous les repas se prenaient dans la salle commune. Les tables étaient déjà dressées à l’arrivée des patients ; des aides-soignantes circulaient, poussaient une desserte roulante et remplissaient les assiettes ou les bols. Elles souriaient et adressaient parfois une remarque d’ordre personnel, sympathique, à un patient.

Neuf heures : retour aux chambres ; une infirmière distribuait les médicaments, une autre vérifiait que les patients les absorbaient.

Dix heures : ceux qui avaient le droit de sortir dans le parc sortaient dans le parc ou allaient en salle de repos, les autres allaient en salle de repos. Les femmes de ménage nettoyaient le premier étage et fouillaient les chambres. Nourriture, drogue, alcool, objets tranchants ou dangereux étaient interdits de façon systématique et téléphones portables, postes de radio, lecteurs CD ou DVD, ordinateurs, certains livres, certains disques, certains films, certains vêtements, certains accessoires vestimentaires, certains produits de beauté étaient interdits au cas par cas. Cette liste n’était pas close. Toute une série de réprimandes s’appliquaient à l’encontre des détenteurs d’objets interdits, selon qu’il s’agissait d’une première infraction ou d’une récidive et selon l’objet incriminé.



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et n'oubliez pas, konsstrukt en live à avignon demain !  16 impasse de la Prairie Appt 108 à Avignon. Dernier immeuble, dernière entrée, dernier étage. Sonnette 108. 19h apéro. 20h prière pour que le démon sorte de Laurent Voulzy. Après : une série de lectures. Roman noir, Oulipo, Lettres de Non-motivation, Petit Prince revu et (sévèrement) corrigé, + 2 ou 3 surprises. Y'aura du pâté, amenez de la terrine, ou à boire ! Si vous êtes végétariens, on vous bouffe ! Alors venez accompagnés !


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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #4 le: janvier 03, 2012, 11:36:44 am »
6



La cave sent l’eau de Javel. Au plafond il y a une toile d’araignée. La table d’accouchement est au milieu, posée sur une vaste bâche en plastique transparent que du gaffeur noir maintient au sol. Une table à roulette servant à déposer le bébé, une couveuse, un monitoring, une desserte en aluminium garnie d’outils chirurgicaux, compresses et matériel divers l’entourent. Dominant le tout une lampe boulonnée au plafond et constituée d’un long cou articulé illumine le champ opératoire. Sa clarté contraste avec l’obscurité du reste de la cave. Autour de la lampe pendent des papiers tue-mouche constellés de cadavres. Une rallonge branchée à une prise de terre rassemble tous les fils électriques. Le ciment, plus clair autour de la prise que sur le reste du mur, indique son installation récente. Un lavabo se trouve dans un coin, plusieurs rouleaux de sopalin et un sac-poubelle vide posés à son pied. Un tube au néon l’éclaire en tremblotant. Des cafards en sortent parfois, surtout la nuit.

Des mouches volaient autour du champ opératoire et s’engluaient aux papiers collant qui pendaient en guirlandes du plafond. Mitte, Falaine et le docteur Mante étaient vétus de blouses, masques, charlottes, gants et surchaussures stérilisés. Amy, attachée à la table au moyen de sangles en caoutchoucs, hurlait et se débattait autant qu’elle pouvait. Mitte écrasa un bousier de la pointe de sa chaussure. Le docteur Mante décida de pratiquer une césarienne sous anesthésie générale. Il piqua Amy à la cuisse tandis que ses deux complices la maintenaient immobile. Le sufentanil fit effet rapidement. Le docteur Mante n’intuba pas la patiente puis opéra selon la technique de Starck. L’opération dura trente-cinq minutes. En allant jeter dans le sac poubelle des compresses sanglantes Mitte vit que celles qu’il contenait déjà étaient envahies de fourmies. L’enfant naquit le premier novembre à minuit et demi. De sexe masculin il pesait 2860 grammes et mesurait 48 centimètres. Les premiers examens révélèrent qu’il se trouvait en bonne santé.


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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #5 le: janvier 18, 2012, 10:45:22 am »
METAPHYSIQUE DE LA VIANDE - SIXIEME EPISODE

–– J’ai été voir le gynéco, dit Lydia. J’ai un truc aux ovaires.
–– Ton patron te fait toujours chier ?
–– Ca va.
Il ouvrit la porte de droite d’un gros buffet en bois stratifié qui avait trop servi. Il baissa les yeux vers le sol. Le laquage noir se décollait aux coins inférieurs, dessous ça s’effritait, sur le lino bleu-gris la sciure ressemblait à des œufs d’insecte. Il prit de la main droite une bouteille de rhum blanc Old Nick et repoussa la porte avec son épaule. Elle lécha le papier pour humidifier la colle.
–– Tu dors ici ?
La porte, en grinçant doucement, se rouvrit à demi.
–– Non, y’a ma femme qui fait chier. Je lui ai dis que je rentrais cette nuit.
De la main, elle balaya les brins de tabac. Ensuite elle alluma sa cigarette.
–– Tu fais chier.
Il déposa les verres et la bouteille sur la commode encombrée de courrier et regarda par la fenêtre qui la surmontait. Dans la rue il n’y avait rien d’autre que des voitures garées et des lampadaires. La vitre légèrement voilée faisait voir toutes ces choses à travers une sorte de brouillard. Il se détourna et remplit les verres aux trois-quarts. Dans la bouteille il ne resta plus qu’un fond. Il prit un verre dans chaque main et alla donner le sien à Lydia.
–– Qu’est-ce qu’il y a ? Demanda-t-il. Tu as l’air triste.
–– Non, non. Ca va. Tchin.

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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #6 le: janvier 26, 2012, 11:31:25 am »
2
Lyon battit le PSG un à zéro. L’équipe du brigadier-chef Claude Zecke commença un quart d’heure plus tard l’apéro dans le fourgon. Ils étaient une dizaine à se partager deux bouteilles de rhum blanc et deux autres de whisky. Pour accompagner il y avait du coca et du jus d’orange. Après avoir terminé les bouteilles ils retournèrent au commissariat et passèrent à la bière. On mit de la musique. On gueula, on s’agita. On s’amusa bien, bourrés comme des coings. Quelqu’un cassa une bouteille par terre, un autre dansa sur une table. Un policier montra son cul, qu’un autre prit en photo, alors celui qui avait montré son cul montra sa bite et ils furent plusieurs à la photographier. Pendant ce temps Zecke et François Bourdon discutèrent à voix basse près des chiottes. Zecke dit à Bourdon t’es pas chiche et on entendit une détonation. Bourdon tomba mort la tête pleine de sang. Une éclaboussure couvrit le pictogramme sur la porte, celui affublé d’une fausse bite dessinée au marqueur noir. Zecke expliqua aux autres que Bourdon s’était suicidé et qu’il avait tenté de l’empêcher, après quoi il quitta le commissariat en disant ben quoi j’ai rien à voir là-dedans je retourne chez moi. Une mouche vint se poser sur le sang poisseux et se nourrir.
Au procès l’ex-policier affirma avoir vu son ami ôter cinq balles sur six du barillet et le faire tourner avant de s’enfoncer le canon dans la bouche. Il reconnut avoir dit t’es pas chiche à la victime avant qu’elle ne tire. Il déclara regretter sa phrase. Il trouvait dommage pour la police de perdre deux hommes de valeur à cause de cette histoire. Le procureur insista sur le suicide de sa maîtresse survenu un an auparavant et requit douze ans de prison. Le juge le condamna à sept. On le libéra au bout de quatre. Il trouva un emploi dans une société de gardiennage, le perdit. Il travailla dans une agence de filatures et d’enquêtes privées. Son employeur le vira. Il s’installa à son compte. Il vécut du RMI.



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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #7 le: février 02, 2012, 17:10:10 pm »
huitième épisode

METAPHYSIQUE DE LA VIANDE - HUITIEME EPISODE

Ils entrèrent dans le premier bistrot et s’installèrent au comptoir. Owzarek commanda un whisky et Zecke un verre de rouge. Ils burent vite, en silence, reprirent la même chose. Ils laissèrent reposer. Owzarek serra les mâchoires. Ses joues avaient rougi et ses yeux séchés. Autour d’eux il y avait des vieux mahgrébins qui discutaient en arabe et une pute âgée de plus de cinquante ans qui buvait un chocolat chaud en regardant en direction du poste de télé. Il y avait l’image mais pas le son. C’était un match de basket.
–– Ca c’est passé il y a quinze jours. J’étais dans ma caravane. J’ai picolé et je suis sorti faire un tour en caisse avec un pack de vingt-quatre. Il faisait bon, même si c’était l’hiver, vous voyez. J’ai fini à deux cent bornes. A la plage. Je suis descendu de la voiture. J’ai été sur le sable. J’ai enfilé les binouzes qui me restaient. Tranquille. Je me suis endormi. Je sais pas combien de temps après je me suis réveillé mais il faisait encore nuit.
–– Vous aviez pas de montre ?
–– Si. Mais j’ai pas pensé à regarder.
Ils burent. Zecke sécha son verre, en réclama un autre.
–– C’est le bruit du camion qui m’a réveillé. Et c’est là que je les ai vus. Putain. Partout.
Owzarek termina son whisky. Zecke but son verre cul-sec et le leva pour en réclamer un autre.
–– Quoi ? Vous avez vu quoi ?
Son haleine sentait fort le pinard.
–– Les cadavres. Les putains de cadavres. Partout, de partout. Sur la plage, tout autour de moi. Une bonne centaine y’en avait. Peut-être plus.
Il regardait le fond vide de son verre. Ses yeux s’humidifièrent.
–– De partout y’en avait. Des cadavres. De partout. Et je voyais pas tout. Je venais de me réveiller, il faisait nuit. J’étais encore bourré. Enfin, un peu.
Il lança un regard de biais à Zecke.
–– Hmm.
–– Y’en avait partout, partout.
–– Et à part ça ? Vous avez parlé d’un camion.
–– Un ? Non, non, non. Pas un camion, non, trois. Trois camions, ils étaient. Trois camions-bennes. Et une tractopelle. C’était ça qui m’avait réveillé. Les camions, enfin le bruit des camions. Il y avait des mecs qui ramassaient les cadavres. Plusieurs équipes de deux. Un qui attrapait les pieds et un autre les épaules. Ils les mettaient en tas. La tractopelle ramassait les tas et foutait ça dans les bennes. Putain on se serait cru je sais pas où. Vous avez déjà vu ces trucs sur Auschwitz ? C’était pareil, putain. Quelquefois ils balançaient dans le tas un corps trop pourri. Il partait en morceaux en atterrissant sur les autres corps.

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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #8 le: février 09, 2012, 09:51:30 am »
METAPHYSIQUE DE LA VIANDE - NEUVIEME EPISODE

Un blanc.
–– Qu’est-ce que tu fous ici ? Tu sais l’heure qu’il est ? Tu veux quoi ?
–– Ouvre. S’il te plaît. C’est urgent.
Sa voix se tord. Il sanglote. On entend le claquement de l’ouverture électrique. Il entre, appuie sur l’interrupteur, la lumière est jaune. Près du globe qui protège l’amoule une araignée au reflets rougeâtres dort au milieu de sa toile. Il monte l’escalier. Il laisse des traces mouillées. Il dégouline. Son manteau, déséquilibré, tire sur la droite. Quelque chose de lourd occupe la poche. Au deuxième étage la silhouette en contre-jour de Myriam Ludion se tient dans l’entrebaillement d’une porte. La minuterie s’éteint. La lumière plus blanche de l’appartement s’étend dans une partie du couloir. Myriam n’a eu aucun contact avec son ex-mari depuis qu’il a été incarcéré. Elle l’observe approcher avec un air méfiant et triste. Lui a plutôt l’air triste et effrayé. Son regard ne semble pas attentif à ce qui l’entoure. A cause de la pénombre tout ça est difficile à préciser.
–– Qu’est-ce que tu veux ? dit-elle. Comment tu nous as retrouvés ?
–– Je ne sais pas. Par quoi commencer.
Il y a un silence. Il ouvre la bouche, elle lui coupe la parole.
–– Mais pourquoi tu es venu ? Tu est bourré ou quoi ? Comment tu as trouvé cette adresse ?
–– Je t’aime. Je t’aime. Je veux que tout recommence. Comme avant. J’ai changé. Je t’en prie.
–– Ca va pas, tu es dingue ? Tu as picolé ? Fous le camp avant de réveiller les enfants, taré.
–– Nos enfants, ...
Il ouvre la bouche et ne dit rien, écarquille les yeux, son regard se perd dans le vague.
–– Nos enfants, ... répète-t-il.
–– Tire-toi ou j’appelle les flics, connard. Pauvre taré.
Il pleure. Il ne retient plus ses larmes qui coulent en continu. Quelque part au-dessus la pluie tambourine sur une vitre et la fait trembler. Il est possible qu’il veuille violer son ex-femme. D’ailleurs il bande. Elle qui n’a sûrement pas aperçu ce détail le regarde néanmoins avec effarement et dégoût. Elle tente de refermer mais il a soudain une brique à la main et la lui balance de toutes ses forces en pleine gueule. Elle bascule en arrière en criant, du sang plein le visage, se retient à la porte mais ses jambes ne la soutiennent pas très bien. Il avance et envoie un nouveau coup de brique qui frappe l’épaule. Elle lâche et tombe les yeux grands ouverts en commençant de hurler. Un voisin paraît dans le couloir et demande ce qui se passe. Zecke donne un coup de pied dans le ventre de Myriam, elle grimace, ferme les yeux. Les enfants déboulent. Quelqu’un a rallumé la minuterie. Zecke tape encore trois ou quatre fois, très fort, sa brique lui sert de contrepoids. Un voisin crie qu’il va téléphoner à la police, une vieille hurle. Zecke bredouille quelque chose. Toutes les autres portes sont ouvertes, tout le monde observe. Les enfants crient maman, maman, maman d’une voix hystérique entrecoupée de pleurs. La lumière s’éteint, quelqu’un rallume, Zecke part en courant. Il garde sa brique. Elle laisse des gouttes de sang. Les voisins le suivent des yeux. Personne ne cherche à l’arrêter. Deux quinquagénaires vont au secours de Myriam. Il faut encore rallumer. La police arrive dix minutes plus tard, on a passé son temps à appuyer sur l’interrupteur. La femme a repris connaissance. Les enfants sont confiés à des voisins. Des mouches se posent sur les traces de sang et se nourrissent.

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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #9 le: février 16, 2012, 11:56:22 am »
METAPHYSIQUE DE LA VIANDE - DIXIEME EPISODE
 
3
 
Il tua sa femme de neufs coups de couteau au corps et au visage. Il épargna ses deux filles témoins du meurtre et leur expliqua qu’il y avait un problème avec la nourriture, que ça faisait des années qu’elle n’avait plus aucun goût, que ça cachait quelque chose de très louche, qu’il fallait s’occuper des mouches, que les mouches étaient une piste sérieuse. Il disparut. Les enquêteurs constatèrent avec désarroi que depuis plus d’un an il avait détruit toute trace administrative de son existence. Plus de compte en banque, d’assurance, de sécurité sociale, d’identité (sa carte avait été déclarée perdue, retrouvée, jamais réclamée), aucun moyen de suivre ses déplacements. Ils espéraient le retrouver assez vite à la faveur d’un délit commis pour survivre mais ignoraient qu’il disposait de cinquante mille euros en liquide et d’un appartement loué depuis onze mois sous un faux nom à l’autre bout de la France.
 La première année qu’il passa à Ouistreham sous le nom de Georges Mepes s’avéra plus simple que celle précédent le meurtre. Il était possible d’en déduire qu’il se sentait plus heureux. Aussi bien pouvait-on en conclure l’inverse.
 Il louait une maison appartenant au territoire de la commune mais éloignée de la ville, entouré du silence, de quelques mouettes et des vibrations des poids lourds empruntant la D514. Aucun voisin, du vent. Quand il soufflait dans la bonne direction il apportait les cornes de brumes des cargos et l’appel du ferry.
Il courrait tous les matins jusqu’à un bar-PMU de Riva-Bella à trois kilomètres de chez lui. Il buvait du muscadet, lisait Tiercé Magazine et remplissait des tickets de quinté en compagnie de quelques vieux qui devinrent ses amis. A midi il mangeait le plat du jour et retournait en marchant au 43 Chemin des Pélerins. Le reste de la journée il regardait la télévision, la pluie, les nuages, s’occupait de son jardin, relisait les romans de Philip K. Dick, se masturbait peu, beaucoup moins qu’avant.
 Après onze mois de cette vie il parut tomber malade.
 
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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #10 le: février 27, 2012, 13:42:29 pm »
METAPHYSIQUE DE LA VIANDE - ONZIEME EPISODE

Népès changea de chaîne et rétablit le son.
Cadrée comme un présentateur de journal télévisé une créature mi-singe mi-poisson à la bouche large et remplie d’aiguilles et aux mains prolongées de nombreux doigts maigres que reliaient une membrane translucide parlait une langue inconnue tandis que derrière elle des lianes et des branches oscillaient au courant mou d’une eau terne et épaisse.
Népès changea de chaîne.
Dans une ville en ruine éclairée par un soleil orangé des hommes en tee-shirts et shorts de vinyle noir poursuivaient des hominidés. Une voix off parlait une langue inconnue. Le ton monocorde évoquait un commentaire d’Envoyé Spécial ou de Zone interdite ou d’une émission comme ça. Il y eut un zoom sur un des chasseurs tandis qu’il épaulait son arme. Il était chauve. Une sorte de piège à loup était greffé à sa mâchoire et la chair se boursouflait à l’endroit où le fer la traversait. Le col rigide de sa combinaison de vinyle pénétrait dans la nuque en déformant la peau et paraissait continuer jusqu’au crâne. Son arme, un tube gris branché à son bras au moyen de tuyaux transparents qui charriaient dans les deux sens un liquide clair et chargé de glaires, tira un projectile mou et verdâtre. La caméra dézooma brutalement et panota pour saisir l’hominidé touché. Il s’écroula. Une crise d’épilepsie le terrassa. Le ton de la voix off devint solennel. Les chasseurs rirent hors-champ d’un rire presque humain.
Un moustique passa près de l’oreille de Népès.
Le jour se leva. Plusieurs moustiques dormaient au plafond. Sur le parking de la Maison de la nature et de l’estuaire les travaux avaient recommencé. Le grondement des moteurs, les biiip-biiip-biiip des véhicules en marche arrière et le fracas des marteaux-piqueurs s’entendaient dans toute la baraque. Népès se détacha du canapé et tituba jusqu’à la cuisine. Il écrasa une blatte, ne s’en rendit pas compte. Sur le plan de travail il attrapa un mug Bart Simpson, le remplit d’eau du robinet, le plaça sur le plateau du four à micro-ondes, appuya sur la mise en route. Le plateau tourna lentement. Le mug orbita. Un décompte de soixante secondes apparut sur l’écran au-dessus du bouton. La vitre devint opaque. De la neige de télévision parut à sa surface accompagnée d’un chuintement. De ce brouillard de pixels une forme émergea. Une bouche large, des yeux vides, une peau squameuse. A travers la brûme qui se dissipait peu à peu on distingua des couleurs. Vert désaturé, nuances de marron pâle. L’animal (ou le monstre) ne bougeait pas. L’appareil émit un son grésillant et pénible proche du larsen. Le son modula, devint plus grave, on pouvait penser à une fréquence qui se précise. Les parasites s’éclaircirent encore. La forme batracienne de la créature se précisa. Un décor émergea. Une caverne en grande partie obscure. Le son devint plus net. Des syllabes se détachèrent et se répétèrent. Tssss ; gggggh ; gghhaaa. Le crapaud géant se dandinait dans sa grotte.
Au bout de dix minutes l’émission cessa et la porte du four retrouva son aspect normal.

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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #11 le: mars 01, 2012, 12:19:40 pm »
METAPHYSIQUE DE LA VIANDE - DOUZIEME EPISODE

Quelques semaines passèrent. Ses pouvoirs augmentèrent. A la fin il lui suffisait de fixer une bête du regard, n'importe laquelle, et l’animal venait à lui. L’homme ne cillait pas. Une blancheur lunaire paraissait se refléter dans ses yeux.
Des journaliste locaux notèrent la présence de cadavres d'animaux spectaculairement déformés mais personne n'enquêta. Des rumeurs circulèrent parmi les zonards présents dans la région. Quelques militants écologistes essayèrent d’en savoir plus. Il y eut des vidéos postées sur Youtube.
Il erra un mois et demi. Ses trajets s’inscrivirent dans une zone délimitée par Arromanches au nord, Alençon au sud, Dinan à l'ouest, Mantes-la-jolie à l'est. Aucune raison visible ne justifiait ce bornage ni ces déplacements. Il avait l’air d’aller au hasard. Il transformait les animaux qu'il trouvait. Il abandonnait leurs cadavres aux mouches et à la vermine. Il mendiait parfois, mangeait peu, volait dans les magasins, ne parlait à personne, n'avait aucun compagnon.
Il se fixa à Calaires, au nord de Rouen, mille habitants. Il mendia sur les marches de l’église. Il se lia au curé qui lui offrit le gîte et le couvert en échange de travaux. Il y avait des bancs à réparer, un nid de frelons dans le grenier, d’autres petites tâches à effectuer.

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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #12 le: mars 08, 2012, 18:06:24 pm »
METAPHYSIQUE DE LA VIANDE - TREIZIEME EPISODE

11

Désormais il vivait nu dans la crypte, entouré de grappes d’animaux informes qui adhéraient aux parois ou pendaient du plafond, se liquéfiaient une goutte après l’autre et formaient au sol des flaques épaisses qui pululaient de moucherons. Il méditait, à peine s’il respirait, ne se nourrissait plus. Les veines enveloppaient son corps comme un filet. Ses cheveux, ses poils, ses ongles poussaient, il ressemblait à Victor l’enfant sauvage retrouvé quarante ans trop tard.
La nuit du 30 au 31 novembre 2009 le crapaud géant lui apparut une deuxième fois. Il baisèrent. Ca se passa dans la crypte. Les mouches abondèrent, il y en eut partout. Après l’accouplement Zoga et Népès restèrent collés quelques minutes. Ensuite le crapaud ne fut plus là. Népès quitta l’église sans se nettoyer ni s’habiller. Il était couvert de sécrétions, de sang et de poussière. C’était une heure avant l’aube, les brouillards givrants s’incrustaient sur une campagne froide et figée comme la sauce au fond d’une assiette. Un chien mort, congelé, grouillait de fourmis. Dans la maison Clavard dormait profondément, ivre, rêvait peu. Népès cogna la porte à coups de poings jusqu’à ce que le curé ouvre.
–– J’ai à te parler. Suis-moi à la crypte.
Il a le ton d’un  mari sur le point de dérouiller sa femme. Clavard rectifie la position, ils y vont d’un pas vif. Dans la crypte l’odeur lui fait venir les larmes aux yeux.
–– J’ai reçu une prophétie. Je vais te la dire et toi tu la transmettras aux autres.

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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #13 le: mars 15, 2012, 16:08:19 pm »
METAPHYSIQUE DE LA VIANDE - QUATORZIEME EPISODE
 
–– Tu lui as fait quoi ? A ta femme. Pour qu’elle te vire.
 –– Ma maîtresse... Elle s’est tuée... Une balle dans la tête. Ca m’a foutu en l’air. En l’air. Je te jure. Et elle a pas supporté ça. De me voir comme ça. Ma femme. Elle a tenu quinze jours. Moi je voyais rien. Je voyais pas ce qu’elle pensait. J’ai pas compris. Sur le moment. J’ai rien pigé. C’est après. C’est après que j’ai réfléchi. J’ai fini par comprendre, par tirer les conclusions. Sept ans en fait. Ca fait au moins sept ans.
–– C’est dur. De supporter ça. Moi je pourrais pas. Moi.
 –– Un homme peut encaisser pas mal de choses. Je peux te dire. Même quand j’étais en prison. Même là elle me manquait pas. Et les enfants... Les liens se brisent, voilà la vérité. Avec les enfants les liens se brisent. Je te jure. Avec ta femme il y a toujours quelque chose. Mais les enfants. Je vais te dire un truc. Des fois en allant les chercher à l’école, tu sais ? Je les reconnaissais pas. Petites. A la maternelle ? Ils se ressemblent tous. Les enfants se ressemblent tous. Tu trouves pas ?
 –– T’as été en prison. Je croyais que t’étais flic.
 –– Ca empêche pas... C’est là-bas. En taule... Je me suis rendu compte de ça... Mes gosses... C’est comme si j’en avais pas. C’est comme si j’avais pas de gosses. C’est là-bas. La première année. Ils me sont sortis de la tête.
 –– T’as fait quoi ? Pour te retrouver en prison ?
 –– Rien... Une histoire de merde... C’est un collègue. Il s’est suicidé. Alors on a dit que je l’avais forcé. C’est une histoire de merde... Et quand je te dis sorti de la tête... Je veux dire sorti pour de bon. Evanouis. Comme si j’avais jamais eu de gosse. Ca m’arrangeait. A l’époque. Ca m’arrangeait bien.
 On regarde nos verres. Les gamins ont remonté de la cave une énorme araignée, ils l’ont embrochée sur un couteau, elle vit encore et ils la crament avec un briquet. On regarde ça et puis on regarde la pute embrasser un des mecs, l’autre a déjà une trace de rouge à lèvre. On finit nos verres. On en reprend d’autres.
 Oui. Je sais ce que vous pensez. C’est long. C’est chiant. A quoi ça sert de noter cette conversation de merde ? Et comment ce con peut-il s’en souvenir aussi bien ? Je m’en souviens à ce point parce que j’ai passé des semaines à me la repasser. En permanence, du matin au soir – mais vous avez raison, vous avez raison. Et peut-être ai-je inventé des passages, pour combler les trous. Peut-être qu’elle ne s’est pas déroulée exactement comme ça. Qui peut le dire ? Mais elle a été ma dernière occasion de parler avec des vivants. Après ça je n’ai plus parlé à personne. Je n’ai plus parlé du tout, d’ailleurs. Le lendemain de cette conversation je me trouvais au milieu de l’océan. J’étais avec un million de morts en route vers le pays des morts.
 
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Re : métaphysique de la viande - roman « Réponse #14 le: mars 22, 2012, 19:15:50 pm »
METAPHYSIQUE DE LA VIANDE - QUINZIEME EPISODE

2

En février 2010 j’ai passé quelques jours à Marseillan-plage, un bled qui servait de station balnéaire foireuse l’été et de mouroir l’hiver. Je n’ai croisé que des vieux, des moches, des cassés, il a plu tout le temps, le sol était couvert de chenilles processionnaires, elles étaient en avance et ça étonnait les débris locaux. J’ai gaspillé la moitié de mon temps sur la plage avec une pelle et un détecteur de métaux sans rien trouver pour étayer la scène aberrante que m’avait raconté Owzarek. J’essayais de croire à ses conneries mais entre la plage déserte et sale, la pluie qui me tombait sur la gueule sans discontinuer, les jeunes à scooter qui me toisaient et les gens du coin qui se foutaient à moitié de ma gueule dès que j’allais boire un coup ça devenait difficile. Je logeais au premier étage du seul troquet ouvert, qui faisait aussi hôtel-restaurant. J’avais une chambre humide et surchauffée, tous les moustiques de la région s’y réfugiaient. Je bouffais des steack-frites midi et soir, la patronne n’avait pas beaucoup d’imagination mais c’était mieux qu’à Flunch. Elle s’appelait Françoise, avait trente-cinq ans, des lèvres à pipe et des yeux défoncés. Je l’aurais bien sautée, il n’y avait pas moyen.
Pour qu’on me foute la paix je racontais que j’étais écrivain et que je cherchais des bijoux paumés par les touristes pour financer mon prochain bouquin. Ca expliquait mon matos et mon temps libre. Ils ont vite compris que j’étais inoffensif. De toute façon je picolais autant que les autres, je me suis facilement intégré.
Un soir que je me réchauffais et me séchais en buvant des rhums au comptoir, un type m’a accosté, Fred Legendre, un peu moins de quarante ans, survètement gris, baskets. Je l’avais déjà remarqué. Il trainait souvent dans les parages avec toujours sa capuche qui lui masquait la gueule, rien d’autre à foutre que se balader sous la pluie et me tenir à l’oeil. J’avais posé deux-trois questions autour de moi. Il passait pour un genre de racaille sur le retour, un peu vendeur de shit, un peu trafiquant de clopes, pas très malin. Il habitait une caravane, le terrain appartenait à son oncle, une ancienne vigne transformée en mauvaise herbe et carcasses de bagnoles.

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