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Messages - konsstrukt

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Le cerveau / la nuit noire
« le: mars 17, 2008, 08:12:02 am »

(jean-marc renault - http://www.jmr02.blogspot.com)
 
***
 

4 : 30

 

Le premier mort dont je me souvienne, c’est mon grand-père. J’avais cinq ans. C’était deux ans avant le suicide de mon père. Mes grands-parents habitaient une grande villa. Je n’avais pas le droit de jouer dans le jardin. Je restais à la cuisine avec ma mère et ma grand-mère ; mon père et mon grand-père discutaient au salon et buvaient du ricard.

A midi et demi, nous sommes passés à table. Il manquait mon grand-père. Ma grand-mère l’a appelé, et il n’a pas répondu. Elle a laissé passé une minute. J’étais face à la télé. Il y avait La maison de TF1. C’était présenté par Evelyne Dhéliat. La détonation a éclaté à la fin de la séquence bricolage. Tout le monde a sursauté. Ma grand-mère s’est levée d’un coup en disant, à voix haute : « le fusil ! », et s’est précipitée vers l’escalier. Mon père l’a suivie. Ma mère a pali et n’a pas bougé. Je n’ai d’abord pas bougé non plus, et puis quand j’ai entendu ma grand-mère hurler, j’ai couru voir ce qui se passait là-haut. Ma mère ne réagissait toujours pas. Plus tard, elle m’a raconté qu’en fait elle s’était évanouie, mais je me souviens d’elle assise à table. Pale, immobile, et le regard fixe.

Là-haut, mon père ne m’a rien laissé voir. La porte qui donnait sur le bureau de mon grand-père était déjà fermée. J’entendais ma grand-mère sangloter à l’intérieur, et faire des bruits bizarres avec sa bouche. Mon père paraissait bouleversé, mais il ne pleurait pas. Il m’a forcé à redescendre. Il a dit à ma mère d’appeler la gendarmerie, et il m’a conduit dehors. Nous nous sommes assis. Il m’a expliqué que mon grand-père était mort, que je ne devais pas voir ça, et que je passerai le reste du samedi chez les voisins. Des années plus tard, j’apprendrai qu’il s’était tiré une balle de fusil de chasse, en plein visage, qui l’a tué sur le coup, et qu’il n’a laissé aucune lettre d’explication.

 

5 : 29

 

Mon père s’est suicidé deux ans après, le vendredi treize juin mille neuf cent quatre-vingt, pendant que ma mère faisait les courses. Il était dix-sept heures trente, et je regardais Récré A2. Un épisode de Candy venait de commencer. Mon père avait la grippe. Il ne s’était pas rendu à son travail. C’est lui qui était venu me chercher à l’école. Après les devoirs, j’ai regardé la télé. Lui, il s’est enfermé dans la chambre. Un peu après le début de Candy, j’ai entendu un bruit provenir de la chambre, que je n’ai pas reconnu. J’ai appelé pour savoir si tout allait bien, sans réponse. J’ai appelé encore, et il y a eu un son étouffé, comme un gargouillement. J’ai été voir. Mon père s’était pendu dans la chambre. Il avait passé une corde autour d’une des poutres qui traversaient la pièce, et le bruit que j’avais entendu sans l’identifier était celui de la chaise qu’il avait renversée en se jetant dans le vide. Il m’a regardé. Ses pieds bougeaient de façon désordonnée au-dessus du sol. Avec ses mains, il tentait de desserrer la corde qui lui broyait le cou. Ses yeux étaient exorbités. Il ouvrait et refermait la bouche et un son mouillé en sortait ; il essayait de me dire quelque chose, ou alors simplement de respirer. Je n’ai rien fait. Je l’ai observé se débattre et mourir. L’agonie s’est achevée pendant le générique de fin de Candy. Je suis sorti, j’ai refermé la porte et je suis retourné devant la télé. Récré A2 était terminé. Je me suis levé pour changer de chaîne ; il y avait Un, rue Sésame qui commençait sur TF1. Un moment après, ma mère est rentrée. Elle paraissait joyeuse. Elle m’a demandé où était mon père, j’ai répondu que je croyais qu’il était dans la chambre. Elle est entrée, et elle a poussé un hurlement. Mon père non plus n’avait laissé aucune lettre d’explication. Longtemps après, je me suis demandé si le suicide était héréditaire.

 

6 : 28

 

Nous avons déménagé. Il a fallu que ma mère trouve du travail. Il a fallu que je change d’école. A partir de l’année suivante, nous avons habité à la campagne. Il n’y avait plus que nous. C’était comme si le reste de la famille, des deux côtés, n’existait plus. La maison était à l’écart de tout. C’était une vieille baraque à deux étages, trop grande pour nous, isolée. Il fallait marcher deux kilomètres pour aller à l’école. Ca n’était pas sur le trajet du bus, et le travail de ma mère ne lui permettait pas de m’accompagner à l’école, ni de venir m’y chercher. J’ai découvert que j’aimais marcher, et que j’appréciais la solitude. Pour aller jusqu’à l’école, je suivais un petit chemin sur une centaine de mètres, à travers la forêt, puis une route départementale, que je longeais pendant deux kilomètres, jusqu’au village. Il fallait encore traverser une partie du village, jusqu’au centre. C’était une petite école, il n’y avait pas beaucoup d’élèves.

J’aimais ce trajet. Les arbres. La forêt, j’aimais bien ça. Je ressentais sa puissance. Quand il faisait trop froid, ou trop chaud, ou qu’il pleuvait ou qu’il y avait du vent, c’était encore mieux. J’avais envie de me perdre là-dedans, et de ne jamais en sortir. De rencontrer les loups. Qu’ils me traquent. Me tuent. Qu’ils me jugent faible, ou alors qu’ils m’adoptent.

A l’école, je m’ennuyais. Je ne parlais pas aux autres, et je ne parlais pas à ma maîtresse. Les adultes étaient au courant pour le suicide de mon père, alors ils me foutaient la paix. Aux récréations, je restais dans la classe, à dessiner. Je n’aimais pas l’école, tout me paraissait faux. Tout avait l’air hypocrite, mauvais. Je me souviens des lettres en couleurs punaisées sur les murs, pour apprendre à lire. Des lettres qui prenaient la forme d’animaux rigolos. Mais elles cachaient un mensonge. Je le percevais. Et cette perception était le négatif de ce que j’avais éprouvé en écrasant la mouche entre mes doigts.

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Le cerveau / abattoir
« le: mars 11, 2008, 21:08:23 pm »
je veux qu’on me frappe
je veux qu’on m’enfonce des trucs dans le cul
je veux qu’on m’insulte et qu’on me force à m’humilier
et même si je n’aime pas ça
c’est comme ça que je jouis

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Le cerveau / la nuit noire
« le: mars 10, 2008, 07:29:46 am »

(jean-marc renault - http://www.jmr02.blogspot.com)

1 : 33

Mes plus vieux souvenirs, se sont des odeurs d’aisselles et d’autres parties de mon corps. J’adorais ça. Je ne sais pas quel âge j’avais, à l’époque. Je restais des heures dans un carton, à écouter mon père et ma mère picoler et discuter de trucs de plus en plus incohérents. J’aimais ce carton. Je m’y sentais chez moi. J’y restais des journées entières ; c’était avant que j’aie l’âge d’aller à l’école.
Je frottais mes doigts contre mes aisselles, et je les reniflais. Je passais la main entre mes couilles et mes cuisses, et je humais. J’ai continué à faire ça une fois adulte. L’odeur de ma sueur m’a toujours fasciné. Et toutes mes autres odeurs corporelles. Je suçais mon doigt, le matin, avant de me lever, et je respirais l’odeur aigre de ma salive. J’enfonçais mon doigt plus ou moins profondément dans mon trou du cul, selon que je voulais avoir une odeur plus douce ou plus acre. Mes parents n’ont jamais rien su de tout ça. Je restais plusieurs minutes enfermé dans mon carton, à renifler mon doigt imprégné d’odeur de merde et de sueur, sans penser à rien d’autre. Je n’entendais même plus les conversations idiotes de mes parents.
Très tôt, j’ai respiré ma merde. Quand je chiais, avant d’appeler ma mère pour m’essuyer (et puis plus tard, quand j’ai su me torcher tout seul, avant de tirer la chasse), je me penchais dans la cuvette pour renifler. Ou bien, je m’en mettais un peu au bout du doigt. Chaque jour, elle avait une odeur différente. Pourtant, je la reconnaissais tout le temps. C’était ma merde. Rien qu’à moi. Quand j’allais aux toilettes pour sentir la merde de ma mère ou de mon père, juste après qu’ils soient sortis, ça n’était pas pareil. Ca ne me plaisait pas. Il n’y avait que mes propres odeurs qui m’attiraient. Une fois, j’ai goûté mes excréments. Ca m’a déplu. Je n’ai pas recommencé. J’avais sûrement six ans, puisque mon père était encore vivant.

2 : 32

Enfant, j’avais un fantasme. Il m’a duré des années. Jusqu’à ma renaissance en fait, jusqu’à ce que je m’isole et que je quitte la société des hommes. C’était le fantasme de l’homme dehors, qui approche avec sa hache et vient me chercher. Qui vient me tuer.
La nuit, dans mon lit, juste avant de m’endormir, quand j’étais allongé sur le côté, il arrivait que mon oreille soit repliée sur elle-même, et alors j’entendais le battement de mon cœur pulser là, à mon oreille, avec une nuance granuleuse, qui rappelait les pas de quelqu’un vêtu de bottes, sur un sol de terre sèche ou de graviers. Ca arrivait juste avant que je m’endorme, et à chaque fois j’avais le même fantasme. L’homme à la hache venait me chercher, il allait d’abord tuer mon père, et puis ma mère, et puis moi ; il essaierait de défoncer la porte avec sa hache ou alors à coups de pieds, mon père entendrait ça et irait voir, ce serait le premier à mourir ; ma mère ensuite, les coups de hache feraient taire les hurlements qu’elle aurait poussés en découvrant la scène. Et moi, enfin. Calme ; ce serait un moment attendu depuis longtemps, quelque chose de normal ; je n’aurais pas peur, je ne me débattrais pas. L’homme serait enfin là, devant moi ; à force d’approcher, chaque nuit, chaque nuit, il serait là ; il serait grand, avec un manteau noir, une barbe, couvert de sang, et sa hache goutterait sur le sol. Il me sourirait, ses yeux seraient noirs et magnétiques, il lèverait sa hache, lentement, j’essaierais de ne pas fermer les yeux mais je n’y parviendrais pas, sa hache me fendrait la poitrine, j’entendrais l’os craquer, je sentirais le sang chaud, ça serait fini.
C’est un de mes plus doux souvenirs d’enfance. Ce moment, juste avant de m’endormir, où je prends la bonne position, et j’écoute les pas de l’homme, qui approche, à pas lents, calme, inexorable.
Vers quinze ans, j’ai perdu l’image.

3 : 31

La première chose morte que j’ai vu, c’est une mouche. Je n’allais pas encore à l’école. Mes parents et moi habitions un appartement en ville ; je ne sortais presque jamais. Ma mère était effrayée à l’idée que j’aille dehors. Elle faisait le ménage, et mon père était à son travail. Par la fenêtre, j’observais les gens, quatre étages plus bas. Il y avait des mouches. Ma mère en a tué une, juste devant moi, d’un coup de torchon contre la vitre. La mouche a laissé une trace rouge et elle est tombée par terre. Ma mère l’a ramassée et jetée dans un cendrier. J’étais fasciné. J’avais vu voler cette mouche, et je l’avais vu mourir. J’ai attendu que ma mère change de pièce, j’ai récupéré la mouche et je suis allé dans mon carton. Je l’ai observée, pendant un long moment, puis je l’ai écrasée entre mes doigts. Je me souviens de la sensation exacte. L’abdomen transformé en purée jaunâtre, humide contre ma peau, et le reste du corps, écrabouillé aussi, mais plus solide. Ca m’a soulevé le cœur. Et cette sensation était bonne, comme si ce haut-le-cœur dissimulait quelque chose de supérieur. Une conscience plus grande. Voilà ce que cette sensation m’avait suggéré. Bien sûr, à ce moment-là, je n’avais pas du tout identifié cela. J’étais un enfant. J’avais juste éprouvé une sensation d’écœurement qui faisait du bien. J’ai ressenti du trouble et de la confusion. J’ai terminé d’écraser la mouche entre mes doigts. Il n’en est resté que de la pulpe. Le trouble s’est prolongé, et puis dissipé, mais il a marqué mon esprit. J’ai quitté mon carton. Toute la journée, et toute la nuit, j’ai repensé à ça. Pour moi, à l’époque, ça ressemblait à un secret. Quelque chose connu de moi seul, que j’avais trouvé par hasard ; quelque chose d’important. C’est ce jour-là, je crois, que ma vie a complètement changé. Toute la suite s’est déterminée dans cet instant où j’ai tout compris sans rien pouvoir formuler.

439
Le cerveau / LA NUT NOIRE - roman
« le: mars 07, 2008, 16:02:32 pm »
bon, ah ba à lundi alors !

440
Le cerveau / LA NUT NOIRE - roman
« le: mars 07, 2008, 13:09:14 pm »
un, voilà un petit passage, situé vers le début.

Je me suis habillé chaudement, et je suis retourné à l’endroit où j’avais laissé le chien. Il était toujours là. J’ai commencé par le soulever, le porter, le traîner à l’écart comme je pouvais. Je me suis enfoncé dans la forêt. Au bout d’un quart d’heure, j’étais en sueur, et essoufflé. Le chien était invisible depuis la route. Les arbres m’entouraient, il faisait presque noir, il y avait juste une lumière grise, hivernale, qui perçait entre les branches. L’odeur de ma transpiration m’envahissait, des odeurs de terre et de compost m’entouraient, je me sentais bien. Je me suis agenouillé à côté de la dépouille. Des fourmis marchaient sur ses yeux et sur sa langue. J’ai passé toute la journée à le toucher, à le respirer, à enfouir mes mains dans sa gorge, à humer sa gueule, sa peau, ses organes génitaux, son anus. J’ai promené mes narines partout sur lui. J’ai enfoui mon visage dans son pelage sale. Des sensations puissantes me traversaient.


sinon, je poste pas sur le cerveau (ni ailleurs, ni même sur mon site), parce que j'ai déjà un un rappel à la loi pour "diffusion de message à caractère pornographique susceptible d'être perçu par un mineur", et que ce roman en contient un certain nombre, plus quelques trucs pires que ça, et qu'il fallait pas voter petit lapin qui pisse derrière la tente.

maintenant, si un administrateur passe par là, et me dit on s'en bat les couilles, vas-y, poste, moi je suis ok.

441
Le cerveau / LA NUT NOIRE - roman
« le: mars 07, 2008, 12:24:16 pm »
(pas sûr d'être sur le bon forum ; ne pas hésiter à déplacer le machin si besoin est)

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mon nouveau roman est sale, violent, triste et pesant.

c'est la confession d'un type morbide, délirant, malade, qui a commis ou commettra un certain nombre de crimes, et qui tente, par l'écriture, de donner un sens à ses actes. qui n'en ont pas.

cette confession se compose de 333 paragraphes de 333 mots chacun.

ce roman est disponible uniquement par mail. pour le recevoir, sous la forme d'un feuilleton hebdomadaire, il suffit d'envoyer un mail à konsstrukt@hotmail.com

konsstruktVOUSaime

442
la revue freak wave est une magnifique chose éditée par anne vanderlinden et olivier allemane (aka le peintre du bonheur) ; on trouve là-dedans quelques superstars comme pennequin, costes, olivia clavel, kiki picasso, muzo, et quelques branlotins dans mon genre, aussi.

et le 22 mars à partir de 18 heures, y'a une soirée au point éphémère à paris pour fêter ça. il y aura de la musique (dj wise) du grand guignol pour adulte (sexandroïdes) et une lecture (moi) ; le tout pour gratos.

y'aura aussi un show de costes, mais ça coûte dix euros, à les salauds.

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les infos diverses :

télécharger le dossier de presse : http://storage.canalblog.com/52/74/25739/22259968.pdf

télécharger le carton d'invitation :
http://storage.canalblog.com/88/17/25739/22802980.pdf

le site de l’éditeur : http://www.orbispictus.fr
le site de anne vanderlinden : http://heavyshop.free.fr
le site d’olivier alemane : http://olivier.allemane.free.fr
le site de sexandroïdes : http://www.sexandroides.com

le point éphémère :

200 quai de valmy – 75010 paris ( métro jaurès ou louis blanc)
01 40 34 02 48
http://www.pointephemere.org – info@pointephemere.org

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Le cerveau / abattoir
« le: mars 05, 2008, 15:30:14 pm »
devant moi la chaîne de montage est comme hier
je fais toujours la même chose
on fabrique des chaussures à talon aiguille
moi j’assemble le talon et son embout
le talon m’arrive nu et je dois coller dessus l’embout
il m’arrive un talon toutes les deux secondes
à la fin de la journée j’ai contribué à fabriquer sept mille deux cent paires de chaussures
quand j’aurais cinquante ans ça fera quarante millions
de paires de chaussures

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