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Sujets - konsstrukt

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Le cerveau / nouveau livre : découper l'univers
« le: septembre 03, 2015, 22:24:48 pm »
Pour ceux qui seraient passées entre les gouttes de ma newsletter, elle est consultable en ligne ici :

http://shoutout.wix.com/so/cKzNCl_K

J'y évoque la sortie imminente de mon nouveau recueil de poésie (enfin, poésie, je sais pas si c'est le mot juste - ça sort chez un éditeur de poésie, en tout cas).

A bientôt !

Christophe

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Le cerveau / Papi jute dans la sauce aux câpres / nouvelle parution
« le: juillet 06, 2015, 09:35:04 am »
Bonjour à tous,

Mon nouveau livre, Papi jute dans la sauce aux câpres, vient de sortir dans la Collection Or des éditions de La Belle Epoque.

La Belle Epoque, c'est surtout une galerie Lilloise à la programmation exigeante et loin des sentiers battus. Et la Collection Or est une série de petits livres (format A6 approximativement) façonnés à la main et au tirage limité. On y retrouve Pennequin, Costes, Lucien Suel, Benjamin Monti, Anne Van Der Linden, Marc Brunier-Mestas - entre autres.

Je suis très fier d'y publier mon dernier texte, une nouvelle relevant d'un genre un peu marginal : le porno-cullinaire. Ce qui fut au départ une commande de mon amoureuse ("tu écris du porno, tu aimes faire la cuisine, pourquoi ne pas publier un texte qui mélange les deux ?") associée à une commande de David Ritzinger, qui dirige la collection ("Bon, tu me l'écris quand, ce porno, espèce de feignasse"). Sitôt dit, presque sitôt fait. Après quelques mois d'attente, le voici enfin, tout beau tout chaud !

 

Voici le début :

La première fois que j'ai vu grand-père se branler, c'était un vendredi soir. Le lendemain serait mon quatorzième anniversaire, que nous fêterions en famille autour de mon plat préféré, de la langue de bœuf sauce piquante. La fête avec les copains serait pour le samedi suivant.
J'avais été réveillé en pleine nuit par l'envie d'aller aux toilettes. En passant devant la cuisine j'ai aperçu de la lumière et entendu marmonner grand-père. Au lieu d'ouvrir la porte et lui demander si tout allait bien (grand-père, ancien résistant, avait survécu à Auschwitz et il lui arrivait encore de faire d'horribles cauchemars, il avait parfois besoin de réconfort, nous l'aimions tous beaucoup et depuis qu'il était veuf il ne se passait pas une semaine sans que nous l'appelions au téléphone), je me suis arrêté et j'ai collé mon oreille à la porte. C'était exactement comme s'il parlait à quelqu'un. Sa voix était agressive, bizarre.
J'ai entrebâillé la porte, à la fois inquiet et curieux.
Grand-père était debout devant le Frigo ouvert, dont seule la veilleuse éclairait la pièce, son pyjama aux chevilles. Dans une main il tenait le plat de béchamel où les câpres étaient figés et dans l'autre son sexe à moitié bandé qu'il trempait dans l'épaisse sauce tout en se masturbant.
Ses yeux étaient exorbités. Je ne comprenais pas un mot de ce qu'il disait. Il semblait s'adresser à un interlocuteur imaginaire. Il avait l'air de perdre la boule. Je suis resté sans rien faire, figé, épouvanté jusqu'à la fin, jusqu'à ce qu'il éjacule dans la sauce en poussant des grognements plus forts, le visage rouge et congestionné, trois grosses giclées que j'ai entendu faire ploc ploc ploc dans la béchamel, mon visage à moi complètement défait, après quoi il a remis dans le Frigo le plat et a essuyé sa queue et les gouttes de sauce qu'il y avait au sol. Je suis retourné dans ma chambre en catimini. Tout envie de pisser avait disparu.
J'ai passé une nuit et une matinée bizarre, à retourner tout ça dans mon cerveau. A midi tout le monde s'est réjoui en voyant le plat en porcelaine rempli de sauce blanche et fumante, et les points verts foncés qui flottaient dedans, et grand-père souriait encore plus largement que les autres.
— Et bin alors, tu n'aimes plus ma sauce ? m'a demandé ma mère en voyant la tête que je faisais.
J'ai eu du mal à me recomposer un visage normal – du mal aussi à terminer mon assiette.
Cette histoire a tourné un moment dans ma tête et puis je suis passé à autre chose jusqu'à cette nuit, environ trois mois après mon anniversaire, où nous avons tous dormi chez lui – il était question de faire un barbecue le lendemain, le premier de l'année, on était en avril, il faisait déjà beau et dans le jardin poussaient les premières fleurs, tout ça donnait vachement envie.
Quand il a fait grincer la porte de sa chambre, ça m'a réveillé. Il faisait nuit noire. J'ai décidé de le suivre. Je lui ai laissé un peu d'avance pour qu'il ne me remarque pas. Il s'est rendu à la cuisine.
Il a ouvert le Frigo, pris le Tupperware, l'a posé sur le plan de travail et a ôté son couvercle. Ensuite il a baissé son pyjama et saisi dans le Tupperware un pilon de poulet qui dégoulinait d'huile d'olive et d'épices.
Il bandait déjà.

Et si vous voulez m'entendre et me voir le lire sur scène, c'est par ici : https://www.youtube.com/watch?v=GhwMYD7LMD0 (et ça c'est passé au Terminus, à Rennes, le 29 avril 2015).

 

****

 

Si vous désirez recevoir un exemplaire dédicacé, ça vous coûtera 8 euros (+ 1,50 euro de frais de port) pour un exemplaire de l'édition courante, ou bien 30 euros (+ 1,50 euro de frais de port) pour l'un des six exemplaires du tirage de tête ; premier arrivé, premier servi.

Vous pouvez commander via paypal (ce lien pour l'édition courante : https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=CY4NTECDPF7EC ; celui-ci pour le tirage de tête : https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=4HRKRNHAHK3PJ), ou bien en m'envoyant un chèque : Christophe Siébert, 5 rue Sainte-rose, 63000 Clermont-Ferrand.

Et tant que j'y suis : j'ai à nouveau, et pour sans doute une courte période, des exemplaires de Nuit Noire et de Poésie Portable. Nuit Noire coûte 6 euros, Poésie Portable en coûte 9, plus 2 euros de frais de port. Même adresse postale pour payer par chèque, et voilà les liens Paypal :
Nuit noire : https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=VTUVQYJ769MQQ
Poésie Portable : https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=RPCLZ4EJW2ZJJ


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Le cerveau / Newsletter mars-juin 2015, et au delà
« le: mars 18, 2015, 15:55:46 pm »
La newsletter mars-juin 2015 (et au-delà) vient de partir en direction des moults abonnés. Ca peut prendre quelques jours pour la recevoir. Pour ceux qui sont pas abonnés, une simple demande par mail (konsstrukt@hotmail.com) et le tour sera joué.

Pour ceux qui veulent la lire en ligne, c'est possible par ici :
http://ecriture.leforum.eu/t265-Newsletter-mars-juin-2015-e

En voici le début :

Ca fait un bon moment que je n'ai pas envoyé de newsletter. J'étais occupé à pas mal de trucs, qui m'ont pris tout mon temps. Je vais donc rattraper le coup avec une lettre particulièrement dense et touffue, à tel point que pour vous y retrouver, voici un petit sommaire :

LES PROCHAINES SORTIES
Découper l'Univers (Gros textes, juin)
Holocauste (Rivière blanche, janvier ?)
Papi jute dans la sauce blanche, un petit conte de black porn magick (La belle époque, 2015 ?)
La dernière maison (Vermifuges, 2016 ?)
Porcherie (Lunatiques, 2016 ?)
Un nouveau roman chez Trash ? (2016 ?)

LES PROCHAINES DATES
29 mars à Lille
26-27 avril à Angers (salon ImaJn'ere)
13-14 juin à Clermont-Ferrand (salon des voix mortes)
20 juin à Clermont-Ferrand (en première partie de Father Murphy)

LA GROSSE

TEXTES INÉDITS
Poèmes tirés d'Un autre recueil
Nouveaux poèmes
Extraits de Descente

CHRONIQUES & AVIS DE LECTEURS
La place du mort (Camion Noir)
Nuit noire (Trash éditions)

Alors bonne lecture, et à dans quelques temps pour de nouvelles aventures !

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Salut à tous,

En prévision d'un mois de janvier et d'un mois de février (et, soyons lucides, d'un mois de mars) un peu durailles sur le plan financier, je cherche, à peu près n'importe où en France, à faire des dates. Je propose, sur scène, ou bien des lectures simples de mes textes, ou bien des rituels drone (avec donc en plus de la lecture des paysages sonores et une scénographie plus travaillée). Je dispose d'une demi-douzaine de sets différents (textes plus ou moins hardcores ou poétiques, musique plus ou moins aggressive ou cosy, lumières plus ou moins hostiles ou accueillantes) en fonction des publics visés, tous durant entre 30 et 45 minutes ; je demande entre 50 et 100 euros par date, en fonction du budget de l'organisation, mais je ne peux pas descendre en dessous de 50, c'est un minimum non-négociable. Idéalement, il faudrait que je booke quelques dates entre maintenant et le 30 mars. Tout-e orga intéressé-e peut me contacter à la suite de ce message, ou bien en m'écrivant en privé.

Merci !

Christophe

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Le cerveau / un nouveau forum ? ha bin oui, un nouveau forum
« le: janvier 26, 2015, 01:37:25 am »
Bonjour à tous,

Considérant que Facebook est un endroit efficace pour faire sa promotion et communiquer de façon unilatérale, c'est à dire envoyer des informations à ses lecteurs, et dans le meilleur des cas efficace aussi pour entamer des dialogues mais pas vraiment de discussion de groupe ; considérant que les newsletters aussi ; me rendant compte, du coup, que tout ça manque un peu d'échange, de convivialité, de la douce saveur de l'émulsion quand elle prend entre les gens, j'ai décidé...

… d'ouvrir un forum.

Vous le trouverez ici : http://ecriture.leforum.eu/index.php

Vous pourrez constater que son fonctionnement est simplifié au maximum.

Pourquoi un forum ?

Pour avoir, justement, un espace commun où chacun pourra lire les textes de tous, où chacun pourra commenter, où tous pourront discuter, bavarder, débattre, s'engueuler – non pas au sein de la vaste foule d'Internet, mais plutôt en comité réuni sur la base d'un point commun : l'importance que nous accordons à l'écriture.

Un forum n'est pas une revue, n'est pas un blog, n'est pas un comité de lecture ; c'est un espace à l'ambition esthétique relativement neutre, aux enjeux relativement faibles : c'est un espace tranquille, en somme, où il est possible de discuter à bâtons rompus, loin de l'idée de faire sa promotion, loin de l'idée aussi de convaincre un éditeur, ou de gagner du fric, ou de se sentir en concurrence avec les autres auteurs.

A la bonne franquette, en somme, dégagé des pressions habituelles, et à une échelle plus lente aussi que les réseaux sociaux, proche par exemple de l'échange épistolaire.

Pour qui, un forum ?

Idéalement, j'y espère trois types d'intervenants : des gens qui sont écrivains, des gens qui sont écrivains amateurs, des gens qui sont lecteurs. A mon avis, ce sera le panachage équitable de ces trois catégories-là qui fera que la sauce pourra prendre.

La différence que j'établis entre écrivain et écrivain amateur ne tient pas forcément au talent que j'attribue à priori à chacun, mais plutôt à l'idée que l'écrivain veut être publié, et plutôt publié par des maisons professionnelles, être critiqué, en vivre, participer à la vie littéraire, tandis que l'écrivain amateur ne se soucie que d'écrire, et quant au devenir de ses textes, vogue la galère.

Bref, ces trois-là à position égale ; les uns ne cherchant pas à tout prix à faire leur promo, les autres cherchant à trouver de nouveaux lecteurs pour leurs textes, et un regard à la fois plus attentif et moins complaisant que sur d'autres supports de publication.

Pour que la sauce prenne, il faudrait que se constitue très vite un noyau dur – des gens relevant de toutes ces catégories, une dizaine de chaque, pour commencer, et qu'il y ait trois ou quatre post quotidiens. J'ai assez de copines et de copains, je crois, pour que ce noyau dur puisse exister rapidement (ouais, les potes, c'est à vous que je cause ! Radinez-vous !). Et tous ces copains et ces copines sont suffisamment inconnus les uns des autres, j'espère, pour que ça ressemble davantage à une pendaison de crémaillère dans un 120 mètres carrés qu'au sempiternel apéro du jeudi soir chez Bébert.

Pourquoi ce forum et pas un autre ?

C'est vrai qu'il en existe une quantité d'autres. Ils offrent tous une ambiance particulière, et nourrissent tous une ambition spécifique. Ils ont chacun leurs qualités propres.
Mais aucun, à ma connaissance, ne se propose de faire ce que j'ai l'ambition de faire : créer une scène ouverte à tous, sans contrainte thématique, sans contrainte de genre, de forme, de qualité, créer un endroit où tous peuvent se retrouver sans aucune distinction, et échanger autour de cette chose que nous avons en commun, qui nous fonde, à quoi nous pensons tous les jours (quand ce n'est pas toute la journée) : LE TEXTE.

Le texte, dans ce qu'il a de plus général. La poésie, le roman, l'essai, l'aphorisme, tout ce qui s'écrit, tout ce qui se lit. Tous ceux qui écrivent, tous ceux qui lisent.

A vous, donc.

http://ecriture.leforum.eu/index.php

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Le cerveau / actualités konsstrukt novembre décembre
« le: novembre 27, 2014, 21:58:01 pm »
NEWSLETTER NOVEMBRE-DECEMBRE

Ces derniers jours, je me suis fâché avec un garçon qui n'admettait pas que je puisse ne pas avoir reçu un de ses e-mails ; qui croyait, au contraire, que je l'avais reçu mais que, pas intéressé, méprisant, je n'avais pas répondu. Bon, en soi, c'est pas très intéressant, mais ça m'a donné quand même un peu à réfléchir. C'est un monde intéressant, que ce monde. Un monde où, entre l'affirmation invérifiable faite par un humain et la promesse invérifiable faite par une machine, certains choisissent de faire confiance à la machine.

Bref.

Bonjour à tous.

Grosse newsletter ce mois-ci, prenez votre temps pour la lire, de toute façon j'aurai trop de travail, d'ici janvier, pour venir vous reprendre la tête, et cette fois-ci il y en a pour tous les goûts : Poésie portable, La place du mort, Nuit noire, Découper l'Univers, le mettre dans des boites, reculer de vingt pas, épauler son fusil et tirer sur les boites, Un autre recueil, Rituel drone, Tout pour le freak numéro 1, Descente.

Voilà ce qu'une lectrice écrit à propos de Poésie Portable ; cette critique exceptionnellement longue, réfléchie, travaillée, intelligente, me rend extrêmement fier - me donne l'impression, disons, de pas avoir bossé pour rien.

Merci, donc, à son auteur. Sincèrement.

(Et si ça vous donne envie de recevoir un exemplaire dédicacé, vous pouvez m'envoyer un chèque de 9 euros à Christophe Siébert, 5 rue Sainte-Rose, 63000 Clermont-Ferrand, ou bien suivre ce lien Paypal : https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=RPCLZ4EJW2ZJJ)

« La démence d’être sauvé » ?
Christophe Siébert ou le nihilisme ultime

Dans la lignée du « Dieu vomit les tièdes » C. Siébert déclare tout net qu’« il faut brûler vif la tiédeur –incinérer les tièdes » (78). La vie n’est pas un processus à combustion lente.

Sulfureux, trash, tonitruant, maudit et fier de l’être, l’auteur de Poésie portable est le chantre d’une noirceur assez jubilatoire une fois la nausée première surmontée, d’un cynisme d’abord irrespirable puis stimulant dans un deuxième temps. C’est que cet animal retors sait empoigner ses contradictions intérieures pour les déployer en un brillant feu d’artifices dépressif, naviguant entre pessimisme apocalyptique, doutes existentiels, paranoïa et mythomanie.

Au premier degré, il est question dans son livre de purgatoire ici et maintenant. Rien ne saurait racheter l’homme qui ne mérite que d’être enfoncé méthodiquement et implacablement dans le désespoir. On ne peut se raccrocher à rien. Où qu’il pose les yeux, l’homme renvoie de lui-même une image qu’il ne peut évidemment pas contempler en face.

D’où la mise en scène caricaturale pour Comedia : macabre, ostensiblement solennisante, cauchemardesque.

Par une sorte de complaisance inversée, cruelle et perverse, Christophe Siébert s’emploie à saper avec force détails toute illusion consolatrice, c’est-à-dire toute condition de possibilité de l’existence.

On est d’emblée au bord de l’asphyxie, c’est réussi. Son dessein est de rechercher ce point ultime du désarroi, la limite du suicide. Le seul exutoire à cette délectation anxiogène et mortifère est l’écriture qui broie si finement le fond infâme humain. Un dégoût aussi profond de l’humanité- et en particulier de ses contemporains-, une misanthropie si hyperbolique, si exhaustive ne s’approche pas si souvent, ne se lit que peu à ce degré et s’écoute encore moins.

C. Siébert et sa descente infernale spectacularisée nous défie avec toute l’intelligente impudeur qui sied à l’indécence de son propos du bord de sa scène dantesque, nous contraignant à nous confronter avec tout ce dont nous nous détournons pour simplement continuer à vivre et à perpétuer la mascarade sociale absurde qu’il dénonce. Dynamite incandescente, attisée, que la réalité ob-scène qu’il assène, mots martelés de poinçonnage psychologique.

« J’aime bien isoler le pire – le circonscrire, gaspiller tout mon temps à l’examiner sous toutes ses coutures » (51)

C’est un anti-happy end intransigeant et définitif que de derrière son masque il nous impose.

La question est de savoir jusqu’à quel point sa Poésie portable est vraiment subversive ? Il sait bien qu’au fond, par-delà sa littérale provocation et sa volonté délibérée de choquer, il ne bouleversera rien dans nos vies (désespérément normales). Il n’a rien à perdre, d’où sa violence paroxystique. Sa poésie est d’ores et déjà à fond perdu. Paradoxale subversion, trop virulente, trop frontale, trop extrême, pour réellement prétendre à un quelconque pouvoir de changement.

Il faut lui reconnaître le courage d’en exprimer la dérisoire et risquée grandeur. Son « panache » provient de ce décalage entre d’une part l’amertume et l’intégrale noirceur et d’autre part l’absence d’un point de non-retour puisque par un mécanisme de défense psychologique et instinct de survie bien méprisable, nous ne pouvons faire autrement que de nous dissocier de sa visée destructrice et de la rejeter. Son inversion des valeurs reste personnelle, îlot radical et superbe isolement sans lueur d’espoir (consolation : « l’échec est toujours plus riche que la réussite ») ; aucune affirmation en perspective. On « macère » dans la phrase « nihiliste » et on y reste englué sans tunnel de sortie. Griserie assumée des limites outrepassées, posture intenable et pourtant revendiquée.

« Sans ça je ne serai pas écrivain […] sans ça je n’aurais pas compris que la beauté se cache dans l’éclat d’un regard et que la vie se cache dans l’ombre des névroses et que plus on est vivant, moins on est normal. »

Telle est la phrase-clé susceptible de « briser la mer gelée en nous », pour commencer à comprendre et à s’orienter, qui vaut qu’on en mesure l’édifiante portée.

Excéder la normalité, s’en écarter, c’est effectivement le signe d’une exigence de vie « plus scabreuse », supérieure, qui implique souffrance et dépassement. C’est cet indice de vie intensifiée par-delà la norme qui est le critère de toute valeur, artistique ou non.

Pour cette raison, on respecte Poésie portable, quand bien même il relève des livres qui n’aident pas à vivre, où la seule balise qui vaut est cette lucidité exacerbée nimbée de folie.

Ainsi C. Siébert continuera-t-il à piétiner l’humanité et la normalité dans l’incompréhension voire l’indifférence. C’est un besoin viscéral et l’estampille de son soleil noir.

François-Xavier Farine avertissait aimablement en janvier sur son site « Poebzine » :

« Un poète de la trempe de C. Siébert n’est pas là pour rassurer les consciences bien nées. »

« Attention, chastes oreilles, cette poésie ne s’adresse pas à vous…Mais je n’en suis pas si sûr au final. »

L’hésitation exprimée à la fin d’une critique très élogieuse et enthousiaste dénote une perplexité symptomatique, qui soulève prudemment -sans la trancher- la question de la réceptivité problématique d’un tel livre, enjeu qui semble devoir être précisé.

A qui s’adresse C. Siébert ?

L’auteur, toujours à l’avant-garde, répond dans le § 88 : il s’adresse à ses pairs, pas au troupeau de la norme imperméable, mais aux « fous philosophaux » de son espèce, aux happy few du trash.
Maîtrisant l’auto-dérision dialectique, il va au-devant des critiques, prévenant le reproche de morgue que ses lecteurs ne peuvent manquer de lui adresser, - se le servant lui-même avec assez de verve et ne permettant pas qu’un autre le lui serve - : « je suis un connard –hautain-prétentieux-méprisant-débordant d’orgueil » (95)

L’outrance qui surclasse est un hameçon à double tranchant.
On en vient, après quelques difficultés, à distinguer deux niveaux de lecture selon le public atteint.

Si on s’en tient au point de vue réactif, primaire de la « norme » vilipendée, on est forcément dans la condamnation car choqué et le rejet est immédiat, bref et sans appel.

A un deuxième degré, après relecture de Poésie Portable, on se dit que l’auteur vaut vraiment la peine d’être lu, tant sur le fond que sur la forme, pour son écriture séditieuse, rageuse, sa liberté licencieuse exigeante, d’une intensité pas à la portée du premier pseudo rebelle ou autoproclamé révolté authentique venu. Car c’est un art subtil que de savoir « ingurgiter le maléfice familier qui nous entoure […] en être dissous de l’intérieur […] le vomir sous une forme ou sous une autre. »

Il n’est pas certain que tous ceux qui voient en lui un prophète, un maître es déstabilisation sociale, saisissent les conséquences de la phrase : « le relativisme nous enterrera tous ». L’incompréhension alliée à l’engouement adhésif, au suivisme fasciné n’est sans doute pas plus enviable pour lui que celle due aux préjugés de la « normalité », tant sont variées les manières d’être mal compris.
Sans doute C. Siébert mérite-t-il mieux qu’une reconnaissance confidentielle, mais vu l’étroitesse, la rigueur de sa position, sa retorse complexité, et son habillage intempestif, s’il s’en tient là, on a quelque doute sur l’efficience d’une diffusion plus large.
Poésie portable, c’est une « philosophie à coup de marteau », un point de vue jusqu’au boutiste immunisant contre la bêtise de tous bords, voie mordante et piquante qui n’est pas celle de la facilité et par laquelle il est sûr en l’ayant empruntée de s’être exposé aux foudres et gémonies d’une part, à des interprétations approximatives et partielles de l’autre.

Derrière l’extrémisme de sa posture, il sait laisser adroitement sourdre sa sensibilité d’écorché vif, tout en gravissant les sommets escarpés de « la glace » ou de « la lave » : son présent est « un haut fourneau dans le désert glacé » qui ne connaît que « l’obsession à cœur perdu et sans souci des conséquences ».
Notons, remarque précieuse entre toutes, qu’il n’est pas non plus dupe du « langage, un abus » (89).

Un brûlot superlativement âpre, dont la lecture aguerrit pour autant qu’on accepte d’être bousculé « d’un coup de poing sur la tête » et qu’on en perçoive les ressorts salvateurs. Merci pour la mise à l’épreuve.

« Toutes les manières de voir sont bonnes pourvu qu’on en revienne. » Nicolas Bouvier
« Un poème est une question posée aux autres façons d’être au monde. » Philippe Jaccottet

(Photo : Mathias Richard)

***

Une chronique de La place du mort par Yannick Blay pour Prémonition.fr :

Christophe Siébert, originaire de Millau, écrit beaucoup, mais de manière assez confidentielle. Après quelques pornos pour l'éditeur La Musardine dans la collection "Les Érotiques d'Esparbec" et un premier roman, "J'ai peur", paru dans la collection plus grand format du même éditeur, Siébert se voit publié aujourd’hui chez Camion Noir. Ce nouvel ouvrage intitulé "La Place du Mort, série Z existentielle" met en scène un jeune couple de narrateurs anti-héros aussi marginaux qu’immoraux et totalement dévorés par les liens étroits unissant Éros et Thanatos. Ceux qui n’ont pas la même vision laide et pesante de l’univers, du sens ou des choses de la vie sont tous à leurs yeux des morts-vivants et ne méritent que mépris et, accessoirement, annihilation.
À un rythme soutenu, "à tout berzingue", pour reprendre l’expression favorite de Siébert, ce roman (à ne pas confondre avec l'ouvrage du même titre, "La Place du mort", de Pascal Garnier paru l’an passé chez Points) étale donc avec une certaine complaisance les états d’âme, les obsessions et les actes violents et morbides de ces êtres à la dérive. L’auteur ne semble préoccupé que par les toxicomanes, les tarés et les cas sociaux et va parfois très loin dans la démesure sordide et brutale, presque à l’image d’un Peter Sotos ou du premier roman de la chanteuse no wave Lydia Lunch. Mais on pense aussi à "Crash" de Ballard, qui serait réécrit pour le coup par une Virginie Despentes vitupérante et sous speed, écoutant en boucle Noir les horreurs des Bérus, tant la vitesse automobile, les collisions de toutes sortes, l’obscène et le scandaleux hantent cette prose morbide et indubitablement pornographique. Malheureusement, contrairement à l’auteur anglais de "Super Cannes", l’excès et la répétition quasi systématique des scènes érotico-sordides semblent parfois un tantinet gratuites. La rébellion et la soif de vivre, libre et à tombeau ouvert, de l’héroïne s’avèrent parfois aussi destructrices que vaines, voire misérables, notamment lorsqu’elle abandonne son enfant à sa mère alcoolique. De plus, on perd parfois un peu le fil de l’histoire, surtout lorsqu’on change de narrateur et donc de focale, de temps (avec de nombreux flashs-back), ou de lieu, de manière un peu abrupte et impromptue. Cependant, on reconnaîtra à Siébert un style original et hanté ("Ça m’a fait dans le ventre comme un chasse-neige à travers la montagne" ou encore "Nous nous sommes regardés, les yeux allumés, crépitant d’une vie malicieuse et tarée, un sourire de murène en travers de nos gueules") et une facilité déconcertante à se mettre dans la peau d’une harpie vira-goth toute en déviance rock’n’rollienne, totalement désinhibée et profondément scandaleuse. Le lecteur risque bien d’être tiraillé entre attraction et répulsion pour ces êtres parfois par trop extrêmes et dénués de tabous pour le commun des mortels. À découvrir malgré tout, ou justement pour toutes ces raisons, du moins si vous n’avez pas peur des sensations fortes et du sexe sale et purulent où cyprine, sperme et sang giclent de concert dans un monde où l’échec est permanent.

Yannick Blay

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Bonjour à tous,

Quelques précisions sur les prochains Rituels drone :

LE RITUEL DRONE NUMÉRO 6 se déroulera le 29 octobre à la Galerie E-Carré, à Bruxelles, dans le cadre du finissage de l'exposition « Entrailles, détails, bétails » ; au programme aussi ce soir-là : Transient & eerie (expérimental et atmosphérique) et Echos dans la nuit (live mix + textes).

Infos diverses (horaires, localisation, etc.) : http://galerie-e2.org/finissage-entrailles-details/

LE RITUEL DRONE NUMÉRO 7 se déroulera le 31 octobre à côté d'Amiens, dans le cadre d'une soirée consacrée à Samonios, le nouvel-an celte ; au programme aussi ce soir-là : Ö'b3Ron (drone ambient) et Les morts vont bien (formidable duo apocalyptique indus rituel génial).

C'est une soirée privée sur invitation uniquement, mais ceux qui ne voudraient pas rater ça (et, putain, je les comprends) peuvent m'écrire à konsstrukt@hotmail.com et je verrai ce que je peux faire)

LE RITUEL DRONE NUMÉRO 8 se déroulera le premier novembre à Lille, dans le cadre d'une soirée privée organisée par Nuit et brouillard et le B.A.R #2 ; au programme : rien que ma gueule, et même s'il y a trop de monde, vu que c'est dans un petit lieu, on remet ça le lendemain.

Réservation (obligatoire, gadjo !) et infos : contact@nuitetbrouillard.com

LE RITUEL DRONE NUMÉRO 9 se déroulera le 4 novembre à la Fermatozoïde, au Theil-de-Bretagne (à côté de Rennes), dans le cadre des joyeuses soirées organisées là-bas ; avec aussi au programme CHROMB ! (quatuor de musique de chambre capitonnée à destination des adultes émotifs et des enfants sauvages, avec une prise au bout pour le brancher à l'électricité ).

Infos diverses (horaires, localisation, etc.) : https://www.facebook.com/events/699360450148252/?ref=51&source=1

LE RITUEL DRONE NUMÉRO 10 se déroulera le 10 novembre à la galerie de la Coifferie à Clermont-Ferrand, dans le cadre de la fin du monde qui est pour tes oreilles ; et au programme aussi ce soir-là : Petass (apocalyptic dance, one-man-band d'un des membres de Merde Fantôme), Cavophone (deviens sourd et soit heureux), Orchestre national de quatre pistes (des bouchons d'oreille et du sang), Récré A2 (ninendo-core et antidote).

Infos diverses (horaire, localisation, etc.) : https://www.facebook.com/events/554311784670287/?fref=ts

Transient & eerie : http://www.deezer.com/album/8510957
Ö'b3Ron : https://www.youtube.com/watch?v=-qh9XXzXmvE
Les morts vont bien : https://www.youtube.com/watch?v=Q7_BRLl4V3o
CHROMB ! : https://www.youtube.com/watch?v=o2BMlcnICn4
Petass : https://www.youtube.com/watch?v=rcx6TrCc5mM
Orchestre national de quatre pistes : https://www.youtube.com/watch?v=QskBhBJqt1c
Récré A2 : https://www.youtube.com/watch?v=d_0b67-YXZ0&list=PL64CEBEB59A36C841
Christophe Siébert : http://konsstrukt.wix.com/christophe-siebert#!video/c1pz

Et au plaisir de vous voir à l'un de ces événements !

Bisous,
Christophe

8
Le cerveau / actualités d'octobre de christophe siébert
« le: octobre 15, 2014, 13:18:39 pm »
Bonjour à tous.

Comme vous le savez sans doute déjà, je n'ai pas eu le prix Sade. Alain Guiraudie l'a obtenu au finish pour un bouquin qui manifestement le mérite (je ne l'ai pas lu, mais ce que je connais de son cinéma me met en confiance) ; quant à moi, il semblerait que ça ne s'est pas joué à beaucoup. Une prochaine fois peut-être ? Espérons.

En parlant du prix Sade : Nuit noire, qui était sorti en 2011 chez Rivière Blanche et avait été sélectionné l'année suivante pour ce même prix, est réédité ces jours-ci chez Trash Éditions, dans une version plus proche du manuscrit original, voici ce qu'en dit l'éditeur :

« Prolétaire de la littérature depuis 2007 et écrivain de séries Z existentielles depuis 1998, Christophe Siébert est un auteur prolifique, auteur de nombreux romans, nouvelles, poèmes. Il est également le fondateur de la revue konsstrukt.
Il vient de publier La place du mort au Camion Noir.
Chez TRASH, nous sommes tombés amoureux de son roman édité chez Rivière Blanche, intitulé Nuit Noire.
Nous proposerons donc une nouvelle édition de ce roman, corrigée par l'auteur à cette occasion.
Un texte sans concession, sombre, oppressant, glauque au possible qu'il nous tarde de vous faire (re)découvrir ! »

Et aussi :

« Nuit Noire, ou le bouquin le plus violent, le plus malade et le plus extrême de Christophe.
Nuit Noire, qui avait été refusé partout jusqu'à ce que Philippe Ward accepte de l'éditer chez Rivière Blanche en octobre 2011. Nuit Noire, qui a failli avoir le prix de Sade en 2012.
Et qui ressort chez nous, donc. Alors pourquoi cette réédition ? Eh bien tout simplement parce que nous avons estimé qu'un roman aussi puissant méritait une deuxième vie, et parce qu'il a parfaitement sa place dans notre catalogue. Et parce que cette ressortie va nous permettre de vous présenter un vrai "director's cut". Car le texte, même s'il a été conservé "dans son jus" et ne comportera donc aucune différence perceptible, a été soigneusement relu, revu et corrigé.
En outre, il a été amputé de toute l'histoire additionnelle commandée par Rivière Blanche pour satisfaire au calibrage maison. Nous n'avons gardé que le récit principal en trois parties: le nerf, les muscles et les os. Cette version sera par conséquent définitive, car elle est celle voulue par l'auteur. Que nous accueillons donc parmi nous avec une joie non dissimulée.
Nuit Noire, après avoir été le 33ème livre de la collection "Noire" de Rivière Blanche, portera dès le mois de novembre le numéro 11 de la collection TRASH. Qu'on se le dise, Guillaume Lévy et Marc Musso ne sont pas les seuls à voir leurs bouquins ressortir au format poche. »

Ce sera donc début novembre, et avec une préface, s'il vous plaît, d'Emmanuel Pierrat (avocat, éditeur, président du jury du prix Sade, spécialiste de la censure et de la littérature déviante, etc.) !

Toutes les infos bientôt ici : http://trasheditions.blogspot.fr/

MES PROCHAINES DATES :

18 octobre : rituel drone numéro 4 à l'Asile 404 à Marseille (135 rue d'Aubagne), dans le cadre de l'exposition Espace entre, ouverture des portes 20h, prix libre mais nécessaire, toutes les infos ici : http://asile404.org/espace/

21 octobre : rituel drone numéro 5 à Manifesten à Marseille (59 rue Thiers), ouverture des portes à 20h, prix libre mes nécessaire.

29 octobre : rituel drone numéro 6 à la Galerie E-carré à Bruxelles (5 rue des Ursulines), renseignements complémentaires à suivre.

31 octobre : rituel drone numéro 7 à Amiens, renseignements complémentaires à suivre.

01 novembre : rituel drone numéro 8 à Lille, renseignements complémentaires à suivre.

En novembre : je serai présent à la ZAL 2014 (à ce propos, un petit reportage ici sur l'édition 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=BYoKvi5rME0), et il y aura des rituels drone à Montpellier, Toulouse, Clermont-Ferrand et Saint-Étienne – restez attentifs !

A propos du rituel drone, je voudrais, une nouvelle fois, attirer votre attention sur Aurore *U*, qui depuis la tournée Porcherie crée et fabrique mes masques, et qui pour le rituel drone a également conçu mon costume. Son travail est très original, de qualité, solide, adapté aux conditions du travail sur scène ; Aurore *U* a cette qualité rare de comprendre les significations et les enjeux de votre projet sans avoir besoin de discuter quinze ans avec vous, et de réussir à traduire ça en un masque qui, à la fois est parfaitement dans le sujet et à la fois évite tout caractère littéral ou bêtement illustratif ; si vous êtes musicien, théâtreux, cinéaste, vidéaste, performeur, etc., je vous encourage vivement à aller jeter un œil à ses sites. Considérant toutes les qualités que je viens d'énumérer, les tarifs d'Aurore *U* sont tout à fait abordables.

Voici ses divers sites :

Masques et créations textiles : http://auroreu.wix.com/pantyhose
Photos et dessins : https://www.flickr.com/photos/aurore-u
Sous le nom d'Archilux : http://archi-lux.tumblr.com/
Sa page Facebook : https://www.facebook.com/aurore.bela?fref=hovercard

UN PEU D'AUDIO :

J'ai composé, pour une compil à paraître bientôt, une chanson-drone d'une dizaine de minutes ; je suis en train de travailler, pour une sortie future chez NKS International Muzakillabel, à une chanson-drone d'environ 45mn. Pour vous donner une petite idée d'à quoi ça pourrait ressembler, voici quelques morceaux plus anciens :

Un extrait de la tournée 2013 (avec Horse gives birth to fly) : http://christophesibertcolletifkonsstrukt.bandcamp.com/album/horse-gives-birth-to-porcherie-portable

Et cet album, qui était sorti en même temps que Porcherie, et qui contient deux titres : Abstinence (lecture + drone du texte du même nom), et Ghost in the monotron (instrumental) : http://christophesibertcolletifkonsstrukt.bandcamp.com/album/porcherie

Bonne écoute !

Et comme ça fait longtemps que je n'ai pas mis en ligne de nouveaux poèmes, en voici une demi-douzaine, pour conclure cette lettre :

58

J'ai le privilège
Immense
De me
Lever chaque matin à l'heure que je veux
Et vous
Êtes-vous
Une mouche
Forçant
Forçant
Pour s'a
Rracher
De la
Sonnerie
Mais c'est peine perdue toujours elle vous dévore ?

*

59

Ève Ruggieri
A des nichons
Délicieusement
Sixties

*

60

Lire la presse
Lire les magazines
Écouter la radio
Regarder la télé
C'est peu à peu se rendre à l'évidence que le monde, les gens, n'existent pas, n'ont jamais existé, que tout est séparé
Restent les romans

*

61

Mon fantasme numéro 1, en tant que fraudeur permanent de la SNCF, ce serait de tomber sur un contrôleur qui connaisse mes livres. Au moment de rédiger le PV, avec son petit stylet et sa petite machine, il lit ma carte d'identité, il voit mon nom et me demande : mais vous êtes ?..., et moi je réponds oui, alors il continue : je peux vous demander ?..., et moi je réponds bien sûr, et je signe deux fois, une fois le PV et une fois le bouquin qu'il me tend, qu'il a toujours sur lui, qui a changé sa vie.
Si un tel truc m'arrivait, est-ce que je banderais ?

*

62

Le jour où tu baisses les bras
Le jour où tu deviens
Un artiste local

*

63

Cette idée bien française
Cette idée bien crasseuse
Qui dit que l'uniforme engendre l'harmonie
Cette idée bien française
Ce dix-neuvième siècle
Qui toujours se demande si chaque citoyen a bien rangé sa chambre
Ce dix-neuvième siècle bien dégagé derrière les oreilles
Et qui dure, et qui dure
Qui dure

*

64

A la Gare de Lyon en grève deux adultes qui courent pour attraper leur train et un enfant qui court pour sauter dans les bras de son papa.

*

65

Ça existe pas
Les conséquences
C'est un truc inventé pour faire peur aux gens
Pour les éduquer
Ça existe pas
Les conséquences
Foutez-vous ça
Dans le crâne

*

66

Quand je baise
Je ne suis jamais complètement
A l'aise

MERCI A TOUS ET A BIENTÔT,
Christophe Siébert

P.S. : mon correcteur orthographique ne connaître pas le mot « birth ». Il me propose « biroute » à la place, ce qui, au fond, n'est pas dénué d'une certaine logique.

9
Le cerveau / newsletter 20 septembre
« le: septembre 20, 2014, 13:44:01 pm »
NEWSLETTER 20 SEPTEMBRE

C'est l'automne. Invoquez la pluie et écoutez en boucle Automn Equinox, de Coil, ne lisez pas Le Livre Des Violences de William T. Vollmann, un ramassis de platitudes écrites dans un style inspiré par les voix-off des reportages de la télévision, préférez Kant et Dostoievski.

Bonjour à tous.

Beaucoup de camarades-collègues cité-e-s dans cette lettre. Eventuellement ça pourra vous faire chier, ces longues tartines de name-dropping. Mais je vous conseille plutôt, et vivement, d'aller creuser tout ce qu'il y a derrière chacun de ces patronymes.

Avant d'arriver au vif du sujet, une anecdote. En général, je raconte pas trop ma vie dans ces lettres, mais là, il se trouve que j'ai assisté à un concert qui, à sa négative manière, tombait exactement dans les préoccupations qui animent en ce moment mon travail. Il y a quelques jours, donc, on m'a invité à aller voir Psychic TV qui se produisait à Bruxelles. Alléché par la perspective de me remplir de quatre litres de bière Belge pour le prix d'un pinte de pisse à Paris, et aussi pour voir à quoi ressemble quarante ans après une légende de la musique que j'aime, j'ai accepté.

Bon, alors, déjà, la légende ressemble à ma mère. Physiquement, je veux dire. Genesis P-Orridge a un incroyable visage, luisant et épaté, qui me rappelle l'abus d'alcool et de fond de teint de ma mère – le regard fixe d'insecte, aussi.

Quelques réflexion en vrac, suscitées par ce concert : voilà un type content. Voilà un type heureux de se tatouer, droguer, piercer, voilà un type heureux de se transformer en femme, heureux d'accomplir ça comme de joyeuses transgressions, heureux de vivre dans un monde qui fait de ces actes des transgressions, voilà un type heureux, qui ne veut rien changer, rien bousiller, juste creuser son trou, juste être heureux à être sur scène et à être Genesis P-Orridge, voilà un type heureux, qui ne se dit jamais qu'un monde lui permettant d'être à la fois Genesis P-Orridge ET un type subversif est pourri par nature et qu'il y a autre chose à faire sur scène que manifester la joie de s'y trouver, voilà un type heureux. Voilà un type qui monte sur scène pour donner un exemple. Voilà un type qui montre, à des gens qui vivent une vie leur rendant possible de venir à ses concerts et de le prendre en photo avec un appareil coûtant trois cent euros, la joie d'être un cassos riche et adulé, voilà un type épanoui. P-Orridge fait tout son possible pour montrer qu'être travesti, transgenre, sexuellement ambigü, c'est vachement épanouissant et rigolo, que c'est l'avenir de l'espèce. Mais ça fait combien d'année qu'il ne s'est pas fait casser la gueule par des connards ? Ca fait combien d'années qu'il vit dans un cocon de confort absolument hermétique, pour avoir des idées pareilles ? P-Orridge, c'est le réprouvé qui a réussi, et qui monte sur scène pour dire à des gens parfaitement intégrés à quel point c'est cool d'être un réprouvé. Durant tout ce putain de concert, je n'avais qu'une envie, c'est de lui jeter à la tête tous mes bouquins de Guy Debord. Je vais donc continuer à faire ce que j'ai toujours fait : écrire des livres qui rappellent à aux cassos que oui, leur vie est merdique, non, ça va pas aller en s'améliorant, peut-être, le bonheur est néanmoins possible. Je ne vais jamais dire aux femmes que c'est chic d'être une femme, aux pédés que c'est chic d'être pédé, je ne vais jamais dire aux travelos que dans ce monde, dans cette fin du monde tiède et confortable comme une marée noire, c'est chouette d'être un type qui se fringue en femme, que tout va bien, qu'il n'y a pas de problème, je ne vais jamais dire aux junks qu'au fond tout va bien et qu'entre les gens et eux le malentendu n'est pas si profond que ça.

Bon, ça suffit avec les Guns And Roses de la musique industrielle, il y a des choses plus intéressantes, des revues, notamment. Il y en a cinq qui viennent de paraître, et dont je voudrais vous causer un peu plus amplement que la dernière fois.

La revue Squeeze numéro 9, numérique, gratos, a pour thème cette fois-ci « tout doit disparaître ».

Au sommaire : Perrin Langda, Marlène Tissot, Xavier Bonnin, Mireille Disdero, Philippe Sarr, Joëlle Petillot, Valérie Benghezal, Barbara Albeck, Olivier G. Milo, Arthur-Louis Cingualte, Patrick Gomez Ruiz, Jean Azarel, Thierry Radière, Daphné Dolphens et moi-même, avec un extrait de La place du mort.

Extrait de l'édito : « Tout doit disparaître : 16 textes courts, 16 promenades à travers les fumées et les cendres, 16 univers éclectiques sur un même thème, de la p’tite poésie à l’uchronie délabrée, 16 propositions pleines de substances et remplies de néant. »

Et pour la télécharger : http://revuesqueeze.com/actualites/revue-squeeze-n9/

La revue Journal De Mes Paysages numéro 1, papier, 6 euros, A5, 58 pages couleur et noir et blanc.

Au sommaire : Catherine Barsies, Barbara Albeck, Pierre Saunier, Laure Giroir, Benjamin Girard, Martin Wable, Emilie Burgos, Florence Helmbacher, Antoine Erre, Antonin Veyrac, Isabelle Herbert, Coralie Bourgeois, Walter Ruhlmann, Kenny Ozier-Lafontaine, Florian Thomas, Catrine Godin, Michel Conrad, Sean Helmn, Marlène Tissot, Casimir Kubiak, Marine Leleu, Mathieu Lefranc, Louise Mézel et moi-même avec un texte inédit tiré de la série [écrire jusqu'à crever un texte par jour], qui doit paraître, sous un titre moins débile mais qui reste encore à trouver, chez Gros Textes au début de l'année prochaine.

Pour se la procurer : écrire à journaldemespaysages@gmail.com

La superbe Revue Métèque, numéro 1, papier, 17 euros, A4, 88 pages couleur, a pour thème cette fois-ci : amour, sexe et j'en passe ».

Au sommaire : Nicolas Albert G., Tunguska, Claire Von Corda, Sophie Lampole, Brice Hazziza, Azylis, Jean-Pierre Théolier, Marianne Mary Kaufmann, Thomas Vinau, Stéphane Bernard, Jean-Noël Gabilan, Geneviève Paclerc, Blanche Dubois, Eve Zybeline, Mike Kasprazak, Marc Brunier-Mestas, Jean-François Dalle, Toshihiro Okada, Al Denton, Justin Aerni, Heptanes Fraxio, Roger Guetta, Antonella Porcelluzzi, Anne van der Linden, Blanche Dubois, Matteo Varsi, Isabelle Bonat-Luciani, Gilles Sebhan, John Perivolaris, Marlène Tissot, Teddy Harvest, Nadine Janssens, Thomas Heuer, Vincent Descotils, Francesca Aquaviva et moi-même, avec une nouvelle inédite intitulée « A mon enterrement j'aimerais qu'il fasse beau », mais dont on s'est rendus compte un peu trop tard qu'elle aurait mieux fait de s'appeler « Huit secondes », tant pis.

Extrait de l'édito : « Quand j’ai proposé aux auteurs le thème de l’amour, l’un d’entre eux m’a répondu, assez finement : « Moi, les histoires d’amour, j’y connais keud ». Comme elle le méritait, j’ai salué sa phrase, souri d’une oreille à l’autre – vous connaissez ma jovialité.
Au moment où j’écris l’édito, cette phrase me revient, insistante: L’amour, on y connait keud.
Pourtant tous, nous avons vécu des histoires, dans un état plus ou moins somnambulique. Nous pouvons en faire le bout-à-bout maladroit – un plan suivant l’autre -, constituer un film brouillon, brouillé,. Mais qui a la force ou le don d’en extraire la quintessence ? »

Pour se la procurer : http://www.revuemeteque.com/catalogue/revue-meteque-n1-2/

La revue Short Stories numéro 9, numérique, 3 euros 99.

Au sommaire : Marlène Tissot, Roland Goeller, Lordius, Christophe Petit, Eric Lysoe, M. Chick, Isabelle Montocchio, Philippe Di Maria, Thierry Radière, Yann Ricordel-Healy, Brice Hazziza et moi-même, avec une nouvelle intitulée « La première fois que j'ai tué mon père », pas inédite mais qui était indisponible depuis un certain temps.

Pour se la procurer :
http://www.short-stories-etc.com/numeros/septembre/

La revue Ce Qui Reste, enfin, en ligne, gratos, sans sommaire puisque alimentée en permanence, mais avec une liste d'auteurs déjà longue comme le bras, à voir ici : http://www.cequireste.fr/?page_id=2461, et où je serai régulièrement publié.

Les prochaines occasions de me voir sur scène :

Le 24 septembre au thé des écrivains à Paris, pour la sortie de la Revue Métèque. Rituel drone centré sur l'amour, qui durera 20 minutes. Entrée gratuite, ouverture des portes à 19h30, infos ici :
http://www.thedesecrivains.com/fr/agenda/view/138/la-revue-meteque-fete-son-lancement

Le 9 octobre à l'Aubergerie à Châteauroux les Alpes, dans le cadre du festival annuel organisé par Rions de Soleil (la structure qui chapeaute les éditions Gros Textes, qui publient ma poésie). Rituel drone centré sur Poésie Portable et sur mon prochain texte à paraître chez Gros Textes, qui durera 30 minutes. Entrée gratuite, ouverture des portes à 19h, infos ici :
https://sites.google.com/site/lesrionsdesoleil/comedia/jeudi-9-octobre

Le 11 octobre à la librairie à la librairie Les cahiers de Colette, à Paris, pour la remise du prix de Sade. Bon, là, je ne ferai rien d'autre que recevoir, ou ne pas recevoir, le prix, mais vous pouvez toujours venir me faire des bisous félicitatoires, des câlins consolatoires, voire me payer des coups, euh, à boire. Entrée gratuite, à partir de 20h, infos bientôt ici :
http://www.lescahiersdecolette.com/f/index.php

D'autres rituels drones sont à venir (Marseille, Bruxelles, Lille, Clermont-Ferrand, Toulouse, Montpellier), mais nous aurons bien le temps d'en reparler.

A propos de rituel drone : il ne vous aura pas échappé que depuis quelques temps, sur scène, je me produis masqué – et bientôt, costumé. Ces masques – et ce futur costume – sont l'oeuvre d'une artiste aux projets nombreux, au travail d'une grande exigence formelle aussi bien qu'intellectuelle, qui signe notamment Aurore *U*, et dont je vous recommande chaudement de visiter le site (et ensuite, vous pouvez aussi enquêter dans la forêt de ses autres pseudonymes et découvrir tout le superbe reste de son foisonnant travail) :
http://auroreu.wix.com/pantyhose

Voilà. Beaucoup de devoirs pour vous ce mois-ci, avec toutes ces belles choses à lire, visiter, regarder, explorer, mais c'est normal, c'est la rentrée.


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Le cerveau / actualités septembre 2014
« le: septembre 05, 2014, 14:58:56 pm »
« J'ai consulté votre livre en ligne. Si je trouve votre style intéressant, il ne correspond pas au public de mon magasin. Je ne prendrais pas malheureusement votre livre pour une dédicace. Je vous souhaite une bonne continuation. »

Ca, c'est ce que me répondent les libraires, faute incluse, quand je prends contact avec eux. Enfin, ceux qui font l'effort de me répondre, je veux dire.

Bonjour à tous.

Deux nouvelles chroniques de La Place Du Mort, dont je suis très heureux : l'une de Mäx Lachaud, pour Obsküre Magazine ; l'autre de Artikel Unbekannt, pour le fanzine La Tête En Noir :


À tombeau ouvert : La place du mort, de Christophe Siébert.
 
Christophe Siébert, « prolétaire de la littérature depuis 2007 », présente La place du mort, son dernier livre, paru en mai dernier chez l’excellent éditeur Camion Noir, comme « une série Z existentielle ». Mais c’est aussi un roman noir. Et un sacré morceau de roman noir. Brutal, féroce, radical, impétueux, mais aussi rempli jusqu’à la gueule d’une infinie tendresse et d’une vraie compassion. « Compassion » signifie « souffrir avec ». Or c’est vraiment de ça qu’il s’agit ici. La place du mort, c’est l’histoire d’une fuite en avant, et dès le prologue on sait que l’issue sera fatale.
Alors on souffre avec Blandine à mesure qu’on découvre son passé fracassé. Et on souffre encore plus quand on réalise que son présent est empreint d’une beauté si fragile qu’il ne peut offrir aucune perspective d’avenir. Oui, j’ai bien écrit « beauté fragile », tandis que certains ne verront là que violence extrême, pornographie déviante et nihilisme martelé. Comme si ces trois notions devaient nécessairement exclure la beauté. Comme si un portrait de femme devait nécessairement être peint en rose pastel. Comme si le féminisme avait pu s’imposer sans jamais s’être fait… violence.
Voilà pourquoi Blandine n’hésite pas à se servir de son corps comme d’une arme. C’est elle qui mène la danse, et qui impose son « Sex, drugs and Electronic Body Music ». Car elle écoute Front 242, et les amateurs – dont je suis – apprécieront la totale cohérence de ce choix. Les mots de Christophe Siébert, coupants et précis comme des rasoirs, épousent à merveille les BPM millimétrés et les samples crypto-politiques du quatuor belge. Et si cette formule énergique et froide constitue la bande-son idéale d’une odyssée tragique aux allures de danse macabre, c’est justement parce qu’elle trouve un personnage capable de faire corps avec elle. À musique « virile », femme forte.
« Les vrais durs ne dansent pas », écrivait Norman Mailer. Et pourtant Blandine danse. Et elle joue. Avec le feu, évidemment. Elle se brûle le bout des seins avec des cigarettes pour mieux se sentir vivante. Elle aime Sammy, qui s’est fait ramasser par les flics. Sammy qui comme elle en a vu – et senti – de dures. Elle ferait n’importe quoi pour le libérer. Vraiment n’importe quoi. Alors elle recontacte son frère, aventurier, ami et… amant. Leurs retrouvailles seront pour eux l’occasion de franchir toutes les limites. Au diable codes sociaux et autres normes morales. Au diable les artifices, et vive le feu. La liberté a un prix, et Blandine est prête à le payer comptant.
La place du mort, c’est ce qui pourrait ressortir d’une collision entre La balade sauvage, de Terrence Malick, et le documentaire consacré aux Sex Pistols L’obscénité et la fureur. Comme si Christophe Siébert avait réussi à organiser une impossible rencontre entre Virginie Despentes et le regretté Jean-Patrick Manchette. Comme s’il ne s’était pas contenté de prendre une part – active, forcément – à leur conversation, mais les avait accompagnés jusqu’au bout de la nuit dans une ultime virée furieuse.
Alors, engagé ou dégagé, La place du mort ? Les deux, mon capitaine. Et enragé, surtout. Enragé sans relâche, sans pitié et sans remords. Enragé comme l’était le terrible brûlot de Pierre Pelot, Le sourire des crabes (sorti en 1977, ça ne s’invente pas), à la trame assez similaire, auquel ce roman frénétique donne un écho strident pour mieux enfoncer le clou dans les paumes du lecteur crucifié. On vous a dit que les derniers Punks étaient morts ? On vous a menti. Il reste Christophe Siébert.
Artikel Unbekannt

Mes lectrices sont formidables. Voici l'une d'elles lisant quelques extraits de Poésie Portable à Berlin.
https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=yZ7SaOuEciA

Et voici ce que m'envoie une autre, par SMS : « la place du mort est un bouquin qui donne envie de baiser et de braquer des banques. »

Y a pas à dire, avec un lectorat pareil, qu'en ai-je à foutre des libraires qui se pincent le nez quand ils lisent mes trucs ? Franchement ?

Bon, j'arrête de me goberger, voici un peu d'infos sur les événements à venir :

Le Rituel Drone se poursuivra le 24 septembre (19h30, 16 rue des Minimes, Métro Chemin Vert) à Paris, pour fêter le numéro 1 de la Revue Métèque . Voici un lien vers l'événement Facebook :
https://www.facebook.com/events/720344128039491/?fref=ts

Et voici le flyer :



(A ce propos, je cherche une bonne âme pour m'héberger pour la nuit. Si vous avez un manoir dans le troisième à disposition des invités, une chambre d'ami ou simplement un bout de canapé, contactez-moi en privé.)

Il y a quelques autres dates prévues à Marseille, Lille, Bruxelles, Toulouse et dans les Alpes, tout ça entre mi-octobre et mi-novembre, je vous en reparlerai la prochaine fois.

Pour ceux que ça intéresse : j'ai de nouveau en stock certains de mes bouquins. Ceux qui aimeraient un exemplaire dédicacé de J'Ai Peur, Poésie Portable ou La Place Du Mort, peuvent me contacter par message privé.

Mes prochaines parutions : un texte inédit dans le numéro 1 de la Revue Métèque ; un texte tiré de Porcherie (mon recueil épuisé) dans le prochain numéro Short Story, la revue électronique de La Matière Noire ; des extraits de Poésie Portable dans le prochain numéro de Ce Qui Reste, une revue également électronique.

La Revue Métèque, dont ce sera le deuxième numéro (le numéro 0 avait paru il y a un peu plus de six mois, si je ne dis pas de bétise), est, du point de vue de l'auteur que je suis et du point de vue du lecteur que vous devriez être, la plus intéressante revue disponible. On y trouve tous les écrivains que j'aime (Marlène Tissot, Nicolas Albert G., Jacques Cauda et j'en passe), elle est belle : maquette travaillée, beau papier, etc., et, ce qui ne gâte rien, Jean-François Dalle, qui est derrière tout ça, réussit à être intransigeant et exigeant sans oublier de nous chouchouter. Bref, on s'y sent aussi bien que dans des rangers fourrées au chichilla. Tout ça pour le prix du dernier Djian, franchement, y a pas de quoi se plaindre.
http://www.revuemeteque.com/
(Le site ouvrira au public dans quelques jours)

Short Stories, c'est la revue des éditions La Matière Noire. La Matière Noire est un éditeur numérique qui aime la poésie et le roman noir et, surtout, qui aime son métier. Déjà, le nom de sa maison. La Matière Noire, pour qui a travaillé (ou tenté de le faire) avec Numériklivres, Edicool ou Emoticourt, ça file moins la honte. De plus, Victorien, l'éditeur, aime ses auteurs. Aimer ses auteurs, ça veut pas dire les accabler de louanges et partir en vacances, non, non. Aimer ses auteurs, je ne le répèterai jamais assez, et sans S à répèterai, je suis pas libraire, moi, je suis écrivain, je sais faire la différence entre un futur et un putain de conditionnel, aimer ses auteurs, disais-je, ça veut dire : faire tout son possible pour vendre leur putains de bouquins.
http://www.short-stories-etc.com/

Ce Qui Reste, je connais pas encore très bien. C'est une revue en ligne, en tout cas, et j'y ai quelques camarades qui y publient. Pour le peu que j'ai vu, c'est sobre, plutôt réussi, et l'ambiance a l'air plutôt intello-minimale, bref, c'est chouette, allez-y voir.
http://www.cequireste.fr/

Une brassée de nouveaux poèmes :

57
 
D'un côté de la rue la résidence avec le saule pleureur, les jeux pour enfants, les bancs, le gazon bien taillé qui supporte tout ça
 
Les merdes de chien
Invisibles
Les insectes
Qu'on ne voit pas
Les oiseaux
Qu'on n'entend pas
 
De l'autre les pavillons alignés comme des bidasses un jour de fête, les haies à angle droit, les jardins bien taillés et dedans les barbeucs placés au même endroit et le désordre identique des jouets laissés là par Théo, Manon, et compagnie
 
Les deux faces
Pour moi
Du même
Cauchemar
 
58
 
J'ai le privilège
Immense
De me lever chaque matin à l'heure que je veux
Et vous
Êtes-vous
Une mouche
Forçant
Forçant
Pour s'a
Rracher
De la sonnerie mais c'est peine perdue toujours elle vous dévore ?
 
59
 
Ève Ruggieri
A des nichons
Délicieusement
Sixties
 
60

Lire la presse
Lire les magazines
Écouter la radio
Regarder la télé
C'est peu à peu se rendre à l'évidence que le monde, les gens, n'existent pas, n'ont jamais existé
Que tout est séparé
Restent les romans
 
61

Mon fantasme numéro 1, en tant que fraudeur permanent de la SNCF, ce serait de tomber sur un contrôleur qui connaisse mes livres. Au moment de rédiger le PV, avec son petit stylet et sa petite machine, il lit ma carte d'identité, il voit mon nom et me demande : mais vous êtes ?..., et moi je réponds oui, alors il continue : je peux vous demander ?..., et moi je réponds bien sûr, et je signe deux fois, une fois le PV et une fois le bouquin qu'il me tend, qu'il a toujours sur lui, qui a changé sa vie.
Si un tel truc m'arrivait, est-ce que je banderais ?
 
62

Le jour où tu baisses les bras
Le jour où tu deviens
Un artiste local
 
63
 
Cette idée bien française
Cette idée bien crasseuse
Qui dit que l'uniforme engendre l'harmonie
Cette idée bien française
Ce dix-neuvième siècle
Qui toujours se demande si chaque citoyen a bien rangé sa chambre
Ce dix-neuvième siècle bien dégagé derrière les oreilles
Et qui dure, qui dure
Et qui dure

Et, si vous voulez aussi, un extrait (toujours pareil : non relu, non révisé, garanti 100% premier jet) d'un de mes manuscrits en cours de travail, Descente, voilà :

— Tu vois, ce que je ferais, c'est que m'occuperais en priorité des villages. Des petits magasins, des bus, des conneries comme ça. Des gares paumées, de tout ça. C'est pas compliqué. Un gros sac de sport, ça suffit, de nos jours. Pour contenir la bombe et le détonateur. Regarde comment ils font les Palestiniens. Un truc actionné à distance, avec ton téléphone portable. Sérieux, c'est facile à faire, ça coûte pas cher. Les pharmacies, aussi, tu imagines ? Et les salles d'attente des médecins. Avec tous les petits vieux. Les bureaux de postes. Les médiathèques. Tout. Tu peux tout faire péter si tu vois pas trop grand. Un bus scolaire, dans un village ou une petite ville, et boum ! Quarante merdeux qui partent en fumée. Bon bien sûr ce serait en mode attentat-suicide. Mais en étant finaud y a moyen de le faire aussi sans se faire sauter avec. Et après tu appelles Le Monde ou Libération et tu dis Al-Qaïda ceci, les Juifs cela, et le tour est joué. Tu les regardes s'agiter. Toi, t'es déjà dans un autre village, à cinq cent kilomètres de là, en train de préparer le prochain.
— Mais... Dans quel but, putain ?
— Je sais pas, moi. C'est marrant, non ? Ca fout le bordel, quoi. J'y pense souvent quand je prends le train, avec tous ces mômes, et tous ces vieux qui font chier...
— Ah ouais ?...
— Ouais. Pas toi ?
— Bin, non.
— T'as antisémite, toi ? Au fait ?
— Quoi ? Bien sûr que non, ça va pas ?
— Ah ouais ? Putain, je sais pas comment tu fais. Moi les youtres je peux pas. Enfin, c'est comme ça, hein, t'aimes les Juifs, chacun ses goûts, comme on dit. Quand même... Mais pourquoi tu les aimes ? Je veux dire, ils ont quoi qui te plaît ?
— Mais j'ai pas dit que je les aimais ! Enfin, je m'en fous, je suis pas raciste, quoi, c'est tout !
— Ah. Ouais. Pourquoi pas, remarque. T'aimes bien les youtres, les bicots et les nègres, et t'aimes bien les pédés aussi, j'imagine. T'es de gauche, quoi. De toute façon vous êtes tous de gauche, y a qu'à vous regarder cinq minutes pour le savoir.
— Tu veux pas qu'on parle d'autre chose ?
Celui qui veut faire sauter des bus et n'aime pas les Juifs, c'est Guy Georges. Depuis quelques semaines, on est en cavale. Avant ça, il s'était installé chez moi. En planque. Quelques jours.
Enfin, Guy Georges c'est pas son vrai nom. Son vrai nom c'est Yaya. Mais il se fait appeler Guy Georges parce qu'il trouve ça classe. Une fois il m'a raconté comme il a fait peur à un couple qui sortait d'une vigne et qui venait de baiser. Il m'a raconté qu'il se faisait passer pour un flic en civil et qu'il avait bien envie de casser la gueule au type et de violer la gonzesse. Fallait le voir raconter ça. Les yeux qui brillent et tout.
— Je marchais le long de la route, j'étais vers Avignon, dans les vignes, quoi. J'avais rien de mieux à foutre que marcher, la tire que j'avais fauchée avait plus d'essence, faut dire que j'étais descendu de paris, et je retournais à Avignon, quoi, en faisant du stop mais comme il faisait bon et que j'étais pas très loin, pourquoi pas marcher, hein ? Et là je les vois débarquer des vignes, directement sur la route, en se tenant par la main, le type avait un sourire jusqu'au oreilles et la fille les yeux qui brillent, enfin je te fais pas un dessin, je pouvais presque entendre le sperme lui couler sur les jambes à cette pute. Ils m'ont vu, un peu gênés et un peu rigolard, mais je me suis mis devant eux et moi je rigolais pas du tout, et vu le gabarit du type, ils avaient tous les deux vingt, vingt-deux ans, tu vois, le genre étudiant en lettres, leur sourire s'est direct effacé de leurs gueules. Vous faisiez quoi en bas ? j'ai dit. Ils se sont mis à bredouiller, hein, heu, rien, comment ça ; enfin, tu vois le genre, ils me prenaient pas au sérieux. Alors j'ai joué le grand jeu. Vous savez que c'est une propriété privée ? j'ai dit. Vous savez que vous n'avez pas le droit d'être dans cette vigne ? Alors je veux bien être sympa avec vous mais faut pas me prendre pour un con, OK ? Soit on s'arrage ici tranquillement, soit ce sera avec les collègues, au poste, et ce sera moins marrant. Tu aurais vu leurs gueules, putain ! Un régal ! Bin, euh, on... qu'ils me répondent. La fille, toute rouge, ne dit pas un mot. Vous faisiez des cochonneries ? Je dis. Le type me regarde bizarre et la fille de travers. Alors je hausse le ton. Le prenez pas comme ça ! que je dis. Le prenez pas comme ça ou ça va très mal se passer ! Attentat à la pudeur vous connaissez ? Et là je leur fais un regard vraiment méchant, et je leur fous enfin la trouille. Vous baisiez dans cette putain de vigne ? Je leur gueule ça à la face, je suis près d'eux à les toucher – et elle est putain de bandante, la salope, j'ai des tas d'idées qui me viennent en tête, tu imagines. J'ai mon couteau, aussi, et forcément, j'y pense. Mais finalement cette fois-là je fais rien, je les laisse partir. Je les suis du regard un moment et je pense à ce type, à mon pote gendarme, je t'en ai parlé de lui ? Un rabatteur. Pour des partouzes de la haute. Pour des films spéciaux. Un type marrant. On se connait, on se croise parfois. Rabatteur. C'est comme ça qu'il définit son activité. Gendarme, c'est plus ou moins une couverture, son fric il le gagne autrement – et c'est un sacré paquet de fric, hein, tu peux me croire. De l'oseille, de la vraie. J'aurais bien aimé faire ça, moi aussi, mais je suis pas assez fin, je crois, je suis trop bourrin. Et puis il faut obéir aux ordres et ça j'aime pas, j'ai jamais aimé, et il faut être discrêt, aussi, et ça me fait chier. Bref c'était pas un boulot pour moi, rabatteur, ce qui m'empêchait pas, quand j'avais besoin de fric, d'aller lui filer un coup de main. Des fois il avait besoin d'un type persuasif pour mettre les bonnes idées dans le crâne des gens, pour faire en sorte que tout le monde soit d'accord, tu piges ?
Il parlait comme ça pendant des heures et des heures, il était intarrissable, je n'écoutais que d'une oreille, ses salades ne me passionnaient pas tant que ça mais bon, quand un gros con comme lui a envie de raconter sa vie, c'est pas un mec bâti comme moi qui va lui dire de fermer sa gueule, ça, non. D'ailleurs, c'est pas moi qui l'avait invité chez moi, non, non, c'est lui qui avait décidé que ça serait mieux comme ça. Mieux pour lui, c'est à dire. Une fois il m'avait parlé de son idée de journal télévisé porno. Ca faisait presque quarante-huit heures que nous n'avions pas dormi, pas mangé, nous ne faisions rien d'autre qu'aller de temps en temps à la fenêtre surveiller que personne n'arrive, et, de temps en temps aussi, aller jeter un œil à la vieille, que nous avions ligotée et baillonnée sur son lit, dans sa chambre, histoire de voir qu'elle n'était pas morte. Nous n'avions plus rien à boire et même si le Frigo de la vieille débordait de victuailles, nous étions trop dans la merde pour nous soucier de bouffe. Il m'avait raconté sa vie dans tous les sens, en long et en large, et d'un coup il me demande : tu sais ce que je ferais, si j'avais une chaîne à moi ? Si j'avais ma propre chaîne de télé ? Moi : Non... Et lui qui enchaîne : si j'étais comme l'autre con, comme le rital de mes deux, là, Berlusconi, tu sais ce que je ferais pour que ça marche, pour que les gens soient tous scotchés devant ?
— Non...
— Un journal télévisé porno. Tu imagines le truc ?
Moi je n'avais pas compris. Je pensais qu'il voulait dire : un journal télévisé qui parlerait de l'actualité porno, ou un journal télévisé présenté par une star du porno, mais dans les deux cas ça existait déjà et je le lui ai fait remarquer – oui, des fois, tout de même, nous parlions. Il m'a regardé comme si j'étais le dernier des abrutis.
— Mais non, débile, pas ça. Un-vrai jour-nal por-no. Imagine. Tu as les deux présentateurs, un mec et une nana, ou même deux nanas, hein, peu importe. Le décor, c'est pas une salle de rédaction comme dans les autres JT, mais un salon de massage. D'accord. Et tu en as un qui masse l'autre. Les deux annoncent les titres, les reportages, font tout le truc comme il faut, sauf que voilà, ce sont deux porn-stars en train de se masser. Et au fur et à mesure du journal ça devient de plus en plus chaud, jusqu'à ce qu'ils baisent pour de bon. Ils s'interrompent juste pour annoncer le titre suivant. Tu piges ? Et pendant les reportages le son du studio est pas coupé. Tu sais, comme dans les bétisiers où on entend le mec qui présente se mettre à raler d'un coup ou réclamer un Coca alors qu'à l'image t'as un fait-divers ou l'enterrement de Machin-machine ? Sauf que là c'est pas un bétisier et qu'ils réclament rien : ils s'en foutent plein le cul et ils prennent leur pied. Et à la fin du journal, éjac. T'en penses quoi ? Ca ferait un carton, putain !
J'en pensais quoi ? Qu'est-ce que j'en pensais ?

Et pour finir, je compte sur vous pour croiser des tas de doigts le 10 septembre : en effet, c'est le jour où le jury du prix de Sade sélectionne les livres qui concourront cette année. La Place Du Mort est entre leurs mains, comme le fut Nuit Noire il y a deux ans, qui avait été sélectionné mais n'avait pas remporté le prix (c'est Angot qui l'avait eu, mais l'avait refusé, bref), et je serais bien joyeux s'il était sélectionné – et encore plus, soyons fous, s'il avait le prix.

A la prochaine,
Christophe Siébert.

11
Le cerveau / actualités août 2014, deuxième pelletée
« le: août 18, 2014, 14:43:39 pm »
Bonjour à tous.

Sur Internet, sur un forum, j'ai trouvé ça :

« Sous l'étain pas dans la boue un chien qui hume un tas qui geint l'obscurité glisse vers la terre grasse l'enchevêtrement brun des restes et glisse encore. Les sols gorgés exsudent les sucres de la pourriture pour des coquelicots frémissants en devenir sous la croûte. De là partent galeries conduits humides boyaux visqueux qui s'enfoncent toujours plus profond dans la germination. C'est ainsi qu'un organisme éclot tout en bouche, un filet de voix noyé à l'hélium. »

Bon. Ça me fait penser, moi, qu'il y a deux écoles, en littérature : ceux qui s'efforcent de trouver la forme la plus simple et la plus efficace pour faire passer des idées ou des émotions complexes, et ceux qui font l'inverse. Ceux-là on le retrouve souvent sur les forums de poésie. Quand j'ai débarqué sur Internet il y a quinze ans, me disant que ce serait un bon moyen de me faire connaître et de trouver des lecteurs – un meilleur moyen, en tout cas, que ce que je faisais à ce moment-là dans ce but, c'est à dire : rien, j'ai fait un petit tour de ce qui s'écrivait, se lisait, se commentait. Il y a une chose qui m'a frappé. Je me suis dit mais bordel, comment faire pour que tout le monde pige de suite que je ne fais pas partie des 95% de tarés qui écrivent de la merde et prennent Internet pour leur déversoir personnel, que je suis un véritable écrivain et pas un débile qui fantasme à l'être ? Ça peut paraître arrogant mais je savais qui j'étais. Je savais que j'étais un mauvais écrivain, c'est à dire un écrivain débutant, sans presque aucun moyen technique, sans discipline, sans que dalle, mais, merde, un écrivain quand même. Je savais que je n'écrivais pas, que je n'écrirais jamais, « sous l'étain pas dans la boue un chien qui hume un tas qui geint » ; je le savais. Et puis j'ai roulé ma bosse, bon. Maintenant je m'éloigne d'Internet. Mais je suis content de constater que depuis tout ce temps le niveau s'est un peu élevé. C'est à dire, les incapables le sont toujours et sont toujours là (il n'y a pas de miracle), mais la jeune génération est meilleure, même s'il n'y a pas souvent de quoi s'en relever la nuit. Bref. Et tandis que je méditais sur l'incroyable beauté de « l'obscurité [qui] glisse vers la terre grasse », j'ai reçu un mail. Vous verrez, il y a quelques phrases qui percutent aussi. Il faudrait, je pense, que quelqu'un tisse des liens théoriques entre la poésie expérimentale du dimanche et les spams automatiquement traduits. Il faudrait un universitaire un peu cinglé.
« Bonjour, Je suis tombé sur votre adresse e-mail lors d'une promenade dans mon temps libre sur internet et c'est là que j'ai décidé de vous contacter dans la mêlée pour vous parler de mon but, car il est dans le fer au feu devient acier et la trempe. C'est la douleur que l'homme est la révélation de sa force. Je souffre d'une maladie qui dégrade ma santé au quotidien et la médecine ne pouvait rien faire pour me sauver pendant trois ans. Conscient de ma décision, j'ai décidé de vous écrire pour vous avoir une affaire avec vous pour sauver les enfants atteints de maladies graves. Je veux mettre dans mon procession des fonds d'une valeur d'environ € 800 000 (cent mille Euros Hui) que j'ai gardé dans une banque parce qu'ils n'ont personne qui peut bénéficier de ma propriété. »

Sinon c'est la rentrée littéraire, bientôt. On parle déjà des premiers livres publiés par les nouveaux romanciers de cette année. Quelques éléments biographiques filtrent dans la presse : étudiante en philosophie ; éditeur ; journaliste ; auteur d'une thèse de philosophie ; ancienne libraire devenue journaliste ; éditorialiste des Inrocks ; étudiant à Normale-Sup. Woaw. Juste pour comparer, quelques éléments biographiques des crevards de La Grosse Revue : employée d'un laboratoire d'analyses ; guide touristique ; femme de ménage ; chômeur ; bénéficiaire de l'AAH ; travailleur social ; prof en mi-temps thérapeutique ; suicidé – bon, j'arrête là la liste, vous avez pigé l'idée.

Moi, je ne tire de tout ça aucune conclusion. Vraiment, aucune. A part que c'est toujours pas cette année que je vais camper devant la FNAC en attendant septembre.

Retour au travail au cours de cette quinzaine, même si elle a été un peu mouvementée. Mes divers manuscrits en cours sont en train, pour certains, de fusionner. Ça me donne l'impression d'un gros ragoût qui mijote, ou alors d'un monstre étrange qui absorbe des trucs et des machins. Le monstre, c'est Descente, et ceux qui se font tranquillement absorber, ce sont Rien à foutre et Zone d'ombre. Je l'avais pressenti il y a quelques semaines, et désormais c'est sûr et certain.

Voici un extrait de Rien à foutre, qui devrait finalement se retrouver dans Descente (c'est du premier jet absolument pas relu) :

CASSETTE 1 / FACE A

TEST

— Bon, raconte quelque chose, c'est juste pour vérifier la bande. Raconte ce que tu veux, on s'en fout.
— Tiens c'est drôle, il y a un truc qui me revient.
— Vas-y, raconte.
— C'est quand j'étais en foyer. C'était en pleine nuit. J'avais entendu du bruit dans les lavabos. Vous savez, c'était le genre de foyer où on pouvait circuler sans problème, j'avais les clés de ma piaule et tout, c'était des bâtiments isolés de la route, en périphérie de la ville, quatre ou cinq bâtiments d'habitations et un autre qui servait de réfectoire, cuisines et bureaux pour les éducs et tout ça.
— Oui...
— Et donc dans chaque bâtiment, une demi-douzaine de chambres individuelles et un local avec quelques douches et des chiottes, et c'est de là que vient le bruit, un bruit de baise j'avais l'impression – sauf que c'était pas mixte, le foyer, et de toute façon ça ressemblait davantage à deux mecs en train de baiser, plutôt qu'à un mec et une fille.
— Et tu as fait quoi ?
— Bin d'abord je suis resté un moment à écouter. Il devait être, je sais pas, deux ou trois heures du matin, quoi, c'était les vacances de Noël, et je pensais être le seul type encore dans le foyer, je pensais qu'ils étaient tous partis en vacances.
— C'est bon, ça enregistre.
— Ah ? Et je [...]

RECIT

— Vas-y, continue ton histoire, termine.
— Ça enregistre, là ?
— Oui.
— Vous êtes sûrs ?
— Oui, oui.
— Bon. J'y vais, alors.
— Nous t'écoutons.
— Au bout d'un moment, je me suis levé pour aller voir. Je me suis approché doucement, pour mater, quoi. Je voulais pas les interrompre ou quoi, et surtout pas me faire voir, juste me marrer un coup, enfin, voir, quoi. Pour une fois qu'il se passait quelque chose. Et moi à l'époque je n'avais pas baisé. Et puis ça me rappelait ce type dans la gare, enfin ça c'est une autre histoire.
— Quel type, quelle gare ?
— C'était avant que je sois au foyer. Vous voulez que je vous raconte tout dans l'ordre ?
— Oui, mais termine ton histoire d'abord. Donc, tu finis par te lever et tu te diriges vers les douches, c'est ça ?
— Oui, c'est ça.
— Continue, alors.
— D'accord.
— Donc me voilà en route vers les chiottes. Je n'allume pas dans le couloir, mais la lumière qui filtre des toilettes, plus une veilleuse qui est allumée en permanence, suffisent. Les bruits se font plus forts, plus intenses. Vu qu'il n'y a personne d'autre que moi dans les couloirs, je comprends que je suis seul, enfin, c'est à dire, seul avec eux, quoi. Je me mets à la serrure, à genoux, et je regarde. Et là, putain, ce que je vois, c'est Samir, un grand Arabe qui vit en principe dans le bâtiment voisin, avec un autre type, tous les deux sont à poil, l'autre type, que je ne connais pas, a la gueule en sang et c'est ça que j'entendais depuis la chambre : Samir qui explosait la tête du type contre les lavabos (il y a du sang partout, sur le sol, sur les miroirs, les robinets, partout) et qui l'enculait – de force, j'imagine.
— Tu as fait quoi ?
— J'ai ouvert la porte et je suis rentré.
— Pourquoi tu as fait ça ?
— J'en sais rien. Je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête. Je n'allais pas très bien à l'époque. Enfin, je ne suis jamais allé spécialement bien. Mais là, comment dire. Je n'allais vraiment pas bien. Je n'avais aucune ressource, aucune solution, rien. Je me contentais d'aller mal et c'est tout, quoi. Est-ce que je voulais que Samir me démonte la gueule comme à ce type ? Ou alors est-ce que je voulais qu'il m'encule, qu'il me viole ? Je ne peux pas vous le dire aujourd'hui, je n'en sais rien du tout. Je pense que j'avais juste la tête vide.
— Et tu es entré dans le local.
— Oui, j'y suis entré.
— Que s'est-il passé ?
— Rien. Enfin, rien de plus. Samir m'a vu. Il avait l'air calmé. Il a regardé le type qui ne bougeait pas, au sol, et puis moi, et il a dit : « Ho, c'est bon, j'ai tué personne, ça va. Moi je me casse, je vais dormir, salut. » Sauf que si, il était mort, le type.
— Mort ?
— Oui, mort. C'était la première fois que je voyais un homme mort, mais je peux vous dire que je n'ai pas hésité beaucoup. Mort, il l'était. Aucun risque de confondre. Je suis devenu livide, j'ai cru que j'allais me trouver mal. Je me suis dirigé vers un lavabo propre et je me suis aspergé d'eau.
— Et ensuite ?
— Ensuite j'ai téléphoné aux flics. C'était avant les portables. Il fallait descendre à la cabine téléphonique. Elle était à quatre ou cinq cent mètres, dans la cité voisine. Là-bas, les mecs n'aimaient pas trop ceux du foyer, il y avait souvent des embrouilles. Et moi je téléphonais jamais, je sortais jamais. Là, je priais pour que la cabine ne soit pas détruite et que je puisse appeler le 17 sans devoir mettre de pièce ou un carte, vu que je n'avais ni l'un ni l'autre. Et, bon, tout c'est bien passé. Les flics ont débarqué, ils ont embarqué Samir qui dormait dans son lit comme si de rien n'était, et on ne l'a plus revu. Personne ne m'a jamais posé de question, ni convoqué, ni rien.

Tout à l'heure je parlais de La Grosse Revue. J'ai fini, avec un retard énorme, par en boucler le sommaire. Entretemps, c'est à dire depuis la fin de la souscription, il y a eu quelques changements dans le projet. Au départ, tel que le voyais le truc, ça devait être une revue annuelle, au format A5, d'environ 700 pages, mélangeant poésie, nouvelle, roman, dessin – une sorte d'état des lieux annuel de la création telle qu'on ne la trouve pas à la FNAC ou chez les gros éditeurs, un moyen de leur faire honte, un tremplin, aussi, avec un peu de chance, pour tous mes auteurs, pour s'y retrouver, justement, à la FNAC, et chez les gros. Pour ça j'ai levé des fonds via une souscription sur KissKissBankBank, il me fallait 2000 euros, je les ai obtenus en décembre 2013. Et puis je me suis mis au boulot, l'idée étant de sortir la revue en août 2014, c'est à dire maintenant. Au fur et à mesure que le travail avançait, mes idées changeaient, considérablement. Pas sur le fond, pas du tout. En revanche, la forme a pris une série de claques. La première : ce ne sera pas une revue mais une anthologie. En effet : je ne veux plus refaire un boulot aussi titanesque, donc, il n'y aura pas de numéro 2 dans l'immédiat – peut-être dans quelques années, qui sait ? Du coup, partant de ce constat, je me suis dit, plutôt que de faire un machin A5 avec du papier moche, autrement dit une sorte de super-fanzine, pourquoi ne pas essayer de faire quelque chose de beau, de vraiment haut de gamme, qui claque, qui ait de la gueule ? Et j'ai commencé à réfléchir à ce que je voulais – ce que je voulais vraiment.
Un format carré de belle taille (21x21, par exemple).
Du beau papier.
Une couverture rigide.
Une reliure cousue.
Mille pages.
Mille exemplaires au lieu de cinq cent.
De l'offset au lieu d'une impression numérique.
Payer vraiment les auteurs au lieu de leur jeter une aumône.
Et... un changement de nom.
Au lieu de :
LA GROSSE REVUE,
ça va s'appeler, tout simplement :
LA GROSSE.
Et du coup les coûts se sont envolés. Au lieu de deux mille balles, ce qu'il me faut, désormais, c'est trente mille.
Voici la suite des opérations :
En 2015 je fais, avec les auteurs, tout le travail de correction des textes. Ça devrait prendre environ six mois. Dans le même temps, je m'occupe de la maquette, l'idée étant d'avoir, d'ici septembre 2015, un objet terminé, c'est à dire prêt à être imprimé, afin de le sortir en 2016.
La question c'est donc : où vas-tu trouver le fric, pauvre fou ? J'ai deux solutions à ça : la première, c'est de faire le tour des mécènes possibles en leur montrant sous forme de .pdf l'objet fini et en cherchant de leur part un financement désintéressé – c'est fort possible que ça marche, j'ai quelques noms en tête. La deuxième solution, c'est la vente de ma baraque. Elle est estimée à cinquante mille euros, vous voyez donc que nous sommes larges.
Dans tous les cas, nous en saurons un peu plus d'ici à la fin 2015.
Et d'ici là voici, pour vous faire saliver un peu, le sommaire, par ordre alphabétique :
AL DENTON
ALAIN MINIGHETTI
ALEX BTZ
ANNABELLE VERHAEGHE
ANTONELLA FIORI
AURORE *U*
BARBARA ALBECK
BENJAMIN MONTI
BORIS CRACK
CATHERINE URSIN
CHARLES PENNEQUIN
CHRISTOPHE ESNAULT
CHRISTOPHE SIEBERT
CLAIRE VON CORDA
CLAUDE MARION
COSMINE MARIANE
DAVE 2000
EMMANUEL STEINER
FLUPKE CITRON
FRED GEVART
GASPARD PITIOT
GILLES LAFFAY
HD MARINELLA
HENRI CLERC
IVAN ZEMPLENI
JACQUES CAUDA
JEAN-FRANCOIS DALLE
JEAN-MARC RENAULT
JEAN-MARC SIRE
LAURA VAZQUEZ
LAURE CHIARADIA
LILAS MALA
LORNS BOROWITZ
LOUIS CADIAS
LUCAS OTTIN
MARC BRUNIER-MESTAS
MARLENE TISSOT
MATHIAS RICHARD
MICCAM
MICHEL MEYER
NATYOT
NICOLAS ALBERT G.
NICOLAS BOUDIN
NICOLAS BRULEBOIS
NIKOLA AKILEUS
NILS BERTHO
OLIVIER BKZ
PASCAL BATARD
PAUL KRAWCZAK
PAUL SUNDERLAND
PERRIN LANGDA
PERRINE LE QUERREC
PIERRE GRIMAL
RAYMOND PENBLANC
REMI TEULIERE
RITA PEDRAM
ROMAIN GIORDAN
RONAN ROCHER
SAM ECTOPLASM
SENILE CELINE
SOOMIZ
THIERRY RADIERE
THOMAS VINAU
TINAM SADIQUE
WALTER VAN DER MANTZCHE
YANNICK DOUBIBOP
(C'est pas garanti exempt de fautes)
Je sais pas vous, mais moi je trouve ça foutrement impressionnant.
Rendez-vous donc en 2015 pour les premiers extraits !


12
Le cerveau / actu août 2014
« le: août 01, 2014, 11:10:30 am »
Ce matin en allant pisser un moucheron s'est échappé de mes couilles ; je crois qu'il a passé la nuit là, dans mes poils, bien au chaud.

Bonjour à tous,

Il n'y a pas énormément d'activité à recenser pour ces quinze derniers jours. La vie réelle, quotidienne je veux dire, a nettement pris le pas sur le travail.

J'ai lu, pour la deuxième fois en dix ans, un bouquin de Philip Roth. C'est beau, c'est ennuyeux, c'est très intelligent, ça suscite des interrogations profondes et un émerveillement pour cette écriture à la fois simple et travaillée, et une fois que c'est terminé on lorgne sur Jim Thompson comme quelqu'un qui a été marié pendant quinze ans, vient de divorcer, sort dans la rue et découvre que les jeans sont moulants et les culs très jolis.

J'ai beaucoup pris le train. Comme d'habitude, il en a résulté une flopée de réflexions sur les manuscrits en cours (Une demi-vie, notamment, devrait prendre de sévères beignes lorsque ce sera son tour que je m'occupe de lui – pour l'instant, je suis surtout sur Descente mais l'envie revient de m'occuper de Rien à foutre ; les autres sont tapis dans un coin de ma tête et mûrissent tranquillement) et un bon tas de poèmes. D'ailleurs, ce constat m'a donné envie d'appeler ce recueil Poésie ferroviaire, ou bien Poèmes ferroviaires, ou encore Poème des trains qui partent et qui arrivent. J'aime bien le premier, qui rappelle Poésie portable, mais malheureusement ne veut pas dire grand chose, le deuxième a une construction moins bancale mais le rythme c'est pas trop ça, et le troisième me plaît bien, en ce moment je crois que j'aime bien les titres longs (la nouvelle que j'ai donnée à Jean-François Dalle pour le prochain numéro de la Revue Métèque s'appelle A mon enterrement je veux qu'il fasse beau – ça doit être le titre le plus long de toute a carrière), mon son petit côté Catherine Pancol me gène...

Bref, une vingtaine de nouveaux poèmes dans mon téléphone, que je vais devoir mettre au propre ces jours-ci – oui, c'est pour ça que mon premier recueil, chez Gros Textes, s'appelle Poésie portable, parce que j'en ai noté la moitié dans mon téléphone, je ne suis pas le genre d'écrivain qui se promène les poches bourrées de moleskine et de Mont-blanc, et en attendant, en voici un dizaine :

45

Ya des copains qui te traitent de con
Etça te renvoie vingt-cinq ans derrière
L'époqueoù pour toi le seul moyen de dire
Ates amis combien tu les aimais
C'étaitpiquer leur bouquin de Français
Écriredes conneries dedans

46

Serrerles dents
Vomir
Quand même

47

Ce qui fait qu'on tombe amoureuxc'est pas la beauté, pas l'intelligence, pas le charme ou le sexe,pas du tout, c'est pas ça, ce qui fait qu'un livre est bon c'est pasle style, pas l'histoire, pas les personnage ou quoi que se soitd'autre, non, la seule chose qui nous attire en l'autre c'est la vie,un livre plaît s'il est vivant, un être humain, on l'aime s'il estvivant, et tous ces cons qui recherchent chez l'autre la beauté, oula jeunesse, ou la maturité, ou l'intelligence, ou la capacité àbaiser trois heures sans débander, ou la capacité à sucer la queueet avaler le sperme, mais c'est pas ça, non, c'est pas ça du tout,nous sommes des vampires, ce qui chez l'autre attire c'est la vie,nous sommes des vampires, la vie nous éblouit, la vie nous rendheureux, la vie, c'est de la vie dont nous sommes amoureux, cetteétincelle pas croyable qu'ils ne sont pas nombreux à posséder,cette étincelle qui ne dépend d'aucune qualité, d'aucune autrequalité, ce pouvoir intrinsèque, ce trésor fabuleux, et malheur àcelui dont la flamme est éteinte.

48

Et il y a bien pire que lespunks de trente ans, pire que les punks à chiens ;
Oui il y a bien pire que lespunks de trente ans, c'est les punks de quarante ;
Les punks de quarante ans, lespunks à CDI, à Plan Épargne Logement ;
Oui il y a bien pire que tousles punks à chiens, c'est les punks à poussettes, pire que lespunks à chien, c'est les punks à enfants.

49

Il y a des séparations qui sontcomme des arbres foudroyés, comme des maisons qui flambent et dontle toit s'effondre et tue les habitants, il y a des séparationspleines de fracas, il y a des séparations qui sont comme descatastrophes, et il y a des séparations qui sont comme une dent uséedont la racine, invisible dans la gencive, s'érode, s'érode, commeune dent usée qui bouge, se détache progressivement, finit par netenir qu'à un bout de racine, qui un jour se détache sans qu'onpuisse bien savoir pourquoi c'est aujourd'hui et pourquoi pas hier,et pourquoi pas demain.

50

Sur France-Inter ils croient
Les bienheureux connards
Que l'argot des ados
Verlan, mots inventés
Ça leur sert à parler
Sans que les parents pigent
Ce serait supposer
Espèces d'hypocrites
Que les adultes écoutent
Ce que disent les jeunes

51

Moi en ce moment ce quim'intéresse au cinéma, dans les films de Bonitzer par exemple, oubien ceux avec Luchini, c'est de voir les actrices interpréter descruches, des potiches, des jolies gourdes, à la télé ce quim'intéresse, en ce moment, c'est de voir des pubs sexistes avec deséduisantes actrices, ça me fascine, je pourrais passer des heuresà regarder ça, je pourrais y passer des heures, à voir ça, à medemander à quoi pensent ces actrices quand elles jouent des connes,quand elles jouent des personnages qui sont tellement, tellement desfantasmes de vieux bourgeois de cinquante ans, à quoi pensent cesactrices quand elles incarnent les fantasmes de jeune femme charmanteet conne, discrète, soumise, cultivée, que les réalisateurs mâlesde cinquante ans mettent en scène sans vergogne, sans aucun sens duridicule, à quoi pensent ces femmes qui se prêtent à ce jeu, c'estça qui me fascine.

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Ça c'est passé en cinq temps
Un
Nous avons oublié que nosenfants nous étaient en tous points supérieurs
Deux
Ils nous étaient soumis et nousles dominions
Trois
Mais nous avons voulu rétablirl'équilibre
Quatre
Nous avons découvert leursupériorité
D'abord avec surprise
Et puis ravissement
Maintenant nous flippons
Cinq
Oui nous avons peur d'eux

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On est dans une civilisation quiméprise et craint l'adolescence. C'est significatif, je trouve. LesGrecs en train de crever méprisaient les Barbares. Les adultesdévorés par le cancer –et je parle pas de métastase qui grouille à travers la viande maisde cancer métaphysique, de cancer de l'âme –les adultes, qui érigent la rationalité, le compromis, la mesure,la tempérance en valeurs, tous ces synonymes de la mesquinerie,toutes ces nuances de la veulerie, raillent l'intransigeance, lanaïveté, l'enthousiasme des adolescents. Qu'importe. Les Grecs ontterminé dans les livres d'Histoire et les Barbares ont prospéré.Ce qui meurt méprise ce qui vit, c'est un mouvement naturel, tandisque ce qui vit ignore purement et simplement ce qui meurt, ce qui vitassassine ce qui meurt en toute impunité et en toute inconscience.

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Les bourgeois blancs hétérosont fantasmé un monde ou les hommes n'auraient pas le devoir d'êtrebeaux mais riches à la place, ni d'être intelligents mais d'êtreéduqués, pas besoin d'être en vie, il y a l'art pour ça ;les bourgeois blancs hétéros ont fantasmé un monde où ilsseraient bourgeois et où ça suffirait, ils ont rêvé d'un monde oùdes filles très belles et très intelligentes se soumettraient àeux et nommeraient ça l'amour.
Ils l'ont construit ce monde.Oui, ils l'ont fabriqué. Vous ne sentez pas, dans les rues, dans lesbeaux quartiers des grandes villes, cette odeur de malaise ?

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Faire les choses avec ténacité
Faire les choses avec compétence
Faire la preuve de son talent
Faire les choses bien
Faire en sorte d'être un bonartisan
Contempler son travail
Contempler ses progrès
Et être fier de soi

***

Faire les choses avec ténacité
Faire les choses avec compétence
Faire la preuve de quelque chosemais sans trop savoir quoi
Faire les choses tantôt bien,tantôt mal
Savoir ce qu'il faut faire, cequ'il ne faut pas faire
Savoir ce qu'on attend de soi etne jamais le faire, devenir écrivain
Contempler son travail
Contempler son échec
Se demander pourquoi ça ne veutpas marcher, refuser de voir la réponse alors qu'elle s'étale plusgrosse que l'échec

***

Ne pas jouer le jeu
S'étonner de ne pas le gagner
Se croire intelligent

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Le délabrement
Est si progressif
Si lent
Qu'on ne le sent pas
Venir
La souffrance
Remplit
Par si petites touches
Jour après jour
Qu'on ne la sent pas
Venir
Et un beau jour
On est une ruine
Et un beau jour
On en est rempli
De cette douleur
Un beau jour
Ce corps
Ne marche plus
Du tout
Mais on n'a rien vu
Arriver
C'était si lent
Si progressif
On n'a rien vu
Venir
Et on ne souffre
Pas tant que ça
C'est exactement
Comme si on se noyait
En s'éloignant
Du bord
En pente
Si douce
Que pour avoir de l'eau
Jusqu'aux hanches
Il faut marcher
Deux bornes

Tant que j'y suis à mettre des textes, voici la nouvelle qui sera dans la Revue Métèque, que j'ai relue hier soir et que j'aime bien, finalement. Je suis content d'avoir réussi un truc sans pétage de plomb ni cadavre, je pensais pas y arriver sans devenir aussi chiant qu'un écrivain français ; vous me direz si j'ai perdu la niaque ou pas.




A MON ENTERREMENT JE VEUX QU'IL FASSE BEAU

— Tiens,c'est marrant, tu t'en rappelles, de ça ?
Jetenais à la main un cendrier en céramique bleue, avec écrit dessusl'hôtel où nous avions dormi pendant nos vacances en Espagne, jevenais juste de le retrouver au fond du tiroir. J'ai souri. Elle l'aregardé sans expression mais au bout d'un moment, comme j'avaistoujours mon sourire accroché à la figure, elle a souri aussi.
— Tute souviens ? Tu l'avais piqué à la réception.
Jebrandissais toujours l'objet, surjouant quelque chose mais sans biensavoir quoi.
— C'estmarrant, elle a dit, j'avais oublié qu'on l'avait encore, ce truc.Tu l'as trouvé où ? Dans le tiroir ?
— Oui,dans le tiroir. Au fond.
Jene souriais plus. C'était à cause du mot « tiroir ». Etpuis j'ai regardé la valise et remis le cendrier où je l'avaistrouvé, plus certain de grand-chose. J'ai enfilé mes chaussures etune veste, je me suis dirigé vers la porte, je n'ai rien dit.
— Tusors ?
— Cinqminutes, prendre un peu l'air.
J'airefermé sans bruit la porte derrière moi et descendu l'escalier.Dans la rue la lumière jaune et chaude était magnifique, le cielbleu sombre, nettoyé par l'orage, tout qui brillait d'humidité,c'est comme ça que j'aurais voulu que ce soit à mon enterrement.
J'aidéambulé et jeté un œil aux gens et à mon ombre qui parfoiss'étirait comme un Giacometti. A une terrasse j'ai commandé undemi, eu droit en plus à une coupelle de chips, toutes les tablesétaient occupées et tout le monde parlait fort en profitant dusoleil, j'ai savouré tout ça un moment, ça faisait du bien. Je neregardais rien en particulier et j'écoutais sans y faire attentiondes bouts de conversations et peut-être que ça me donnait l'aird'un type en train de réfléchir à des choses importantes maisc'était tout le contraire, j'étais vide de toute pensée, de toutephrase même, il ne me restait plus qu'une poignée de mot,« tiroir », « valise », qui me rendaienttriste, j'essayais de les éviter, et mes émotions étaient réduitesà rien, des petits bouts de peau se détachant tout seuls.
Quandje suis revenu à l'appart il faisait nuit, j'étais bourré et ellen'était plus là, la valise non plus. Le tiroir était refermé avecsans doute le cendrier dedans. Au lieu d'aller vérifier je suisdescendu à l'épicerie m'acheter une bouteille de vodka et unebrique de jus d'orange. C'est à mon retour que j'ai vu la lettre.Elle était posée sur la table, trois feuilles couvertes de sonécriture, je l'ai froissée sans la lire et jetée à la poubelle.
Jeme suis réveillé dans le canapé, il faisait jour depuis longtemps,la lumière plus belle encore que la veille, cendrée, d'une douceurhumide de printemps anglais, le ciel bleu tendre. J'ai regardé unmoment s'effilocher quelques nuages et puis je suis allé à lacuisine récupérer la lettre. Elle avait des tâches de gras et desauce tomate. Je l'ai lue.
Ensuitej'ai essayé d'avancer un peu dans mon travail mais ça ne donnaitrien de bon, alors j'ai fait le ménage et une fois le ménage finije suis retourné dans le canapé et j'ai somnolé devant la téléen m'efforçant de ne penser à rien, ce qui s'est avéré bien moinsdur que prévu. De temps en temps, à voix haute, je me posais laquestion :
— Est-ceque tu es triste ?
Oubien, avec cette variante :
— Est-ceque tu es triste, connard ?
Maisje n'avais pas de réponse. Plus tard mon téléphone a sonné,c'était elle, je ne voulais pas lui parler, j'ai laissé sonner.Trente minutes ont passé. La télé rendait sans significationl'écoulement du temps. La clé a tourné dans la serrure.
— Tiens,elle a dit, tu as fait le ménage.
— Unpeu, j'ai répondu.
— Tuas bien fait. Ça sent bon. Tu as trouvé ma lettre ?
— Oui.
— J'aioublié de prendre des trucs, je suis désolée, je ne voulais pasdébarquer à l'improviste. Mais tu as fait le ménage. C'estmarrant.
— Tues chez toi.
— J'aitéléphoné avant, pour prévenir, tu n'as pas répondu.
— Tues chez toi.
J'aiattrapé la télécommande et baissé le son pendant qu'elle allaitdans la chambre. Je l'ai entendue farfouiller. Je me suis dit que jen'avais même pas cherché à savoir ce qu'elle avait pris la veille,ce qu'elle avait laissé, ou peut-être que je l'avais fait cettenuit mais que je ne m'en souvenais plus.
— Jene trouve plus mon écharpe, tu ne sais pas où elle est ?
J'airépondu non mais c'était inaudible, alors je me suis levé, j'aitraversé le salon et j'ai à nouveau répondu non. Ma voix n'avaitpas beaucoup de vigueur.
Ensuite,je ne sais pas trop comment ça c'est enchaîné, nous avons faitl'amour, et puis j'ai fait du café et elle a fini par descendreacheter du vin à l'épicerie, puis ça a été mon tour, et ainsi desuite. La journée s'est passée de cette manière, nous avonsdiscuté, la glace était rompue, c'était comme un premierrendez-vous mais pour la deuxième fois. J'ai pensé à Fitzgerald.
Aun moment j'ai voulu savoir où elle dormait. Elle m'a répondu àl'hôtel pour quelques jours et puis ensuite chez Sonia. Vers neufheures du soir, nous avions bien bu, elle m'a demandé de lareconduire et j'ai accepté et au bar de l'hôtel nous en avonscommandé un dernier, ça n'était pas mal, nous étions dans desfauteuils en cuir sous une lumière cosy, et nous avons refaitl'amour dans la chambre propre et impersonnelle. Avant de partir,pendant qu'elle prenait une douche, j'ai regardé un moment dehors.C'était bizarre d'observer depuis un point de vue totalement inéditcette rue que je connaissais par cœur, d'être un touriste dans mapropre ville. Quand elle est sortie de la douche elle sentait bonmais c'était l'odeur de l'hôtel, elle sentait bon d'une odeur queje ne lui connaissais pas. A ce moment-là, si j'avais prononcé lesbonnes phrases j'aurais pu rester avec elle, ou bien nous serionsrentrés ensemble, mais je n'avais plus de force, je n'ai rien dit àpart « je vais y aller ». Je lui ai promis qu'ons'appellerait bientôt, je lui ai promis de répondre si elle metéléphonait, et puis nous sommes restés sur le seuil comme unepaire d'idiots sans plus savoir quoi faire. Nous nous sommesfinalement roulés des pelles en nous serrant dans nos bras et deretour à la maison j'ai achevé tout seul la murge que nous avionscommencée ensemble.
Aumilieu de la nuit elle a appelé, aussi bourrée que moi. Nous avonsparlé jusqu'à ce que le soleil se lève, nous l'avons regardé selever, à un moment un avion a passé dans son ciel, devant safenêtre, nous avons compté jusqu'à huit et je l'ai vu aussi. Unefois dans mon lit j'ai trouvé que c'était gros comme une maison, lasuite de tout ça, mais quelques heures plus tard, au réveil, dansune lumière saine et dure de désert californien, ça n'était plusaussi évident.
Jel'ai imaginée s'étirer dans son lit et descendre boire un café encompagnie des touristes. Je me suis demandé quelle serait sa journée.

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Le cerveau / poésie portable le retour !
« le: avril 30, 2014, 15:07:18 pm »
Chers lecteurs-trices,

J'interromps un instant la promo de La place du mort pour vous reparler cinq minutes de Poésie portable, car j'ai deux choses à vous dire.

D'abord, et j'en suis très très joyeux, et j'en remercie tous les lecteurs-trices et tous ceux qui ont contribué à faire connaître ce livre, Poésie portable est le premier bouquin que je publie à épuiser son tirage ! Merci donc à tous, et bravo à vous, et à Yves Artufel de Gros Textes, et à moi, tiens merde, pour l'avoir écrit, ho. Poésie portable est donc disponible à nouveau, dans une version amendée des quelques fautes qui restaient dans la première édition,  et, comme d'habitude, vous pouvez vous le procurer en harcelant votre libraire préféré, en écrivant à l'éditeur (Gros Textes), ou en prenant contact avec moi si vous souhaitez un exemplaire dédicacé.

Et ensuite, pour fêter ça, et en attendant la tournée que je vais entamer en juin pour présenter La place du mort, je vais lire une toute dernière fois sur scène Poésie Portable. Je serai accompagné pour cette dernière occasion des incroyables Cavophone (synthé analogique, drones, larsens, la totale, vos esgourdes vont pas en revenir, throbbing gristle à côté c'est du bal-musette), et ça se passera à Besançon le 16 mai, au cours d'un événement appelé Déviation 3 et qui accueille, entre autres, Orlan, autant dire qu'on est pas à la kermesse du village et qu'à partir du 17 mai ma tête passera plus les portes et faudra m'appeler Monsieur. Toutes les infos sont ici, venez nombreux ! http://www.seizemille.com/agenda

14
Le cerveau / une critique de poésie portable dans tgv magazine !
« le: février 03, 2014, 20:43:03 pm »
Merci à François Perrin pour sa critique de Poésie portable dans le dernier TGV magazine :

Le narrateur/Siébert le confesse sans égard, sans la moindre majuscule ni d'autre signe de ponctuation que le tiret : "Je suis comme un aveugle au festival de Cannes." Condamné à écrire, toujours, sans arrêt, pour ne pas avoir à faire une pause, ni s'interroger réellement sur sa place dans un monde qui lui paraît sonner creux il livre, ici, cent sept notules, comme autant de poèmes sombres, fébriles, mais costauds. Tentations d'une fuite qu'il ne veut pourtant pas prendre, ses textes, illustrés en noir et blanc par Laure Chiaradia, s'avèrent emplis d'un indéniable souffle, qui coupera sans doute le sien au lecteur par moments.


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dans le parc où j’écris mes conneries sur un ordinateur portable il y a tous les enfants qui jouent – ils sont au moins cinquante – tous ceux qui passent près de moi s’arrêtent de courir et de gueuler pour voir – ce qu’il y a sur l’écran – ils ne voient que du texte qui s’étale et s’étale et me regardent avec effarement et beaucoup de pitié


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Pour le commander (9 euros + 2 euros de port), écrire à Gros Textes - Fontfourane - 05380 Châteauroux-les-Alpes (Chèques à l’ordre de Gros Textes). Pour un exemplaire dédicacé : Christophe Siébert - chez l'association Dar De Rien, 9 rue de la Coifferie, 63000 Clermont-Ferrand (Chèques à l'ordre de C. Siébert) ou via paypal :
https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=RPCLZ4EJW2ZJJ

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Le cerveau / squeeze numéro 8
« le: janvier 25, 2014, 19:53:38 pm »
Salut à tous,

La revue SQUEEZE numéro 8 vient de paraître. Entre autres, au sommaire, vous trouverez des textes dOlivier Bkz, Antonella Fiori et de moi-même. Sommaire complet et téléchargement gratuit ici : http://revuesqueeze.com/actualites/revue-squeeze-n8/

Bonne lecture !

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