Nouvelle que j'ai écrite hier.
Style barré où je rends hommage (ou pas, ça dépend) à pas mal d'auteurs que j'aime bien.
Da Vinci Mode (Nouvelle en 7 Volumes)
« La célébrité, c’est un nom affiché cent fois. » Paul Laffite
Volume 1 : Sortie de groupe
Il faut avoir une opinion sur tout, ou au moins tenter d’en avoir une. On sort de Da Vinci Code, une adaptation ratée d’un roman, un bredouillement pseudo-créatif mainstream, mal écrit et aussi chiant qu’un Hercule Poirot qui n’aurait jamais été édité pour cause d’incohérence. Vous verrez par la suite, amis lecteurs, que je ne ferai aucune louange particulière à ce drame de la littérature mondiale, ce sera peut être de la jalousie ou juste du mépris. Je suis accompagné de mon dealer dont le col est légèrement plus froissé que tantôt, du frère de mon avocat (Joe), de Rebecca et de Sophie, deux bonnes amies, ainsi que mon caméraman, Richard Sterlingman. Je demande à Sophie de filmer, avec son gsm HD, le caméraman DV, « faut le garder à l’œil, je lui fais pas confiance ». Rebecca n’est pas spécialement jolie ce soir : sa robe Issey Mikake est trop moulante, ça met trop en valeur sa taille fine, ce qui n’est pas dans mes goûts car la graisse est à la mode maintenant ; c’est surtout en disharmonie cinglante avec ce foulard Vivienne Westwood que je lui ai offert pour ses 17 ans, hier, lors d’une bourrasque humide sensée concrétiser notre amour éphémère comme sa beauté, mais la scène avait eu le mérite d’avoir son charme, même si je ne m’en souviens plus clairement, car tout s’effrite dans ma tête, comme dans la vie, surtout depuis le Da Vinci Code.
J’attire l’attention de mes amis sur une injustice qui se trame sur le trottoir d’en face. Je reste stupidement figé en pointant du doigt un évènement sordide. Rebecca prend une photo avec son gsm. Sophie clame son désaccord mais il est trop tard, tout le monde regarde ailleurs. J’observe Sophie quelques secondes, je détaille avec minutie son visage où je décèle toute la laideur de ses traits aussi tirés que cocasses, puis je pense à autre chose pour me rassurer d’être là.
« J’arrive pas à comprendre pourquoi ils ont mis cette coupe de cheveux à Tom Hanks ». C’était le dealer qui avait parlé, mais il ne nous regardait plus, en fait, en étant plus attentif, il parlait à son oreillette bluetooth. « T’en penses quoi Sophie de la coupe de Tom ? ». C’était moi qui venais de dire ça, le caméraman n’en avait pas raté une miette. Sophie a fait une espèce de grimace en se passant la main dans les cheveux en guise de réponse, ça donnait plus de brillance à son tailleur Valentino, Rebecca a ajouté dans la foulée, je cite : « que l’atemporalité psychédélique de la mouvance du corps de Hanks dans l’espace des choses indémodables méritait d’être surlignée ». Je pointe du doigt Rebecca en beuglant : « tu as sans doute préparé cette phrase à l’avance pour rendre cette scène de sortie de cinéma plus réaliste et moins spontanée du coup… ». Rebecca me dit « Tu as objecté naguère à l’encontre de mon désir d’être une fille simple, alors je me défends… ». Le dealer s’atrophie à l’horizon. « Pensez-vous qu’il a honte de vous ? » me dit la caméra. Je me retourne d’un geste vers l’objectif en fronçant les sourcils : « il est juste en train de négocier discrètement des choses, ne vous fiez pas au fait qu’il semble exclu. »
On entre tous dans l’Audi de Richard Sterlingman, le fils du frère de mon avocat Joe. Il allume la radio, je reconnais la musique, on dirait les 3 notes de la mélodie d’un tube. Rebecca me spécifie que ce conglomérat de sons correspond effectivement à un tube. Sophie me rappelle à l’évidence : « mais oui, voyons, c’est ce tube dont tout le monde parle ». Me voilà soulagé, je souris pour me détendre. « Quelle grosse pute cette Audrey Toutou !! ». Je ne comprends pas, qui a dit ça ? « C’est moi » dit Joe qui nous filme à partir du coffre, tout le monde rit à chaudes larmes, je pose ma main sur la cuisse de Sophie ou de Rebecca, tout semble aller mieux, l’atmosphère s’est détendue, j’allume une cigarette, le dealer déballe un bonbon blanc, petit et rond comme un médicament. Il se retourne et me livre, tout en avalant la douceur, un grand sourire jauni par l’héroïne, le café ou autres substances dangereuses mais néanmoins agréables. Mon GSM sonne un truc que j’ai composé moi-même avec ma console portable, c’est un SMS de ma sœur qui m’explique tout va bien également pour elle. Je ne comprends pas.
Richard Sterlingman, le cousin du neveu de Sophie, nous raconte pourquoi il a acheté une Audi. « Moi, franchement, c’est la pub qui m’a fait craquer. Vous voyez un peu, t’as le type il quitte son boulot, genre il casse tout, il balance ses papiers, sa mallette, il se jette dans une flaque d’eau comme pour se rafraîchir ou pour éprouver le plaisir d’être sale, il est heureux, il est libre, c’est presque un coming-out, puis, incroyable, il voit la nouvelle Audi passer, et là c’est le flash : il reprend sa mallette et il retourne au travail tout trempé, puis le slogan apparaît : Audi, avez-vous vraiment le choix ? ».
Richard avait raison c’était brillant, j’aurais pu pondre ce concept quand j’étais encore dans le métier, c’est un peu le même principe pour Da Vinci Code. Je n’ai jamais voulu lire cette merde, parce que j’avais des œuvres plus importantes à lire en priorité, mais le livre me poursuivait, il me narguait, il apparaissait sur les tables de chevet de mes amis pauvres à côté d’un volume de Harry Potter, c’était le sujet de conversation pour être branché-connecté avec la foule en liesse, je voulais l’éviter, mais inexorablement, il me revenait en pleine face, telle une évidence irréfutable, tôt ou tard, je devrais bouffer Da Vinci Code, et même si je résistais à l’envie d’ouvrir le livre, tôt ou tard, je devrais au moins me taper Tom Hanks avec sa coupe de cheveux et son maquillage rajeunissant qui essaye de me raconter l’histoire d’une chose extrêmement bien vendue, un peu comme ce tube qui crie dans la radio, ou cette oreillette bluetooth qui ne se sépare plus de mon dealer. J’étais enragé, j’avais envie de tuer Dan Brown, de lui arracher les orteils et de lui insérer dans les yeux à l’aide sa bite que j’aurais préalablement arrachée et trempée dans son cul qui pue comme l’haleine de sa mère. Dan Brown, si tu lis ceci, saches que je te hais, toi et ton fric. Et je ne suis jaloux Dan. Je demande à Rebecca de me faire une pipe contre un billet que je tends presque en tremblant de rage.
Volume 2 : Hyper-Drague
Dans mon quartier, depuis peu, une nouvelle chaîne est apparue, elle permet à chacun de surveiller tout le monde. Au début, j’étais très réticent à ce concept, mais je suis rapidement tombé accroc, drogué que je suis. Je surveille les trottoirs devant chez moi sur mon HD Philips, l’image me suit de pièces en pièces grâce à un récepteur-centraliseur multimédia salon WIFI en plein living room sur mon meuble qui a la classe, je suis ancré en permanence dans la réalité du monde extérieur à ma demeure. Je peux prédire qui va sonner à ma porte avant que ça se produise, je peux voir comment s’habille le magrébin qui a essayé de cambrioler une grand-mère en face de la librairie du coin pour tenter d’agrémenter sa vie de quelques poussées d’adrénaline. C’était ça être citoyen, c’était assurer ma sécurité et au passage celle des autres, et espérer récolter une micro-célébrité temporaire ou, encore mieux, un cachet mirobolant d’une revue people pour mes shoots et mes captures d’écran d’un fait sordide susceptible d’intéresser le client-lecteur assoiffé de sensations nouvelles, parce que conditionné à être en permanence sollicité par des flux d’informations qui doivent être de plus en plus énormes et improbables.
Je suis donc en train de compter le nombre de passants, et voilà que se ramène Frans, je l’admire ce type. Il est tout le temps en costard Armani, mais il n’est pas golden-boy, c’est juste un serial baiseur. Il arrive, il me demande où il peut brancher la batterie de son portable, je pointe du doigt un mur au hasard. Il sourit en regardant une imitation d’un tableau Van Gogh au mur.
Je suis fasciné, le maître en personne chez moi, je vais me chercher un Cécémel au frigo et j’observe le pro en silence. Il me parle un peu de son film où il est figurant, mais c’est de la frime. « Je connais Carole Bouquet maintenant, je crois que je dîne avec Sofia Coppola demain. » Là, il a pas le temps d’approfondir le sujet, il doit enchaîner des femmes sur internet. Je suis curieux. « Tu peux m’expliquer un peu Frans ? » Frans branche d’abord son MSN et son Thunderbird, il a à peu près 300 filles sur le grill en ce moment, « … et quelques mecs, je choisis des mecs comme moi qui connaissent pas mal de meufs, et on s’échange les adresses, parfois je vends mon kit d’adresses msn de gonzesses chaudes sur Ebay, ça finance les restos et les verres que je paie… » C’est un professionnel. Frans se prend une ligne de coke sur son portable, sur la barre d’espace. En fait, Frans nous montre à tous à quel point on peut avoir une vie stressante de golden-boy même en étant chômeur, ça doit être ça le 21ème siècle.
« Regarde là, j’ai 3 brésiliennes qui font strip-tease par webcam, elles sont prêtes à tout pour un séjour chez nous, les riches, tu te souviens de Joe ? Tu vois comment il est moche ? Et bien il est marié avec une fille du Pérou, je te dis pas la bombe. Elle parle même pas la langue, elle suce et elle avale, c’est tout, le rêve américain quoi. Joe, je l’ai jamais vu aussi heureux, et c’est grâce au net et aux combines du bon Frans, regarde moi, pas besoin de ces sites de rencontre payant, moi je fais à la sauce Frans, et ça marche mieux, faut juste le style.» Je prends des notes. Et quoi Frans, franchement ? Ca t’arrive de baiser des grosses et des moches ? « Tu sais, dans la vie, rien ne vaut la bonne chaleur d’une chatte humide, après l’emballage autour de la chatte, on finit par s’habituer, c’est variable. » Sacré Frans.
Il me fait, regarde, j’ai un stock de 10 mails standards, ça c’est le mail « premier contact », tu prends, tu copies-colles, j’envois des tofs, et je personnalise un peu, clic clic, faut que je prenne des notes pour savoir ce qu’elles aiment dans la vie, je parcours les blogs en vitesse, les grosses adorent avoir un blog, et j’adapte un peu le mail, regarde là, je mets son prénom, ctrl-v, là je remplace cette ligne par une feinte en rapport à notre dernière discussion dont j’ai un résumé ici qui se fait automatiquement via ce freeware bidon. Hop, je copie colle ce ver de Rimbaud-Verlaine. Elle aime bien l’Inde qu’elle dit la blonde, vite Google, je lis en vitesse, regarde Bombay ça a l’air cool, hop, je colle « vive bombay », j’envois l’image agrémenté d’un lol, regarde elle me répond par un smile, elle mouille déjà, hop clin d’œil msn customisable bisou inédit 1 euro pas cher. Son GSM sonne. « YO BABY OK OK OK CIAO CIAO CIAO ». Bon, je te laisse, je dois baiser.
Frans est le prototype du dragueur du futur proche et du présent en fait, il est parfait, il enterre n’importe quel playboy de discothèque, tout simplement parce que Frans, il peut aménager un horaire, baiser 5,6 filles par jour, espacées partout sur la carte, dans toutes les castes sociales, de 13 à 47 ans, c’est le mâle ultime, il ridiculise n’importe quel playboy, parce qu’il a accès à toute la marchandise, à tout le stock mondial, d’un seul clic. La drague par internet, je note, c’est vraiment bien. Ma vie de chômeur commence vraiment à me plaire. Je remarque que je pense tout seul, je remarque que la pièce est vide, je remarque que mon tableau Van Gogh a disparu. Il faut que j’en parle. Je note l’anecdote, ainsi que mon numéro de téléphone, sur mon blog.
Volume 3 : La Fête
Je bois un scotch contre un bar avec le caméraman. J’en bois un deuxième. On parle des derniers tubes à la mode, de la cuisine mexicaine, je fais un sourire au barman, je raconte ma vie.
Après mon crash dans GTA, je n’avais pas eu trop le choix, j’avais gagné mon procès à l’aide de l’avocat. C’était très difficile, on m’accusait de racisme, parce que, soi-disant, mes victimes étaient des nègres, mais j’ai dit que je ne m’en souvenais pas à cause du choc de l’accident. Ma femme m’a lâché juste après car j’étais insupportable et passablement infidèle. C’est là que j’ai commencé à écrire une nouvelle avec un type qui a écrit un livre et qui essaye d’écrire un roman avec un coach, le tout filmé pour une émission de télé-réalité, ça m’avait valu un certain succès, j’en avais presque oublié mon ancienne carrière de publiciste visionnaire. La pub, j’avais raccroché, c’était terminé maintenant, j’adorais ma vie de chômeur mondain. Je fais un signe ridicule au barman, plutôt beau gosse, pour qu’il nous mette une tournée de champagne. Il nous sert une chose qui n’avait pas le même goût mais qui était suffisant pour célébrer la situation.
J’offre un verre à une pute et en une émouvante leçon d’optimisme j’arrive à la convaincre de la validité de ma tentative de coucher avec elle. Le caméraman est jaloux, ça se voit à la brillance maléfique de son regard, mais sa caméra semble rassasiée. La pute s’appelle Sophie.
Elle était SDF avant, elle avait participé à Popstar, j’avais du mal à la croire. « J’ai été arrêtée au premier casting. » Elle me dit qu’être SDF c’était plus dur que Popstar, c’était éprouvant et pointilleux Popstar. Elle me fait écouter un mp3 à partir de son gsm où elle chante du Eiffel 65. J’affiche un sourire monochrome. J’explique que j’étais célèbre avant et que j’ai atteint le level 43 dans W.O.W avant d’arrêter et de me rendre compte que c’était une manipulation capitaliste.
D’une beauté sensible et envoûtante, Sophie avait tenté par tous les moyens d’accéder à la célébrité. Cela n’arriva jamais. Je lui promets que sa beauté mérite d’atteindre les sommets, elle rougit comme une langouste, et devant plusieurs témoins, je jure que l’humiliation de la Popstar ne se reproduira plus jamais, un nouveau chapitre de la beauté féminine va s’ouvrir. On boit cul sec un Johnny Walker qui se trouvait là en souvenir du bon vieux temps.
Sophie me présente à Rebecca et on va s’écrouler dans une banquette, puis le DJ a mixé un remix d’un tube construit sur un sample d’un plus vieux tube dont j’arrivais plus à me souvenir du nom, ni de l’auteur, ni de la chorégraphie qui allait avec. Je me contente de battre du pied. J’ai reconnu mon dealer et un ami de mon banquier dans la foule à l’horizon, je salue de loin, pas de réponse, un inconnu gay me fait un clin d’œil, je lui réponds par un majeur. Le caméraman danse avec un autre caméraman en se filmant mutuellement. Je prends en photo un bout de cuisse de Rebecca. J’envois un MMS à ma sœur pour lui dire que tout va bien. Je me souviens que demain je dois aller chez le carrossier, je le dis à Sophie qui fait mine de comprendre avant de se retourner et de parler à un beau métis musclé mais avec une sale gueule. Je gobe une pilule qui était au fond d’une poche, je ferme les yeux en contant ma rude journée à Rebecca qui parait être là.
Un homme s’avance vers moi alors que j’avais mes doigts plantés en plein dans la chatte de Rebecca toute moelleuse. « Je me nomme Augusto Karimohler. Je suis bio-physicien quantique. Spécialisé en épistémologie épique, pour être précis. »
« Quoi ? » je lui demande. Je me rends compte que mon majeur était maintenant planté dans l’anus de Rebecca qui m’injure en espagnol. « Vous êtes sûr que vous êtes celui que je cherche ? Vous êtes professeur d’iconologie religieuse stochastique à Harvard. Vous êtes l’auteur de quinze ouvrages sur les systèmes sémiotiques dans les symboles de la Renaissance des matériaux… »
« Exactement mec, et là je suis occupé… » Je remarque que mon doigt branle le vide, Rebecca s’est levé pour tituber vers le bar. Je pousse un gémissement sourd de frustration. « Excusez-moi de vous déranger professeur, j’ai quelque chose à vous montrer. Il m’est impossible d’en parler au téléphone. » Je pousse un marmonnement interrogatif, ce type est effectivement dans mon téléphone. Je regarde ce type qui s’est assis à côté de moi, je remarque qu’il ne me parle pas. Je suis confus. « Pardon Auguste ». « Plait-il ? ». « Rien ».
« On vient de recevoir un message de Dieu et on a besoin d’un spécialiste. Le mois précédent, une danseuse de cabaret de Varsovie lui avait promis la nuit d’amour de sa vie s’il prenait l’avion pour authentifier le signe de croix qui venait d’apparaître sur la planche de son WC. ».
« Comment avez-vous eu mon numéro ? » je marmonne.
« Pardon ? »
« Pourquoi êtes-vous dans mon téléphone ? »
« Je suis sur votre blog. Le site de votre bouquin. Il faut que je vous voie. Je vous paierai.» insiste Augusto. Je vous paierai bien.
C’est à ce moment là que j’ai rangé mon gsm dans ma poche et que Rebecca est venue s’asseoir sur mes genoux. Le DJ a mixé 2 tubes, je les ai reconnu, puis je me suis endormi.