Auteur Sujet: Gare aux Yankees petit, par SARAH MONN  (Lu 2137 fois)

DARBY MULLINS

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Gare aux Yankees petit, par SARAH MONN « le: avril 03, 2009, 09:58:05 am »
Gare aux Yankees petit, ils ne sont pas yogis et viennent en ton
logis se secouer le vit !
Ces Yankees, doodle dee, yodle ho, chantent bien haut et fort et
faux et capturent à cheval moult cows au lasso.
Rodés au rodéo, ils rodent de bas en haut de la cité fantôme. Du
saloon au bordel on les entend souvent lâcher entre deux chiques
des bordés de jurons ; les femmes, l'Ouest et l'alcool, ces mots ont
dans leurs bouches la saveur âcre et forte de leurs chicots noircis.
Ils rôdent et haussent le ton à l'approche de la nuit, quand le soleil
couchant érode et obscurci leur courage d'hommes durs, les
rendant à la nuit apeurés comme ces kids qu'ils regardent de haut
en riant au zénith.
Car il est des fantômes dans cette Ghost City qui effraient cowboys
et chevaux fumants du galop. Il en faut des bourbons, de l'eau de
feu vivace, pour éteindre l'incendie des souvenirs d'enfance.
La mère, femme battue abattue qui, menant la battue, a battu sans
faiblir le gosse de ses mains de cuir et d'os, de ses bras de muscles
tendus, forgés par la baratte où le beurre est battu.
L'âpre marâtre saumâtre que le fils idolâtre, quand le soir près de
l'âtre il regarde sous les jupes les cuisses noires et fortes, extase
originelle, cette mère sans tendresse ni grâce, imputrescible icône
de la Femme dans les brumes inconscientes de son cerveau trop
simple, la matrice désaimante, le méprise et espère que le père,
violence sans raison, aura ce soir raison du rejeton, ce rejet de ses
chairs, ce faux jeton perdant, cette grosseur à sa vie.
«  Tue, meurs, crève, abcès abscons ! »
Mélancolique mélanome, mélomane qui mêle au mal de vivre l'envie
d'être choyé entre des draps soyeux au son joyeux des chants, le
soir, les yeux rivés sur le soleil qui choit, s'écroule et se consume,
brûle d'un dernier feu la joie.
Pas de choix, pas le choix, la monture il l'enfourche, et le mors dans
la bouche blesse les lèvres de soie ; il restera sans doute une
croûte durcie que les mouches affolées peu à peu mangeront. Dans
cette plaie de douleur vive, elles poseront leurs œufs, enfouis dans
les chairs de cette commissure, une vie de mort aux dents.
Et la monture fantôme dans le rouge monochrome du soleil
mourant, s'écroulera gonflée des larves blanches et grasses qui
festoient depuis l'aube de ses gencives à vif. Dans ce désert de sel,
vallée morte aux crânes rongés de chaleur, mon cowboy esseulé
recense sans défense face aux transes chamanes les ombres dans
la ciel, l'indécence de la danse des vautours qui bientôt se
repaissent et de la panse morte et de ses yeux vitreux.
Cheval et cavalier, beaux squelettes mêlés, dans un dernier outrage
baisent le sable et le sel et le ciel et la mort.

Dans sa main gantée encore, il tient les rênes de cuir durci, semble
chevaucher l'infini.
A pale rider in Death Valley's
Going on a never-ending journey.
A grin on his face seems to spit at the sun
These words in a whisper:
«  Never shall we stop, riding to death,
A dead man on a dead horse, I found my path at last,
I rush in a silent way,
And if you meet us,
And if you see us,
It will be the last thing you'll ever do. »

extrait de l'H.A.K. EDITO_avril 2009