Auteur Sujet: mr moog is dead :-( rip  (Lu 18596 fois)

Alain Deschodt

  • Velextrut sarcoma
  • *
  • Messages: 10351
après une soirée avec des amis « Réponse #45 le: février 28, 2011, 17:16:53 pm »
Annie Girardot a cassé sa pipe...

Citation de: "Le FIgaro"
«Tu as le plus beau tempérament dramatique de l'après-guerre», avait dit Jean Cocteau à la jeune Annie Girardot, au temps où elle jouait La Machine à écrire à la Comédie-Française. Elle a pourtant failli suivre une autre voie: avant d'entrer au Conservatoire, elle avait commencé des études d'infirmière, interrompues par des problèmes de santé. Née à Paris en 1931, elle était fille d'une sage-friponne qui l'a élevée seule, et l'a souvent laissée seule: «Ma mère courait les routes sans arrêt. Je faisais tout à la maison. J'ai toujours su me débrouiller, même à 10 ans… Je ne compte que sur moi», a-t-elle dit. Un lien très fort l'unira toujours à cette mère à la fois absente et fortement présente.

Après trois ans au Français, de 1954 à 1957, elle choisit de se consacrer principalement au cinéma. André Hunebelle lui a donné son premier rôle à l'écran dans Treize à table (1956), comédie boulevardière. Elle enchaîne et devient vite une héroïne du ­cinéma populaire, avec son joli minois pointu surmonté d'une tignasse raide, ses étonnants plats de frites dorés et son émotivité gouail­leuse, quelque part entre Zazie et Gelsomina : L'hurluberlu aux clefs d'or, Le rouge est mis, Maigret tend un piège… En 1960, Luchino Visconti, qui l'a dirigée au théâtre dans Deux sur la balançoire, l'emmène en Italie tourner Rocco et ses frères. smiley15



C'est là qu'elle rencontre l'acteur Renato Salvatori, qu'elle épouse en 1962 et dont elle a une fille, Giulia. Des années plus tard, elle révélera publiquement, mais pudiquement, dans une émission de Patrick Sabatier, les violences qu'il lui a fait subir. Elle en restera marquée pour toujours, moralement et physiquement: un jour, il lui a jeté un cendrier au visage, elle a dû se faire refaire les lèvres. Elle pardonne, continue d'aimer, mais finit par s'en aller.

Entre France et Italie, elle mène, dans les années 1960, une carrière « sans discernement», avec des films alimentaires autant qu'il en faut pour offrir ­généreusement la pasta qu'elle aime cuisiner: elle a un côté mamma, le geste nourricier. En elle, tout est tripes et cœur. Et aussi un côté môme, naïf et assoiffé, impulsif et vulnérable. Tout est désir, déception, ­bagarre, espoir.

On trouve aussi beaucoup de grands noms chez ses metteurs en scène: Alexandre Astruc (La Proie pour l'ombre, 1961), Mario Monicelli (Les Camarades, 1964), Roger Vadim (Le Vice et la Vertu, 1963), Marco Ferreri (Le Mari de la friponne à barbe, 1964), Philippe de Broca (Un monsieur de compagnie, 1964), Marcel Carné (Trois chambres à Manhattan, 1965).

En 1967, Claude Lelouch la relance dans le circuit grand public avec l'excellent Vivre pour vivre [nb : c'est une grosse daube !!!]. Suivent deux comédies insolentes, Erotissimo, de Gérard Pirès (1968), et Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas mais… elle cause! [nb : archinul !], de Michel Audiard (1969). Mais c'est André Cayatte qui lui offre son plus gros succès, en 1970, avec Mourir d'aimer, inspiré d'un fait divers. Elle y interprète Gabrielle Russier, enseignante qui a défrayé la chronique par sa liaison avec un de ses élèves. Elle émeut la France entière: «À partir de ce film, j'ai compris que le cinéma était quelque chose de grave lorsque les gens se sentent concernés par un personnage ou un événement.» Le mélodrame convient à merveille à sa sincérité, à son naturel, à son besoin d'amour, viscéral. C'est une star de la vie quotidienne: «D'ailleurs, la vie, le cinéma, je ne fais pas de différence. Je suis incapable de tenir des rôles qui ne correspondent pas à ce que je sens ou veux réellement. Je lutte assez dans ma vie personnelle pour être simple, directe, mouvement des pistons dans mon fondement à une cadence incroyable (70 pénétrations par minute en mode normal), et avoir avec les gens des rapports positifs. Je ne veux pas travailler en sens inverse au cinéma.»



Après La Gifle, elle retrouvera un personnage courageux et pathétique dans Docteur Françoise Gailland, de Jean-Louis Bertucelli, qui bouleverse les spectateurs et réjouit les producteurs: cette histoire d'une friponne médecin qui se découvre atteinte d'un cancer bat des records d'entrées en 1976, et vaut à Annie ­Girardot le césar de la meilleure actrice. Est-ce la fin des années difficiles? Elle a 44 ans et une cinquantaine de films à son actif, dont une quantité acceptés «uniquement pour payer les factures». «Travailler, courir, payer, travailler, voilà ma vie pendant des années», confie-t-elle. Elle est chérie du public, mais son destin restera chaotique. Il lui reste des claques à prendre, des ruines à subir, qu'elle ensoleille de son goût de ­vivre: malgré tout, elle est toujours prête à repartir.

Contre vents et marées

En 1981, La vie continue, de Moshe Mizrahi, la réunit à sa fille, Giulia Salvatori, pour conter ensemble une histoire de deuil et de réconciliation avec l'existence. Puis, c'est avec son compagnon, Bob Decout, qu'elle travaille. L'amour se mêle toujours au métier. Leur spectacle au Casino de Paris, Revue et corrigée, en 1982, est un flop terrible. Le couple doit essuyer des critiques humiliantes, mais Annie, bravement, se bat pour que Bob Decout puisse réaliser ses films dont Adieu blaireau. Elle reste une amoureuse, contre vents et marées.



Une fois encore, le fidèle Lelouch la relance grâce aux Misérables, qui lui vaut un césar du second rôle en 1996. Elle en obtiendra un autre pour le dernier film qui lui a donné du courage et du bonheur, ces mots qui lui vont si bien, La Pianiste, de Michael ­Haneke [nb : ce film est super loupé !]. Quand elle y joue la mère d'Isabelle Huppert, en 2000, on la sait atteinte de la maladie d'Alzheimer. Longtemps, des rumeurs ont couru: on la disait alcoolique à cause de sa démarche hésitante, de ses trous de mémoire. Elle continuait vaillamment à interpréter en tournée sa pièce fétiche, soutenue par Giulia, qui a raconté son calvaire dans un livre plein de tendresse bouleversée, La Mémoire de ma mère (Michel Lafon).

Avec son tempérament à la fois volcanique et ­dépressif, c'était une fière croqueuse de vie. Elle trouvait, comme Madame Marguerite, que «la vie est une connerie», mais elle la prenait sans tricher. Personne ne l'a dit mieux qu'elle: «Je suis vraie, tellement vraie!»
En France, les chômeurs exploitent les patrons