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Messages - konsstrukt

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Le cerveau / Re : mon prochain roman au camion noir !
« le: avril 22, 2014, 08:38:04 am »
Première image du strip-tease de couverture, et à demain pour la prochaine !
Sortie de La place du mort le premier juin au Camion Noir, bientôt les infos pour pouvoir le pré-commander.


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Le cerveau / Re : mon prochain roman au camion noir !
« le: avril 21, 2014, 10:39:19 am »
En attendant demain et le début du dévoilement de la couverture de La place du mort, je reposte un texte que j'avais déjà mis en ligne voici quelque temps, et qui explique pourquoi je suis fier de sortir au Camion Noir :

QUELQUES MOTS A PROPOS DU CAMION NOIR

Comme vous le savez déjà, mon prochain livre va sortir le premier juin dans cette maison d'édition, et vous savez aussi toute la fierté que j'éprouve. Accompagnant La place du mort, d'autres romans y paraîtront aussi. L'un d'entre eux est déjà sorti (Night Nurse, de Gala Fur et Véronique Bergen), l'autre (écrit par Sébastien Gayraud) est en cours de finition.

Vous comprenez ce que ça veut dire ?

Ca veut dire que cette maison, spécialisée depuis vingt ans dans les biographies et les monographies rock, et depuis six ou sept ans dans les essais sur ce qu'on pourrait appeler la face sombre de la pop-culture, se lance dans la fiction.

Est-ce que vous saisissez bien tout ce que ça implique ?

Vous vous souvenez, camarades écrivains foutraques, camarades lecteurs déviants, toutes ces années que nous avons passées à chialer parce qu'il n'y avait aucun éditeur qui soit à la fois assez taré et assez pro pour donner corps à nos fantasmes d'une littérature ambitieuse et tordue ? Vous vous souvenez ? Moi, je me souviens. Je n'ai oublié aucune des fois où, que se soit en tant que lecteur aussi bien qu'en tant qu'écrivain, j'ai appelé de mes voeux un éditeur qui aurait le courage qu'ont eu ceux qui découvrirent Selby, Ellis, Palahniuk aux USA. (et merde à ceux qui trouvent que j'ai la grosse tête. Vous avez lu le roman de Nicolas Albert G. ? Et vous avez vu chez quel connard il a signé, juste parce qu'AUCUN AUTRE N'A EU ASSEZ DE CERVELLE ET DE TRIPES POUR LE FAIRE ? Vous voulez que je vous fasse un dessin ?)

Et bien cet éditeur existe enfin. La cervelle et les tripes. Pour combien de temps ? Difficile à savoir. Ca va dépendre de l'accueil que le public réservera à cette tentative. A cette expérience. Est-ce qu'il y a une place, en France, pour une littérature déviante, hardcore, sauvage, choquante, mal-pensante, marginale ? Est-ce qu'il y a une place, en France, pour un éditeur professionnel désirant défendre cette littérature-là, ou bien sommes-nous condamnés à Internet, à l'amateurisme, à la photocopie et aux contrats merdiques avec des éditeurs qui n'en méritent pas le nom ?

Ca va dépendre de l'accueil du public. Oui. Si vous êtes cinquante à acheter nos romans, on remballe, l'aventure est terminée, ça signifie qu'il n'y a pas de place pour nous. Si vous êtes cent, nous (les auteurs) allons devoir pas mal défendre notre steack auprès des gens, chez Camion Noir, qui paient les factures et savent combien ça coûte, tout ça - mais y a des chances qu'on ne soit pas recalés. Si vous êtes deux cent, c'est gagné. Si vous êtes cinq cent, il se peut même que la presse culturelle se sorte les doigts du cul et se rende pour une fois compte qu'il se passe quelque chose d'intéressant au pays du fromage et du Front National.

Alors, à partir de mai, tout reposera sur vous.

Et je sais ce que vous allez me dire : ton roman, Bobby, on l'achèterait bien mais Le Camion Noir, c'est cher, c'est des escrocs, ils vendent trente balle des bouquins que les autres nous fourguent deux fois moins cher. Je vais vous expliquer quelque chose, les amis : si les autres vendent leurs bouquins quinze balles au lieu de trente, c'est qu'ils ont fait le choix de ne pas nous vendre nous. Dans l'industrie de l'édition, dans l'usine à bouquins, les chiffres qui décident que stop ou encore, c'est pas comme au Camion 50, 100, 200, 500 mais dix fois plus : 500, 1000, 2000, 5000. Ceux qui vendent les bouquins quinze balles peuvent se le permettre parce qu'ils ont des tirages beaucoup plus important que le Camion Noir et que plus on imprime et moins ça coûte - et c'est bien pour ça que nous serons jamais chez eux et c'est bien pour ça que le Camion prend un risque et c'est bien pour ça que je vous raconte toutes ces salades. Si vous voulez que les bouquins du Camion Noir soient deux fois moins cher, c'est pas compliqué, soyez dix fois plus nombreux à les acheter.

En résumé : si vous vous sentez concernés par cette littérature et que vous voulez qu'elle existe aussi concrêtement que, disons, un bras d'honneur à Gallimard, vous savez ce qu'il vous reste à faire.

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Le cerveau / Re : mon prochain roman au camion noir !
« le: avril 20, 2014, 22:08:42 pm »
Les fichiers de La place du mort ont été envoyé à l'imprimeur. Le Camion Noir annonce le livre en librairie pour le premier juin, mais il est possible qu'il sorte avec quelques jours d'avance, je vous tiendrai au courant.

La couverture, réalisée par Bones et mise en page par Dom Franceschi, est tout simplement superbe ! Rendez-vous mardi pour un dévoilement progressif, tout au long de la semaine, de ses charmes.

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Le cerveau / Re : mon prochain roman au camion noir !
« le: avril 19, 2014, 11:32:51 am »
LA PLACE DU MORT / MAKING-OF

C'est après avoir rédigé La Dernière Maison et Une Chance Sur Six, soutenu par un puissant sentiment d'urgence, à jets continus, du matin au soir, en écoutant en boucle douze à quinze heures par jour les trois ou quatre mêmes albums de doom, au grand désespoir de la personne avec qui je vivais alors (qui heureusement pour elle travaillait en dehors de chez nous) et qui soudain s'est retrouvée en ménage avec une espèce de fantôme, que j'ai traversé une violente crise personnelle.

Les romans terminés, j'ai aussi cessé d'écouter ces albums qui m'avaient accompagné pendant près d'un an, et me suis retrouvé oisif, dans le silence, abattu. Je n'avais plus d'éditeur – La Musardine, après sept romans, ne s'intéressait plus à ce que j'écrivais, et je n'avais pas encore rencontré les autres –, je n'avais plus d'idée, ça allait mal. J'ai donc fait la classique dépression du créateur. Il paraît que Goscinny menaçait de se suicider entre chaque album qu'il écrivait, on sait tous ce que devenaient Simenon et Topor quand ils ne travaillaient pas, moi j'ai eu le gouffre plus modeste : j'ai quitté la personne avec qui je vivais, j'en ai eu soudain plus que marre de cette vie, et j'ai foutu le camp. J'ai rejoint dans le sud mes copains alcooliques et artistes, un petit retour à l'adolescence ne m'a pas fait de mal.

C'est dans ses conditions que j'ai écrit un long texte qui ne s'appelait pas encore La Place Du Mort mais Le Grand Lilith Circus. J'habitais chez le type avec qui j'avais cofondé le collectif Konsstrukt, et qui à l'époque s'occupait, dans la cave de l'immeuble où il vivait et avec d'autres membres du collectif, d'un café-concert à moitié associatif et à moitié clandestin, le moins cher de la ville, celui qui ouvrait à n'importe quelle heure, qui fermait le plus tard, celui où on ne refusait personne.

Mes journées étaient simples. Je dormais quelques heures dans le canapé pourri du salon, je cherchais un appart que je ne trouvais pas (étrangement, les propriétaires montpelliérains ne sont pas très impressionnés par les écrivains sans éditeur vivant au RSA), je m'esquintais les oreilles et le foie aux concerts qui avaient lieu trois ou quatre fois par semaine à la cave. La belle vie, en somme.

Et puis cette phrase m'est venue de nulle part, un matin, je me suis réveillé avec et elle a longtemps été la première phrase de La place Du Mort, avant d'être catapultée de quelques pages presque au dernier moment :

« Je m’appelle Blandine et les connards ont trouvé toutes sortes de rimes pourries avec mon prénom. »

(Dans la première version de la phrase, Blandine signalait aussi qu'elle avait une grosse poitrine. La rime est restée très longtemps, elle aussi, avant de finalement disparaître pour revenir dans cette phrase-ci, quelques paragraphes plus loin : « J’ai vingt-six ans et une grosse poitrine, Blandine a une grosse poitrine »)

Et boum. Je savais que je tenais un roman. Dès lors, j'ai à peu près tout arrêté et me suis mis à bosser. J'avais un ordi portable, que je posais sur la télé, qui elle-même était posée sur une chaise, c'était parfait pour travailler debout.

Au bout de quelques mois, ma situation avait changé : j'avais trouvé un éditeur pour un de mes manuscrits, Nuit Noire (qui bizarrement, alors que pratiquement personne ne l'achèterait, allait m'ouvrir des tas de portes), et mes parents, que je n'avais pas vus depuis quinze ans, ont cassé leur pipe, me léguant par la même occasion une vieille baraque que je me suis empressé d'habiter.

Le manuscrit du Grand Lilith Circus était terminé. Il n'avait qu'un très lointain rapport avec ce que deviendra La Place du Mort. A l'époque, ça racontait plus ou moins comment Blandine, qui a une grosse poitrine, un gros appétit sexuel et que tout le monde prend à moitié pour une débile, fout le camp de son petit univers de connards étriqués en piquant une voiture, va explorer un peu la vie, et finit par rencontrer le Lilith Circus, qui est une maison de passe itinérante pour freaks – c'est à dire que les putes y sont toutes déformées d'une manière ou d'une autre, à la manière des anciens freakshows, et destinées à un public de pervers triés sur le volet.

Après ça, toujours sur ma lancée, j'ai écrit un autre roman, très sexuel lui aussi, où il était question d'un chauffeur de taxi, un peu largué après avoir vu un soir une nana défenestrer son bébé du haut d'une tour, qui rencontre une bande de types ultra riches, ultra costauds, gays et ultra virils qui s'avèrent être des loups-garous et en font sa mascotte sexuelle. Je n'ai jamais terminé ce roman, qui s'est cassé la gueule en route, et je me suis remis au Grand Lilith, que je n'avais encore ni relu, ni travaillé, qui n'était encore qu'un brouillon. Et ce que j'ai lu m'a consterné. L'idée était bonne mais très très mal exploitée, le texte était lamentable, irrécupérable.

Alors j'ai tout bazardé et recommencé, incorporant en cours de route le type largué et son trauma (mais pas les loups-garous gays), qui est devenu Sammy, dont Blandine tombe amoureuse. La maison de passe/freakshow a disparu, et l'errance métaphysique, nihiliste et porno a pris toute la place. Et c'est devenu La Place Du Mort, que j'ai fait lire, au fur et à mesure de sa rédaction, à quelques lectrices triées sur le volet. Je les avais choisies parce qu'elles étaient des mères célibataires et que leurs vies étaient très dures – je les avais choisies parce que si ces lectrices-là m'expliquaient que Blandine ne tenait pas debout et que mon histoire était idiote, ça n'était pas la peine que je montre ce manuscrit à qui que se soit d'autre. Et elles n'ont pas dit ça. Elles m'ont fait, ces lectrices-là, le plus beau compliment qu'on puisse faire à un écrivain, elles m'ont dit : putain, Blandine, ça pourrait être moi.

Bon. Blandine pète de sérieux câbles et fait des trucs vraiment tarés, et je ne crois pas qu'elles parlaient de ça, je ne crois pas qu'elles avaient envie de faire la même chose, ou alors juste dans les recoins les plus obscurs de leurs fantasmes, non, je crois plutôt qu'elles parlaient de la vision du monde de Blandine, très noire, très libre, très féministe, enfin, plutôt, qui est au féminisme ce qu'Action Directe est au Marxisme, voyez, et qui était proche de la leur, et qu'elles avaient pu exprimer, pour une fois, totalement, en adhérant à ce roman et en aimant ce personnage – que j'espère, vous allez aimer aussi, jusque dans ses actions les plus cinglées et les plus violentes.

Bien entendu, un roman aussi noir, aussi sexuel et aussi tordu a eu du mal à trouver son éditeur. La Musardine n'en a pas voulu : trop de sang dans le porno ; le Diable Vauvert n'en a pas voulu : trop de porno dans le sang ; Lunatiques n'en a pas voulu : trop de tout partout ; et c'est finalement Dom Franceschi, du Camion Noir, qui a eu cette phrase que je n'oublierai jamais : « C'est bien taré, j'adore ». La Place Du Mort avait gagné.

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Le cerveau / Re : mon prochain roman au camion noir !
« le: avril 01, 2014, 22:27:24 pm »
Des nouvelles de La place du mort !

Dom Franceschi, mon éditeur, a terminé le travail de correction et de mise en page du texte.

Elodie Personne, ma correctrice, le relit une dernière fois pour en chasser les ultimes coquilles.

Bones (dont vous pouvez apercevoir le travail ici : http://www.bonesartworks.fr/) nous a envoyé ce matin le croquis de couverture, que nous avons tous les deux (Dom et moi, je veux dire) approuvé à grands coups de hourras, et s'attelle maintenant à l'illustration définitive, que j'espère pouvoir vous présenter d'ici une ou deux semaines.

Quant à moi, je ne fous plus rien sur ce livre que j'ai commencé d'écrire il y a environ quatre ans (toutes les aventures qui ont entouré sa rédaction feront l'objet d'une prochaine causerie, stay tuned, folks), à part le regarder fièrement passer entre toutes les mains que j'ai citées, et devenir de plus en plus beau et concret.

Sa sortie est toujours prévue pour le premier juin. En voici les toutes premières lignes, celles qui figureront en quatrième de couverture :

Quand j’étais retranchée derrière mon mur de flammes, avec Alice morte à mes côtés, quand j’étais là et que j’attendais que les flics surgissent, j’ai songé à tout ce qu’on a détruit, à tout ce qu’on a brûlé, et j’ai souri. J’ai songé aux chefs-d’oeuvre, à l’Histoire, à la culture, à la beauté, j’ai songé à toutes ces merdes qui ont traversé les siècles et que nous avons transformées en cendres, j’ai songé au néant, et j’ai souri.

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Le cerveau / Re : une critique de poésie portable dans tgv magazine !
« le: février 08, 2014, 19:58:37 pm »
bin, c'est mon premier article dans un magazine national, donc, oui :) (et puis c'est 185.000 lecteurs, tout de même)

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Le cerveau / une critique de poésie portable dans tgv magazine !
« le: février 03, 2014, 20:43:03 pm »
Merci à François Perrin pour sa critique de Poésie portable dans le dernier TGV magazine :

Le narrateur/Siébert le confesse sans égard, sans la moindre majuscule ni d'autre signe de ponctuation que le tiret : "Je suis comme un aveugle au festival de Cannes." Condamné à écrire, toujours, sans arrêt, pour ne pas avoir à faire une pause, ni s'interroger réellement sur sa place dans un monde qui lui paraît sonner creux il livre, ici, cent sept notules, comme autant de poèmes sombres, fébriles, mais costauds. Tentations d'une fuite qu'il ne veut pourtant pas prendre, ses textes, illustrés en noir et blanc par Laure Chiaradia, s'avèrent emplis d'un indéniable souffle, qui coupera sans doute le sien au lecteur par moments.


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dans le parc où j’écris mes conneries sur un ordinateur portable il y a tous les enfants qui jouent – ils sont au moins cinquante – tous ceux qui passent près de moi s’arrêtent de courir et de gueuler pour voir – ce qu’il y a sur l’écran – ils ne voient que du texte qui s’étale et s’étale et me regardent avec effarement et beaucoup de pitié


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Pour le commander (9 euros + 2 euros de port), écrire à Gros Textes - Fontfourane - 05380 Châteauroux-les-Alpes (Chèques à l’ordre de Gros Textes). Pour un exemplaire dédicacé : Christophe Siébert - chez l'association Dar De Rien, 9 rue de la Coifferie, 63000 Clermont-Ferrand (Chèques à l'ordre de C. Siébert) ou via paypal :
https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=RPCLZ4EJW2ZJJ

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Le cerveau / squeeze numéro 8
« le: janvier 25, 2014, 19:53:38 pm »
Salut à tous,

La revue SQUEEZE numéro 8 vient de paraître. Entre autres, au sommaire, vous trouverez des textes dOlivier Bkz, Antonella Fiori et de moi-même. Sommaire complet et téléchargement gratuit ici : http://revuesqueeze.com/actualites/revue-squeeze-n8/

Bonne lecture !

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Le cerveau / La première fois que j'ai tué mon père
« le: janvier 14, 2014, 14:18:31 pm »
(EXTRAIT DE "PORCHERIE")

La première fois que j’ai tué mon père, je devais avoir douze ans, pas beaucoup plus. J’étais au collège, pas encore au lycée.
Ça c’est passé dans la nuit de vendredi à samedi, parce que le lendemain j’ai reçu un colis de l’œuf cube, un magasin qui vendait par correspondance des produits de jeu de rôle ; je faisais du jeu de rôle à l’époque ; j’avais commandé des figurines en plomb et j’avais reçu à la place un livre de monstres conçu comme un pastiche de manuel de zoologie.
Mes parents picolaient tous les jours mais surtout le week-end. La soirée s’était passée de manière classique. Nous avions mangé devant la télé et puis nous avions regardé la télé, je suis allé au lit et j’ai été réveillé par les cris de ma mère bourrée qui insultait mon père et le frappait, ensuite les bruits de mon père qui faisait ses valises, il faisait ça deux ou trois fois par semaine. La plupart du temps ma mère le tapait simplement mais parfois il lui en fallait un peu plus et alors elle le virait. Il devait faire ses valises, quitter l’appart et téléphoner quelques heures plus tard pour voir si la folle était calmée. Je me suis toujours demandé à quoi il occupait ces
quelques heures et je n’ai jamais osé en parler avec lui ; un jour je me suis fait virer aussi et du coup je l’ai su : il passait ces quelques heures dans la voiture, à enchaîner les clopes avec un air abattu. Un autre jour, des années plus tard, j’ai quand même osé lui demander pourquoi il ne quittait pas ma mère. Il m’a regardé avec ahurissement et l’affaire en est restée là.
Dans mon demi-sommeil, j’ai donc entendu tout ça, les insultes de ma mère, les bruits de verres remplis et bus et reposés, la voix plaintive et éméchée de mon père, les valises ; j’attendais la porte qui claque avant de pouvoir me rendormir deux ou trois heures et être réveillé encore un coup par le téléphone. Ça nous amènerait à quatre ou cinq heures du matin, j’aurais fait la moitié de ma nuit.
Au moment où j’écris ce texte, plus de vingt ans après, je suis papa d’un bébé de cinq semaines et chaque nuit depuis sa naissance, avec sa mère nous faisons un peu le même genre de calcul. Ça a faim souvent, un bébé.
Ce soir-là je n’ai pas entendu la porte. A la place j’ai entendu un bruit sourd que dans mon demi-sommeil je n’ai pas identifié, et puis le silence. Pas de bruit de porte, pas d’insulte criée par ma mère. Je me suis complètement réveillé, angoissé, tellement angoissé que je suis allé voir alors que je ne me levais jamais, jamais, pour aller voir leurs disputes grotesques nuit après nuit. J’avais vu une fois, c’était trop moche, trop stupide, même pas drôle, je préférais éviter.
Ma mère est allongée par terre, dans les vapes ; mon père, torché au point d’à peine tenir debout, me dit que tout va bien, voix pâteuse, regard hébété, d’aller me recoucher, bonne nuit, je t’aime.
Va savoir comment, je me rendors. Et de nouveau des cris qui me réveillent, ceux de ma père mais sur une tonalité particulière, elle envoie toujours les insultes à la capitaine Haddock, pauvre kroumir, va savoir ce que ça veut dire, ma mère est Yougoslave, mais sur un ton effrayé. Et mon père gueule aussi alors qu'en principe il la ferme et laisse passer l'orage. C’est mauvais signe, ça.
Je vais voir. Ma mère est dans la chambre, sur le lit. Mon père se tient debout chancelant au pied du lit et dit qu’il va la tuer, et me tuer aussi d’ailleurs. Il balance un coup de point dans l’armoire, il la traverse. Mon père était maçon et avait été pompier. D’ailleurs il balance à la tête de ma mère un pompier en bronze qu’il a reçu quand il a quitté la caserne. Heureusement il est bourré et l’objet, que je n’arrivait même pas à soulever à l’époque, au lieu d’arracher la tête de ma mère, tombe comme une merde sur le matelas et s’y enfonce. Ma mère dit qu’elle va appeler les flics, mon père répond qu’elle n’a qu’à essayer, et puis il lui demande combien de temps ils mettront à venir à son avis, et combien de trempes il aura le temps de lui coller.
Je sais pas trop comment, ma mère et moi on quitte sa chambre et on se barricade dans ma chambre à moi, qui ferme à clé. Je récupère mon cutter sur mon bureau et depuis le balcon je gueule tout ce que je peux pour que les voisins appellent la police. J’utilise des synonymes pour éviter les répétitions. Policiers, flics, keufs, etc. Je hurle. Je voulais déjà devenir écrivain, à l’époque. La forme, ça compte. Les voisins ne répondent pas.
Ma mère est pétrifiée de peur, de colère, de honte. Elle est laide et idiote mais je m’en fous, ça fait longtemps de toute façon que je n’ai plus de sentiment pour elle, enfin à part du mépris et un peu de haine, mais la haine passe doucement. Moi, je calcule. Je me demande quelle longueur de lame je dois sortir pour être le plus efficace. C’est un petit cutter, hein, un instrument de papeterie, le genre qu’on utilise au collège, pas un machin en acier pour couper la moquette. Le mien n’a coupé que du papier et du carton jusqu’à présent. Je me demande où frapper. Je me demande s’il faut aller de haut en bas, de bas en haut, latéralement. Je n’ai pas peur, je n’ai pas le temps d’avoir peur. Je calcule. Et je continue de hurler à ces connards de voisins de prévenir les policiers, les keufs, la maréchaussée, merde.
J’opte pour le ventre, de bas en haut, une lame sortie de quatre crans. Je mets la sécurité. Mon père parle de défoncer la porte. C’est imminent et je n’ai toujours pas peur, je suis concentré sur le geste, faut pas que je me loupe surtout, je ne pense qu’à ça.
On sonne à la porte, c’est les flics, merci les voisins. L’histoire est finie.
Le lendemain quand mon père sort de cellule de dégrisement et revient à la maison je lis mon bouquin de monstres. J’ai peur qu’il rentre. Il s’excuse. Je suis déçu. Je trouvais que ça aurait été mieux s’il avait disparu à jamais ce jour-là. Mais la vie est moins docile que la fiction.
Des mois plus tard, je trouverai, coincée entre deux bouquins, une lettre d’humiliation où mon père explique quelle ordure il a été cette nuit-là et qu’il se trouve impardonnable, une lettre de merde, honteuse, qui dégoulinait de pathos. C’est ce jour-là que j’ai cessé d’aimer mon père.




***** Acheter Porcherie : http://media.wix.com/ugd/ecc8dc_1bbebcbc7deb4e08ac52a56e3be61d5a.pdf

****Mes autres publications : http://konsstrukt.wix.com/christophe-siebert#!biblio/c1ogv

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Le cerveau / Re : mon prochain roman au camion noir !
« le: janvier 11, 2014, 12:44:15 pm »
yeaah ! et bientôt des extraits

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Le cerveau / Re : mon prochain roman au camion noir !
« le: janvier 10, 2014, 23:11:29 pm »
merci !

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Le cerveau / mon prochain roman au camion noir !
« le: janvier 09, 2014, 21:05:57 pm »
Bon. Je viens donc de parler à Dom Franceschi, éditeur au Camion Blanc et c'est, putain, c'est confirmé : mon prochain roman (La place du mort) sortira dans la collection Camion Noir cette année !!!

 Pour ceux qui ignoreraient de quel bois se chauffe cette maison MYTHIQUE (et je pèse mes mots), deux petits liens :
http://www.camionblanc.com/
http://www.camionnoir.com/

 Alors, si vous vous demandez quelle est mon humeur, bah en gros je touche plus terre. Disons que pendant qu'Alexandre Jardin feuilletait la NRF en s'imaginant chez Gallimard en train de serrer la pince à tonton Malreaux, moi je dévorais les bios de Joy Division en m'imaginant chez Camion Noir en train de boire un coktail avec Boyd Rice.

 Yeah !

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Le cerveau / [ECRIRE JUSQU'A CREVER AUTANT DE TEXTES QU'ON PEUT]
« le: janvier 02, 2014, 22:41:06 pm »
En attendant que l'envie me reprenne d'en écrire de nouveaux, (re)lisez donc les 46 textes de la série [ECRIRE JUSQU'A CREVER AUTANT DE TEXTES QU'ON PEUT]

C'est ici : http://konsstrukt.wix.com/christophe-siebert#!untexte/c1abi

Et, tiens, un texte au hasard, histoire de donner une idée :

31.

Une vie de réclusion volontaire, une vie de fuite intérieure, une vie en ermite, une vie passée à regarder par l’œilleton avant de décider de ne pas ouvrir la porte, une vie à laisser sonner le téléphone sans répondre jamais, une vie dominée par la misanthropie.
Toute une vie construite sur ce constat : je ne veux pas frayer avec tous ces connards. D'accord pour les observer de loin, pour en faire le sujet parfois de mes textes, d'accord pour partager avec eux la planète, mais pas plus. Tous ces gens que vous acceptez de côtoyer, à qui vous serrez la main, qui vous donnent parfois des ordres, qui viennent manger chez vous, vous filent des conseils, vous disent comment faire, tous ces gens que vous ne supportez pas et qui pourtant font autant partie de votre existence que votre meilleur ami ou que vos courbatures, tous ces gens qui grignotent votre âme comme une armée de termites, je ne les veux pas. Toute une vie sans patron envahissant, sans collègue mesquin, sans famille pourrie, sans voisin casse-couille, sans ami dont on ne sait pas comment s'en débarrasser, sans mariage qu'on passe sa vie à regretter, toute une vie sans autre lien que ceux qu'on a voulus, toute une vie entourée de l'amour de ceux qu'on a choisis, toute une vie baignée dans les affinités électives, toute une vie le ventre au chaud et sur le monde un œil tranquille.
Un vie de chat si on veut, ou bien d'enfant gâté, une vie d'homme libre, une vie d'honnête homme, une vie de peureux, une vie sans conflit, une vie sans courage, une vie sans embuche, une vie sans jouer le jeu, toute une vie passée à suivre ses propres règles, toute une vie passée des ciseaux à la main pour couper tous les fils qui doivent être coupés. Une vie sans éclat, sans complication. Toute une vie passée sans aucun compromis et planqué, bien planqué dans la pénombre du monde.

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Le cerveau / la grosse revue ça commence !
« le: décembre 25, 2013, 13:44:41 pm »
Et donc, La Grosse Revue est financée. Merci à tous ceux qui m'ont fait confiance sur ce coup-là. J'espère qu'ils ne seront pas déçus. Leur boulot est donc achevé, et le mien commence, qui consiste à lire tout ce qu'on m'a envoyé et à fabriquer un objet de 740 pages qui rende compte de la création actuelle, et par "actuelle" je parle pas de celle qu'on achète à Cultura ni de celle qu'on vante dans Technikart, non. Je parle de la vraie, celle qui saigne, celle qui chiale, celle qui rigole, celle qui est fabriquée par Marlene Tissot, Aurore Bela, Nicolas Albert G, Lilas Mala, Olivier Bkz, Paul Sunderland, Marc Brunier Mestas, Yannick Torlini, Mathias Richard, Lor Lorreur, Laura Vazquez, Perrine le Querrec et bien d'autres, je vais pas tous les citer.

 Et si vous vous sentez de taille, envoyez-moi vos poèmes, vos nouvelles, vos romans, vos dessins, vos infographies, vos gravures, envoyez-moi tous vos machins.

 Konsstrukt@hotmail.com.

 Pas de taille minimale ou maximale. Pas de thème imposé. Pas de limite. Juste de l'intransigeance, du talent, du travail et l'envie de faire un truc dont on parlera encore dans dix, vingt, trente ans.

 Je vous attends.

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Le cerveau / Re : la tournée c'est fini !
« le: décembre 24, 2013, 15:14:58 pm »
lien daubé pour la critique de p maltaverne, voici le bon : http://poesiechroniquetamalle.centerblog.net/rub-christophe-siebert-.html

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