En cette époque singulièrement creuse, où on acclame le néant chaque jour, où il ne passe rien et tout en même temps, nous devons nous contenter de notre état stationnaire entre deux époques, celle où l'innocence apportait frâicheur, et celle où l'abondance de compétition (ou la piteuse recherche d'une forme d'éternité) nous aura fait perdre toute forme de repère pour comprendre l'art. La société démontrera sans doute à l'avenir que tout activité créatrice non exploitable, dans l'immédiat de préférence, pour l'expansion de nos desseins, ou l'abrutissement des foules, est inutile. La notion de "chef-d'oeuvre" fait déjà parti du passé, d'une certaine préhistoire, puisque chaque matin, nous nous efforçons, par une certaine pression sélective issue de nul part, de ridiculiser le passé. La vie humaine devient trop courte par rapport à l'évolution de nos techniques, si bien que notre raisonnement n'est qu'approximation, et fait de nous que les minuscules boulons d'une conscience globale.