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Sujets - Tehanor

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Chouilles / les labels communautaires dont vous êtes producteurs
« le: décembre 21, 2007, 16:24:52 pm »
Salut tout le monde

Depuis quelques temps les labels communautaires suscitent un certain engouement en France. En l'espace de deux mois à peine, pas moins de trois nouveaux écloraient dans la langue de Molière, annonçant une rude bataille pour se partager le bassin d'investisseurs francophones. Trois labels, mais trois positionnements radicalement différents. Pendant que Spidart se la joue musique alternative, MyMajorCompany veut parier sur le carton médiatique et NoMajorMusik affiche une position plus modeste de label équitable "tremplin".

Mais que se cache derrière ces sites ? Suivant leurs homologues anglophones SellaBand, Artistshare, ou Slicethepie, les labels communautaires proposent une nouvelle vision "Web 2.0" de la production musicale. L'auditeur ne se contente plus de porter son artiste à travers les plateformes communautaires, mais en devient l'un des producteurs, finançant son poulain et partageant ses revenus une fois l'album produit. Plutôt que d'avoir une maison de disque finançant 1.000 artistes, nous avons 1.000 internautes finançant un artiste.

Les labels équitables avaient déjà amorcé un effacement du label par rapport à l'artiste, maintenant ils se retirent plus loin encore, ne devenant plus que de simples portails intermédiaires entre l'auditeur et le groupe. Mais pour ça, chaque site propose un modèle de fonctionnement qui lui est propre, traduisant souvent la vision qu'il porte sur l'industrie du disque et sur ce qu'elle devrait être pour être viable à l'avenir.

Je me suis donc penché sur le phénomène en étudiant ces sites un par un et en réfléchissant un peu sur leur principe même. Pour ceux que ça intéresse, le dossier est en ligne ici : http://www.ratiatum.com/dossier6096_Les_labels_communautaires_dont_vous_etes_producteurs.html N'hésitez pas à me faire part de vos avis  Merci ! smiley23

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Les oreilles / Geckko Tonic - The Air Conditionned Torture
« le: août 08, 2007, 00:11:40 am »
Allez un autre petit morceau qui trainait...

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Les oreilles / Geckko Tonic - Plogojowitz
« le: août 07, 2007, 18:23:42 pm »
smiley19

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Le cerveau / Ces bras sont des serpents
« le: avril 22, 2007, 21:24:45 pm »
Les gens restent figés à l'approche de la rockstar. Celle-ci se meut au milieu des foules comme un pantin désarticulé, la ceinture du futal autour du cou, et le fil de micro enroulé au travers de la tronche. Elle revient sur scène, se tortille dans son t-shirt, s'affale à terre, rampe jusqu'au poteau, s'accroupit pour s'enrouler autour, et se balance doucement à la manière d'un autiste. Le son se coupe quelques secondes, « sorry, we are so unprofessionals » – je rigole tout haut pour monter que j'ai bien compris son anglais machouillé. La rockstar se prend les pieds dans le retour et se ramasse une nouvelle fois. Un type au premier rang la prend par les bras pour la relever. Au fond, la rockstar se fout pas mal de se retrouver les quatre fers à l'air, mais elle fait monter en vous cette espèce de compassion que vous pouvez éprouver à l'égard de bourrés qui ne savent plus tenir debout. D'ailleurs, Tristan me glisse à l'oreille « p'tain, le chanteur, y'est complètement déchiré » mais il se trompe. La rockstar calcule trop bien ce qu'elle fait pour que ses déhanchements ne soient le fruit d'une coordination menée par un cerveau imbibé d'alcool. C'est ça qui fait d'elle une vraie rockstar. Le mec ne chante pas, ne gueule pas, ne rappe pas. Il parle juste de manière complètement incompréhensible en titubant au hasard de la salle. La seule manifestation d'une quelconque prouesse artistique réside finalement dans sa capacité à ÊTRE une rockstar, et son seul charisme suffit à méduser les foules.

Maintenant, la rockstar fait le poirier les pieds contre un des poteaux qui entoure la scène. Un spectateur s'avance d'un pas, l'appareil photo pointé vers la rockstar, mais la rockstar se relève trop vite pour lui laisser le temps de prendre le cliché. Ainsi, la rockstar rayonne de manière démentielle. Chacun de ses soubresauts, chacun de ses spasmes est le retranscrit corporel de ce que ses zicos crachent de leur instrument. Imprévisible, la rockstar, vie et CREE sa musique (pas comme ces danseurs contemporains qui tentent de conceptualiser des idées avec leur corps pour filer la trique à une masse d'intellos de gauche) (je n'aime pas la danse contemporaine).

La pièce centrale, ce n'est pas lui mais bien le son (le bruit ?), et il en est seulement l'une de ses marionnettes dévouées. Malgré ça, la rockstar représente le nombril du monde. Sa musique l'a transcendé au point de lui faire faire n'importe quoi, et les gens admirent la chose avec un sentiment mêlant amusement, admiration, et stupéfaction, bien que la plupart ait bien du mal à savoir quelle réaction adopter. La rockstar s'avance sur un type, et le mec se sent au milieu des regards. Alors, il enfile sa bière pour se donner un peu de consistance tout en montrant que la rockstar ne l'impressionne pas. Le public surveille la rockstar comme on surveillerait un bébé. On déloge le cable qui s'est coincé en dessous du retour, on ramasse le pied de micro qu'il renverse sur son passage, on nettoierait presque sa merde avec un kleenex si il se mettait à chier sur le plancher.


La suite de la soirée se déroule chez un pote. J'arrive plus ou moins à accrocher une gonzesse mais des types en chasse, à l'affût de la moindre oreille à remplir de conneries, ne cessent de m'interrompre. Alors, je combats ces assauts avec assez peu de conviction. On envoie sur le plateau le fait que j'sois en train de la draguer, et j'dois me démerder pour désincruster cette morve au second degrés.
« Fais gaffe, y raconte que d'la merde ce vieux dragueur. »
Moi, j'essaie de retrouver le fil du truc super intéressant que j'étais en train de raconter.
« Merde, désolé je parle trop, j'divague et j'arrive plus à retomber là où j'voulais en venir. C'est le lot de parler avec quelqu'un du sexe opposé, on est toujours interrompu par une bande de jaloux qui croient qu'on est en train de se draguer.
- Nan mais t'inquiètes, tu racontes pas de la merde, sinon, j'serais déjà partie. »
Ça me saoule au fond cette réplique, parce qu'elle jette en l'air le petit voile pudique que j'essayais de mettre sur la conversation, dans le genre qu'on était JUSTEMENT pas en train de se draguer, mais qu'on me ramène finalement à mes performances de tchatcheur : si tu me tiens pas le crachoir de manière assez classe, j't'éjecte, mec. Bébé, t'es pas si bandante que ça mais ta tête me rappelle celle de la seule femme que j'ai aimé, et qui se fout complètement de moi à présent – ce que j'ai toujours autant de mal à avaler, pour tout avouer. Alors, j'ai dû dire un truc foireux un moment parce que c'est justement ce qu'elle fait la seconde d'après.
« Excuses moi, j'vais aux chiotes. »
Peu importe, j'y vois que du feu et je rattaque de plus belle après. Du moins, jusqu'à ce que Tristan, mon bassiste, ne revienne à la charge lui verser un flot de dragouille bien en deçà de la mienne. Je retiens quelques minutes mon envie de lui faire remarquer le caractère pitoyable de ce qu'il est en train de lui dire, puis je craque, las de devoir me battre contre la concurrence.
« P'tain, t'es con quand t'es bourré. »
Là, il démarre au quart de tour, flot d'insultes en tout genre pendant cinq bonnes minutes. J'prend quand même la peine de répondre entre deux interjections, pour faire bonne figure.
« Moi j'parle pas dans le dos des gens. Si t'as des trucs à me dire, dis les moi en face, qu'il me lance.
- Ben c'est justement ce que je fais : t'es con quand t'es bourré.
- Ouais, t'as vu comment t'es taillé ? Tu viendras faire ton malin quand t'auras 40 kilos de plus.
- Ah parce que maintenant, il faut avoir 40 kilos de plus pour pouvoir te dire ce que t'es con quand t'es bourré ? »
Remarquez que j'ajoute « quand t'es bourré » pour ne pas me froisser définitivement avec lui. Ça empire, et les gens commencent à se dire qu'il faudrait intervenir. Alors, ça joue la carte de la neutralité, on nous dit de nous calmer tous les deux, bien que je me sois surtout contenté pour ma part de recevoir ses insultes sereinement, mais pas moins empli de haine. Mon bassiste continue de s'exciter en menaçant d'annuler la tournée et de quitter le groupe. Mon bassiste sort en claquant la porte, suivi du chanteur parti le raisonner. Mon bassiste revient cinq minutes après, me fait venir dehors, et m'explique qu'il a eu des problèmes d'alcool, qu'il a dû voir un psy à cause de ça, et que ça le rend SUPER susceptible à ce niveau là, sauf qu'en fait, j'en ai pas grand chose à cirer des problèmes de mon bassiste. Bref, je finis par passer pour le connard de l'histoire, celui qui a aucune pitié pour les gens qui ont des soucis et qui VONT VOIR UN PSY à cause de ça. En rentrant chez moi, je remarque pour moi même cette intéressante dualité, qui fait que les rockstars jouent aux bourrés de manière parfaitement calculée, pendant que les bourrés jouent aux rockstars avec un charisme équivalent, à peu de choses près, à celui d'une crotte d'hamster.

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Le cerveau / Chronique de l'inachevé (première & deuxième partie)
« le: janvier 15, 2007, 19:19:52 pm »
Après une longue période d'improductivité dûe à une soudaine submersion de taff, voici mon nouveau petit texte, que je n'ai pas encore terminé (d'où le titre). enjoy ! ^^

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Les oreilles / Geckko Tonic - Stark Shift Induced
« le: octobre 20, 2006, 17:51:58 pm »
Un morceau de ma composition, pour les amateurs d'IDM à la Richard Devine :)

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Le cerveau / Une excuse pas valable
« le: octobre 14, 2006, 18:12:19 pm »
C'était une journée de merde, et j'avais décidé d'enfiler mon mode blasé. Envie de rien, saoulé de tout, et plus particulièrement de ce sentiment de dépit qui m'envahissait à l'idée de franchir la porte de cours y affronter une pluie de blabla abstrait et complètement inutile.
« Allez vas-y, viens ce soir, faut sortir un peu, voir des gens, me lance Émile en me tapant sur l'épaule. Et puis comme ça, on sera déjà sur place pour aller à la Condition Publique. »
La prof s'était mise en tête de nous emmener voir la répétition d'une troupe de danse contemporaine. Un truc qui m'emmerderait au plus haut point, mais il fallait reconnaître que l'aspect pratique de la proposition, qui résidait dans le fait de se trouver à proximité de la salle où on comptait passer la soirée après, avait de quoi me la rendre assez intéressante au final. Je fais la moue du type moyennement convaincu.
« Mouais. A la limite.
- Ok. Et tu comptes venir en caisse ?
- Ouais. On a cas tous se donner rendez-vous chez toi si tu veux, comme ça, on y va ensemble.
- Et on se dit quelle heure ?
- Je sais pas. 6H30 ?
- Ouais, 6H30 c'est bien.
- Enfin, 6H30... J'essaierai de pas trop traîner quoi. »
Et je me retrouve quelques heures plus tard dans un gymnase, à regarder trois danseurs se dépêtrer sur du Wax Tailor, sans trop savoir quoi en penser. En fait, leurs déhanchements bizarres me donneraient presque envie d'en rire, alors je pince les lèvres en me sermonnant de manière un peu schizophrène :
« Crétin, t'y connais juste rien. Y'a une forte symbolique derrière ces corps en mouvement. La création ne repose pas sur des extensions de notre corps mais sur le corps lui même ! C'est beau, tout simplement.
- Ouais et alors ? Y'a rien de vraiment transcendant là dedans. J'trouve que ça rime à quedalle.
- Rappelles toi ce que pensent les gens de tes musiques barrées. Tu connais suffisamment ça pour avoir un peu de compréhension, et te dire que c'est juste parce que t'y es pas sensible.
- Peut être, mais c'est naze quand même. Danser, c'est une manière de recevoir la musique, ça vaut pas le coup d'en faire un art. Bon ok, les danses rituelles ont leur utilité sociale, à la limite, tout comme celles des minets dans les boîtes qui ont leur utilité nuptiale. Regarder tout ce petit monde s'agiter, c'est marrant cinq minutes, mais pas de quoi s'en aller lui foutre une logique de spectacle. C'est visuellement ennuyeux.
- Putain, mais c'est de penser l'art en terme d'utilité qui est naze. Et puis tu crois pas que Gerry, dont t'arrêtes pas de faire l'éloge, n'est pas aussi visuellement chiant que ce que tu vois là ?
- Si, mais en même temps, tu ressens trop l'oppression des mecs qui se savent pommés dans le désert, et c'est ça qui est génial.
- C'est la même chose ici. Le visuel au service d'un ressenti émotionnel.
- Ah, tu commences à me gaver. Allez, on va dire que j'y suis pas initié si ça peut te faire plaisir.
- Je préfère ça oui. »
La pièce se termine. La chorégraphe explique vite fait son délire, deux trois détails, et comme elle finit rapidement par ne plus avoir grand chose à dire, agresse le public en l'accablant du mutisme qu'il lui renvoie.
« Allez, j'suis sûr qu'il y a des questions là, j'ai vu une main se lever tout à l'heure. »
Silence. Je l'imagine les yeux injectés de sang, hurler sur la femme bedonnante du premier en rang.
« ALLEZ BORDEL ! CRACHES MOI UNE PUTAIN DE QUESTION SINON JE L'ARRACHE DU FOND DE TA GORGE AVEC MES MAINS ! »
Un type se jette à l'eau.
« Euh... Sinon, vous avez répété combien de temps pour monter cette pièce ? »
Nul doute qu'elle attendait mieux, mais ça lui permettra au moins de combler le vide pour quelques minutes. Sont marrants ces gens, à toujours chercher une raison, une justification, ou quelconque utilité à ce qu'ils font ; et le public de l'accepter juste parce qu'il paraîtrait que ça aide à comprendre l'oeuvre. Ben ouai, pourquoi pas. Qu'on vienne pas me dire après que l'art se ressent plutôt avec les tripes qu'avec la tête.
La dernière question vient d'une meuf de ma classe, qui secoue les mains en parlant d'une manière artificiellement excitée.
« Oui, j'avais une question. Bon, je suis désolée, ça va peut être vous paraître indiscret ce que je vais vous demander, mais je voulais savoir... Pourquoi avoir pris la thématique du bonheur ? Je veux dire, c'est du vécu ou... ? »
Je prends mon air faussement outré et avoue à Émile trouver qu'elle y va un peu fort avec sa question, ce qui nous fait doucement ricaner.

Bon, nous voilà à la Condition Publique.

Oh puis non, nous voilà dans ma caisse. Émile et moi, passablement éméchés par les bières sifflées tout au long du concert, nous motivons passablement pour faire la teuf en Belgique. Ça tombe bien pour notre semblant de conscience citoyenne, Fabien pouvait conduire sous le taux d'alcoolémie autorisé. On repasse vite fait à la Condition pour voir sur leur borne Internet le programme du Fuse et de quelques autres boîtes bruxelloises. Ok, un jeudi soir, c'est pas trop la teuf. On retourne passablement sur Lille, appelant chacun dans notre coin pour pister un after valable.

On rejoint finalement un pote qui s'appelait Cédric, un peu comme moi. Lorsqu'on arrive dans le bar, il discute avec une nana kaki-beige, le nez méchamment percé de gros anneaux. Ses yeux magnifiques sont barrés d'une mèche rousse, qui lui donne l'air d'une kepon tombée dans la fashion frange attitude.
Les enfoirés ont l'air bien plus pétés que nous. Qu'à cela ne tienne, je commande une Delirium Tremens. La fausse kepon en plastoc nous demande d'où on vient.
« P'tain, j'aurai trop voulu y aller à ce concert ! Y'a plein de potes qui m'ont dit du bien de Gong Gong.
- Wah, t'inquiètes pas. T'as rien loupé, c'était pas terrible, je lui réponds.
- Ah bon ?
- Aaah, il est dur, intervient Émile, faut pas l'écouter. »
J'essaie donc de défendre ce qui pourrait apparemment me donner une certaine coolitude à l'égard de la femelle.
« Ben disons que c'est sympa pour écouter autour d'un bol de cacahuètes, mais pas de quoi s'extasier non plus.
- Ah, c'est bizarre que c'est de la merde. J'en ai eu de très bons échos pourtant.
- J'ai pas dit que c'était de la merde.
- Ben un bol de cacahuètes, c'est pas terrible quand même.
- Ouais mais faut pas forcément le prendre de manière péjorative. Pour moi, un truc qui s'écoute autour d'un bol de cacahuètes, c'est quelque chose de sympa, mais sans plus quoi. »
Je sens remonter la rancune que j'avais éprouvé à voir le groupe sur scène avec trop de matériel que j'aurai difficilement eu les moyens de me payer.
« Ok, les mecs ont un putain de matos. Et ils savent s'en servir. Mais y'a rien qui ressort de leur truc. Des compos banales et sans âme, du déjà entendu. »
Je m'enfile la bière en pensant à la suite de ma conversation qui ne tenait plus que sur un fil dentaire.
« Parcontre, y'a un truc sympa qui joue bientôt la bas, c'est Cyan & Ben. J'te conseille vivement d'y aller parce que ça défonce bien. C'est un peu comme Portishead, un truc cool pour quand tu déprimes. J'suis deg' de pas pourvoir y aller.
- Ah nan, ça n'a rien à voir avec Portishead. Pourquoi tu peux pas y aller ?
- On joue avec mon groupe la même date.
- Ouai, moi j'irai les voir de toute façon, c'était déjà prévu au programme. »
Elle gagne un point dans mon estime, et moi, je pose une dernière fois ma pinte sans relever les yeux, pour mieux accepter d'être à court de discussion. L'éléphant gravé sur le verre me dit que je n'arriverai pas à la draguer si j'continue de trimballer ma tchatche de merde partout où je vais.
Cette fille dégageait une sorte d'assurance qui ne me laissait pas de marbre. J'apprenais plus tard, en filoutant d'une oreille distraite une bride de sa conversation avec pas moi, qu'elle faisait du théâtre (ou des études théâtrales plus précisément mais peu importe, l'un appellant souvent l'autre) et mettais l'aura qu'elle émanait sur ce seul fait.
Pour l'instant, on se retourne chacun de notre côté de comptoir et je déclame à Fabien toute mon admiration pour son renoncement à l'alcool qui me serait d'une torture psychologique difficilement soutenable pour l'alcoolo – occasionnel, je précise à ce moment pour me défendre du regard barbu que me jette le barman, l'air de dire « petit joueur, tu bois deux bières et tu fais ton malin » – que je suis. Je dis peut être ça car je commence à sentir la Delirium Tremens venir compléter ce qu'avait déjà entamé la bière de la Condition Publique – mais ça, le barman le savait pas, ah ouais. Dire que les deux larrons qu'on vient de rejoindre en sont déjà à leur cinquième, m'étonne pas qu'ils aient l'air défoncés.

Puis vint l'heure de se casser. Émile, déterminé à aller finir de nous pochtronner la gueule au Kiosk avec mes thunes. La belle kepon, traînant des bottes en prétextant s'y faire toujours draguer par des lesbiennes. Moi, traînant du pied pour essuyer la belle merde que je venais d'écraser. Fabien, décidant quant à lui de retrouver son bel apart' pour pionser.
Il fait bien, car le bar sera aussi vide qu'un PMU en pleine campagne picarde.
On siffle quand même une ou deux bières, question de pas être venu pour rien quand même, et l'autre Cédric, qui s'amusait à me chaparder le prénom depuis le début de la soirée, passe aux aveux :
« Tu sais ? On se connaît pas trop tous les deux, mais j't'aime bien quand même.
- Ça me fait plaisir que tu me dises ça, je lui fais, parce que c'est réciproque.
- Ah ouais ? Ah ben ça me fait plaisir aussi. Au fait, j'aime bien les mails avec tes histoires, que t'envoies comme ça, de temps à autres à toute la classe.
- Ouais mais t'es plus dans la liste de l'IUP, si ? J'en ai envoyé un nouveau y'a pas longtemps mais je sais pas si tu l'as reçu.
- Si, j'y suis encore. Je sais plus lequel j'ai reçu dernièrement mais je sais que j'reçois des trucs comme ça de temps en temps »
Ça me laisse perplexe, considérant le fait que je n'avais pas envoyé de mail de ce genre depuis au moins deux ans, mais je laisse pisser.
« Mais au final, c'est pas plus mal, me dit-il. J'veux dire, on se connaît pas trop mais on s'entend bien.
- Ouais t'as raison, je pense qu'on devrait garder cette relation de mecs qui se connaissent pas trop.
- En fait, même si ça fait longtemps qu'on se voit, j'me rends compte juste maintenant que t'es quelqu'un d'intelligent. »
Je dois salement tirer la tronche parce qu'il reprend de plus belle en rigolant :
« Alors que bon, t'as pas l'air comme ça. »
Un mec vient me saluer. C'est Deework, du collectif lillois Bedroom Research. Je me demande comment il a atterri dans cette soirée puante. Enfin, ça tombe bien, je suis bourré, et j'ai un paquet de sujets de foireux en tête que je m'empresse de lui soumettre avec un sourire en coin.

On se tire du bar quelques minutes plus tard. Je raccompagne tout le monde, à moitié pété au volant, et me retrouve seul avec la kepon car c'est la dernière à déposer. Je sens sa main d'Abbé Pierre posée sur mon épaule mais j'dis rien. Juste de quoi parfois combler le blanc trop long, en lui demandant le chemin au détour d'une rue.
« Tu me diras quand c'est bientôt...
- Encore un peu plus loin... Voilà, c'est là. »
Je m'arrête, attend quelque réaction de se part, mais rien.
« Bon ben bonne nuit, je lui dis.
- Ouais, merci, j'te fais quand même la bise. »
Je me tord le cou pour atteindre sa tête derrière le siège, et repense à la bise de politesse qu'elle m'avait refusée en arrivant au premier bar, juste parce qu'elle prétendait s'être mise sur son mode « associable ». Je sens le truc arriver gros comme une maison. Sa langue me roule sous le palais et ma main plonge dans ses cheveux. Pause.
« J'ai fait tombé ma casquette. »
Elle la ramasse et la refixe sur sa tête. Reprise. Je ne sais pas vraiment si c'est mon haleine ou la sienne qui refoule, mais ça donne un p'tit côté loupé à la scène auquel je décide de remédier. Pause.
« Putain mais on pue de la gueule, tu trouves pas ? »
Je tâte voir si un vieux chewing-gum plein de fils de manteau ne se morfondrait pas au fond d'une de mes poches.
« Nan, qu'elle me dit. »
Bon. Reprise. Au bout d'un moment, elle se cale au fond de la banquette et m'invite à l'y rejoindre. Je coupe le moteur, enjambe foireusement les fauteuils, lui fourre une langue de plus belle en l'enlassant sous le t-shirt ; mais je m'arrête brusquement, me jettant de l'autre côté de la banquette avec un sale air d'enfant battu.
« Arf, j'me suis fait mal à l'ongle en passant au dessus des sièges. »
Silence pendant que je me suce le doigt. Je crois que j'aurais difficilement pu sortir un truc plus pourri, mais elle enchérit quand même :
« Et sinon, tu fais quoi à la fac ?
- Ahah, ben ouais, que j'm'esclaffe. Maintenant qu'on s'est bien roulé des pelles, on se rend compte qu'on a rien à se dire, comme des cons, et tu me poses une question bidon juste pour combler le blanc.
- Nan, même pas.
- Excuses moi, j'suis un peu susceptible...
- Tu sais quoi ? La meuf au Kiosk, quand j'suis allée lui demander du feu. Elle m'a dit qu'elle était persuadée que j'voulais me la faire.
- Wah, c'est fou ça. C'est exactement ce que tu nous avais dit avant d'y entrer.
- Alors que bon, les lesbiennes, je déteste ça. »
Elle avait quand même réussi à se brancher la seule gonzesse du bar. Il faut dire que sa casquette militaire et ses cheveux coupés courts lui donnaient un côté garçon manqué.
Je lui dis :
« Au fond, tu me plais bien. Mais je crois que j'ai pas envie de te baiser. J'suis désolé.
- Qu'est-ce qui te fait croire qu'on allait baiser ?
- Bah, c'est un peu la suite logique des choses, nan ? Mais j'ai pas envie, même si mon égo de mâle voudrait que j'te prenne là, dans la caisse. Et tant pis pour ma fierté.
- Et quelle fierté t'aurais à me baiser, et à me retourner dans tous les sens ? C'est ça qui est chiant. Dès que t'es une meuf potable, suffit que tu sois pas trop grosse et que t'aies pas de protubérance sur la gueule pour que tous les mecs veulent te sauter.
- Je sais pas. C'est pas de ma faute, on baigne tous dedans. C'est le poids de la société qui veut ça, qui nous pousse à baiser le plus possible pour avoir une bonne estime de soi. J'sais que j'raconterai ça aux potes demain, et ils me diront que j'ai bien loosé. Mais ça m'intéresse pas de niquer comme ça, à l'arrache. Bouarf, tu loupes rien de toute façon, j'suis une catastrophe au pieu.
- Et c'est quoi que tu nous fais là ? Une crise de post-adolescence ? Et puis qu'est ce que t'en as à foutre de ce que disent tes potes ? Tu vas pas me dire que ce sont tous des playboys qui se tapent plein de meufs comme ça ? »
Son truc de post-adolescence me vexe et je tire un peu la tronche. Alors, pour se rattraper, elle glisse sa tête pour murmurer :
« Tu sais quoi ? C'est pas la loose, c'est cool de ta part, parce que j'en ai marre de me faire baiser. »
Ça me surprend venant de sa part car c'était quand même elle qui avait lancé l'affaire. Mais bon, sur le coup, j'suis assez content de moi. On commence à discuter pendant ce qui me semble une éternité. Un moment, elle fait mine de se barrer, et je repasse sur le siège de devant, en lui disant qu'elle aurait jamais dû faire ça parce que je tombe trop facilement amoureux, question de la faire culpabiliser. Ça marche, elle reste, mais me met mal à l'aise avec son art de la tchatche que je suis loin de maîtriser. Je commence d'ailleurs à me sentir de plus en plus con, et finis par perdre totalement le contrôle de la discussion, qui part en psychanalyse sur mon cas.
« Mais faut pas te déprécier comme ça parce que tu ressors d'histoires foireuses, me dit-elle, je trouve pas que tu loose.
- Mais au final, peut être que j'me sens bien dans ma loose. C'est un peu un masque que j'me mets, comme quand j'mets celui de bouffon de service pour faire mon intéressant devant tout le monde. Ça peut être un moyen de compenser mes nombreux plans foirés, parce qu'au moins, la loose, ça fait marrer tout le monde. »
Je sens qu'il y a quelque chose de raté dans la profondeur que j'essayais de donner à mon propos.
« Putain, ça y'est, j'commence à raconter de la merde.
- Nan... Je trouve que ça se tient. »
Je déteste quand quelqu'un essaie de me sonder, ça me donne l'impression d'être à poil au milieu d'une rame de métro. Le stress me secoue tellement les membres que je laisse échapper les clefs en dessous du fauteuil. Je tâtonne pour les retrouver en lâchant quelques jurons. J'abandonne. Elle penche sa tête entre les sièges pour les chercher, et j'en profite pour lui décocher une autre pelle goulue, appliquant pudiquement ce droit de cuissage qu'elle m'avait accordé pour un soir.
Elle prend un air profond.
« Tu veux que j'te dise ce que c'est la loose ? »
Silence. Je comprends qu'elle attendait une réponse de ma part.
« Euh oui ? Vas y, balances.
- Alors j'vais te dire ce que c'est que la loose. La loose, c'est d'être moche. »
Re-silence. L'espace d'un instant, je crois qu'elle prend une respiration mentale pour lâcher la suite.
« Euh, c'était une question ?
- Nan ! ...
- Ah ok, je devais juste mettre une virgule alors ?
- Nan ! »
Moi qui m'attendais à une tirade de fou, je reste un peu sur ma faim.
« Tu sais quoi, reprend-elle, faut pas se prendre la tête avec ces histoires. Moi, ça fait longtemps que j'me prends plus la tête. Je sais ce que je veux, j'ai mes ambitions, et puis voilà. C'est quoi tes ambitions à toi, avoir des gosses, fonder une famille ? »
Cette question m'interpelle pas mal, non seulement parce qu'elle me semble tout à fait hors de propos, mais aussi parce qu'elle refléterait presque un plaidoyer des bonnes raisons de ne pas sortir avec elle, comme si elle se sentait menacée. Je ressers ce vieux refrain que j'ai l'habitude d'agrémenter à toutes les sauces :
« Disons que j'suis sorti avec une meuf pendant plus de trois ans. Je me vidais la cervelle dessus car c'était ma seule confidente. Il m'arrivait même parfois de lui parler sans me rendre compte qu'elle s'était endormie. Quand on s'est séparé, je me suis tout à coup sentis muet. C'est ça que je recherche, quelqu'un à qui torturer l'esprit avec mes vidanges de cervelle.
- Ben dis donc, c'est pas très sympa... Moi, j'ai suffisamment subi pour arrêter de compter sur les autres, d'attendre quelque chose d'eux. J'en ai plus rien à foutre des gens.
- Bah t'en as de la chance. J'aimerais bien en avoir rien à foutre comme toi, et me cacher sous une bonne carapace. J'essaie de me convaincre que tout ça, c'est des conneries, mais au final, j'ai toujours mes vieux bads qui remontent à la surface.
- Putain mais t'es encore pire que moi. T'es vraiment le pire mec que j'me suis faite. »
Je ne savais pas trop si ça faisait référence au fait d'avoir refusé sa chatte, ou d'afficher mon sentimentalisme gnangnan. J'espèrais que c'était la dernière solution, mais ça m'aurait pas étonné pas que ça soit les deux à la fois.
« Merci, ça fait plaisir, dis-je de manière un peu gênée.
- Enfin, au moins, c'était original. J'ai préféré parler avec toi que de baiser, c'était plus sympa. Si j't'invite à prendre un café pour continuer cette discussion une autre fois, tu vas pas refuser ?
- Ben nan. »
Je la sens prête à partir, et ma bite qui se pointe au milieu de mon champs de pensée, tel un worms(®) innocent que je m'apprêterais à enterrer au bout de mon bazooka télécospique, m'inspire assez de pitié pour ne point l'achever de suite.
« Euh mais sinon, ça te dirait pas qu'on monte chez toi prendre une bière ? On va pas squatter quinze ans dans la caisse.
- Nan. Tu sais très bien que si on monte chez moi, on finira par baiser.
- Ah ouais, merde, c'est vrai. »
Ah y'est, je passais maintenant pour monsieur frigide alors que ce qui me faisait surtout chier, c'était de ne pas avoir mon petit confort de queuteur. Remarque, tant mieux, elle avait l'air de m'apprécier car je m'intéresserais à elle autrement que pour le cul, ce qui n'était pas totalement faux en fin de compte.
« Bon allez, lance-t-elle, j'vais te faire une fleur. D'habitude je trace à la fac sans calculer personne, en regardant mes pieds...
- Ah tiens, moi aussi!
- Mais là, si j'te vois, je déciderai de pas t'ignorer. »
Super, mec. Voici ton lot de consolation.
« J'peux quand même prendre ton numéro ? Pour au moins assouvir mon égo de gars en rut.
- Nan, on en a pas besoin. De toute façon, j'te recroiserai à la fac. »
Ok, ça aurait pu m'éviter de passer le lendemain à attendre anxieusement un texto qui n'arriverait pas, mais je restais intimement convaincu que je ne la recroiserai pas de sitôt.
« Ouai mais franchement, j'y suis pas souvent.
- Bah je t'y ai déjà vu.
- Ah bon ? T'es plus douée que moi parce que j't'ai jamais captée.
- Ouais. J'me suis dit que les dreads, ça t'allait pas parce que c'est rond et que t'as un nez pointu.
- Tiens c'est marrant, on me l'avait jamais sortie celle là.
- Ben ouai, normal. C'est un jugement plutôt esthétique. »
Je ne sais pourquoi cette remarque m'amuse autant. Peut être parce que je me mets à imaginer ma tête en BD, faite de triangles et de cercles.
« Au fait, chose cruciale, c'est quoi ton prénom ?
- Cédric
- Et bien bonne nuit Cédric.
- Bonne nuit Marie. »
J'éprouve une certaine fierté en voyant qu'elle ne réagit pas car j'étais pas trop sûr de mon coup. Pour une fois, ce n'était pas moi qui avais oublié le nom de la personne avec qui je parlais. Bon ok, y'avait pas de quoi se jeter les fleurs, mais quand on connaît mes dispositions à oublier les noms à la seconde même où on me les donne...
Je la fixe du regard.
« J'aimerais bien te revoir quand même, désolé si ça te fait peur que j'te demande ça. »
Va savoir pourquoi ai-je eu l'idée de dire un truc aussi con.
« Nan, ça me fait pas peur. Par contre, il faut que tu saches un truc... »
Elle se dresse pour attraper la portière.
« N'attends rien de moi. »
Je démarre le moteur, seul avec sa fatalité de kepon en plastoc, et la vois réapparaître au carreau.
« Bon, et tu m'as toujours pas dit en quoi t'étais, monsieur de Lille 3.
- J'fais un M2 ingénierie culturelle.
- Ah ouais, M2 ! C'est vrai ?
- Ben ouais, j'pensais que tu le savais.
- Nan, c'est bien, ça ! »
Là, c'est moi qui vient de gagner un point dans son estime. Je trouve le truc foncièrement dérisoire mais une pointe de fierté envahit mon être tout entier pour me faire briller tel un décalcomanie phosphorescent dans une boîte de céréales. Alors que j'avais passé au moins une heure à pleurnicher sur mon sort, je lui dis :
« Et ouais, c'est la classe. Et encore, tu ne connais pas tout de ma vie ».
Je sors mon plus beau sourire de crâneur, et lance la voiture sur la route. Ma fierté retombe aussi vite qu'elle est apparue, laissant place à l'impression d'avoir été quand même assez crétin sur cette dernière réplique. D'la merde. Je continuerai de me traiter pendant toute la route, comme à mon habitude, pour avoir foiré un plan de plus ; et passerai la nuit à me battre avec un moustique, juste pour la flemme d'aller chercher une prise anti-moustique dans la salle de bains. Le lendemain, j'avouerai ne pas être allé au cours du matin que j'avais promis de prendre pour Fabien, prétendant pour l'occasion détenir une circonstance attenuante. Sentant que ma bataille acharnée avec le moustique ne m'apporterait que peu de crédit, je sors la carte de celui qui finit sa nuit avec une gonzesse. Ça le fait plutôt marrer.
« Mais... Tu l'as baisée au moins ?
- Euh... nan. J'suis pas comme ça, moi. J'suis pas un chaudard.
- Alors si tu l'as pas baisée, c'est pas une excuse valable. »

8
Le cerveau / Mélancolique destin d’un alcoolique dans l’train
« le: octobre 03, 2006, 22:21:36 pm »
Les poteaux entament leur marche à travers la vitre sous l’impulsion d’une secousse à peine perceptible, et je croise les doigts pour que personne ne s’asseye à côté de moi. Je finis par détourner le visage de mon reflet en semi-teinte, débouche la bouteille, avale une goulée et plonge le nez dans Courrier International, répétant sans cesse le geste jusqu’à m’avachir dans ce qui devient pour mon entendement un labyrinthe de phrases. Puis, c’est l’effet totalement inverse qui arrive. Je m’absorbe dans ce buvard cérébral, en arrache les lettres des yeux avec une telle avidité qu’ils en éventreraient presque l’article. Je noie mes pensées distraites dans sa substance hautement polémique et l’alcool.



Le tgv entre en gare. Je range ma bouteille et laisse passer le ballet des précautions, conscient à l’instant même de ma balourdise si il m’était donné d’y participer. Un danseur gère comme il peut les forces centrifuges qui s’exercent sur son corps en rattrapant son sac, pendant que son partenaire évalue l’étroitesse du passage qui lui reste, glisse un « pardon » dans son dos, et se faufile devant avec la grâce que peuvent lui permettre ses bagages au bout du bras. Pour une fois, je n’aurai pas la désagréable impression d’être toujours celui que personne n’attend au bout du quais car Emile viendra m’y chercher pour aller au Tripo. On échangera quelques mots, il finira mon pastis devant l’entrée, et on se paiera une bière à l’intérieur. On retrouvera mes potes, on dansera, on ira aux chiotes, on se perdra, l’ex d’un pote me vomira sur le bras et moi, ça me fera marrer. J’irai le nettoyer et finirai la soirée par l’enrouler autour de la mienne d’ex, tout en lui disant pour soulager ma conscience qu’elle a bien fait de me larguer parce qu’on est bien finalement comme ça, comme potes, apaisant qu’il est de parfois se mentir à soi même.



Pour l’instant, je vide ma vessie dans les toilettes exigus du train. Je repense à Naïve et la dernière semaine de boulot qui m’y attend.

Je suis loin de me douter que le boss viendra en personne à mon pot de départ soulager la sienne de conscience en se lançant dans une mission « remerciement de stagiaire », et que moi, sous l’effet de l’alcool, ne lâcherais plus son regard fuyant qui cherche la moindre occasion pour s’éclipser, bien trop content de lui raconter n’importe quoi.

Je suis loin de me douter finir ce pot dans un bar à la poursuite d’une suédoise qui ne comprendrait rien à mon anglais minable, juste pour soulager une irrésistible envie de lui dire que sa tête me ferait trop penser à une pub pour Freedent, ce qui serait de toute façon perdu d’avance car elle ne connaîtrait pas le mot « adverstising » et aurait encore moins de chances de connaître une marque à consonance franco-anglaise.



Je suis loin de me douter que cette gonzesse de chez Naïve dont j’avais peur de tomber amoureux malgré l’attachement qu’elle éprouvait pour son fiancé, « sa perle » ; cette gonzesse, que j’avais fuit pendant deux mois pour finalement m’en désintoxiquer et recommencer à fréquenter de manière sereine ; je suis loin de me douter qu’elle finirait notre dernière soirée ensemble par me caresser le dos de sa main baguée, pendant que je feindrais de ne point m’en rendre compte. Qu’elle resterait collée à moi pendant que je lutterais pour éviter que sa poitrine écrasée sur mon bras ne me foute la gaule. Qu’on se perdrait bêtement à la fin de Birdy Nam Nam et que j’en ruminerais tout le retour, imaginant qu’il se serait passé je ne sais quoi d’inavouable si elle était venue comme prévu dormir chez moi pour y récupérer le portable qu’elle avait oublié plus tôt dans la soirée.

Le mien se met à sonner : c’est Emile qui m’attend. Je le range dans ma poche, remonte ma braguette, et appuie sur le bouton de la chasse tout en esquissant un sourire de gosse en pensant à la soirée qui m’attend.



Pourtant, je suis loin d’imaginer la mélancolie qui m’envahira cette dernière semaine de Naïve, à force de cumuler diverses histoires foirées dont le point culminant était cette déclaration d’amour flanquée d’un aveu d’infaisabilité qu’on m’envoya en pleine tronche cet été. Je commencerai à croire être la victime d’un sort qui pousserait chaque meuf pour laquelle je m’attacherais à secouer les fesses sous mon nez pour bien me montrer ce à quoi je ne pourrais prétendre. Et tous les efforts que j’avais fait pour encaisser ces coups sans broncher se liquéfieront en pleurs sur l’épaule d’un collègue de Naïve, juste parce que l’alcool m’aura ôté la honte de le faire et que rien au final ne décrasserait mieux les blessures qu’une bonne coulée de larmes.



De toute façon, je finirai par jouer les gros durs, répétant à qui veut l’entendre que je me prends la tête pour des conneries et que je ne devrais pas, car les meufs sont toutes des putes qui ne méritent qu’on s’y attache juste pour bien leur bourrer le trou, quitte à faire plus ou moins d’efforts pour les supporter et en justifier le sacrifice par les quelques paillettes d’amour qu’on s’envoie soi même à la gueule ; le problème de fond étant qu’elles savent nous faire chier avec autant d’énergie qu’elles ont de talent pour nous tenir par les couilles, et pour s’en remplir la chatte avec une adresse dont on ne saurait se passer vu la satisfaction certaine que cela procure.

Je suis complètement saoul en m’extirpant du train, mais ça, je m’en doutais déjà avant d’y monter.


9
Le cerveau / Non, je n'irai pas au NAME samedi
« le: septembre 09, 2006, 17:51:58 pm »
00h45 : Un bol de nouilles chinoises, une boîte de sardines, et un verre de pastis. Je me fais chier devant ce reportage sur la contrefaçon de sacs à main. Je zappe. Mon pc-télé lâche un jouissement pendant que je tentais malhabilement d'avaler une salve de nouilles par le dessous. Je coupe le son, devant sûrement ce réflexe à mes premières années de branlette devant M6. Un type coiffé chez Shampoo se frotte le bas du ventre sur le vagin de sa partenaire. La scène est tellement grotesque que j'ai du mal à croire avoir pu bander sur ce genre de truc étant plus jeune. Bref, je viens de comprendre la feinte de Cyrille au resto, pote de Mathilde, elle même pote de fac, lorsqu'il faisait référence aux films du vendredi soir sur W9. Je me doutais bien que ça cachait quelque chose de la sorte. Quoiqu'il en soit, mes soupçons sont maintenant dissipés. Je zappe. Je tombe sur un clip des Pussycat Dolls. Ca parle d'un mec qui aime se rincer l'oeil sur les seins, le cul, et la chatte de celle avec qui il chante, laquelle lui réplique qu'elle s'en fout et qu'il peut aller se toucher le zizi.



Chaque mot un peu cru est remplacé par un bip de censure rythmé de manière régulière à la fin de chaque couplet. La grosse tendance du moment en variet', c'est bien de parler de sexe sans vraiment en parler. Tout dans l'évocation, une espèce de recette magique qui semblerait destiner chaque morceau qui s'y adonne allègrement à un certain succès, mais c'est bien la première fois que quelqu'un ai eu l'idée d'en jouer musicalement. Putain, ici le sexe n'est pas gratuit, il devient prétexte à une mélodie se résumant par un simple bip. C'est génial, c'est beau. Alors que je m'émeuts de cette trouvaille, Kevin, dit Jean-Kevin, dit Jean-Kev', m'envoie un sms : « euh bon jsui raide jcroi ke jvai pas y aller lol ».



01h30 : Une pensée me traverse l'esprit pendant que je dévale les escaliers à toute allure : Je dois avoir l'air sacrément con avec cette boîte de sardine vide dans la main. Qu'importe, y'a personne pour me voir et puis de toute façon, le pastis m'a suffisamment éméché pour affronter l'éventualité de croiser quelqu'un sans rougir de mon butin. Paf, je l'envoie direct dans la poubelle, paf, paf, je fais voler les cadenas de mes deux antivols et enfourche mon vélo. Je déboule boulevard Clichy pleine vitesse sur la voie piétonne en mode « roi du monde », je slalome les gens avant qu'ils aient pu tenter quelconque esquive, et je garde un oeil sur les reflets qui m'apparaissent au grès de la route pour ne pas prendre de tesson de Kronenbourg dans le pneu. Je me demande bien pourquoi on ne trouve de verre que sur les pistes cyclables d'ailleurs. Je laisse ce mystère et mon vélo sur une barrière de trottoir : « C'est pas vrai, faut faire la queue pour entrer ! Quelle chiote... ».



Je me m'exécute en ruminant le fait que Jean-Kev' ait attendu 1h du mat pour se rendre compte qu'il était trop bourré pour venir. Une voiture klaxonne pour passer dans la rue, la file d'attente se démarque du passage piéton, et j'en profite pour me glisser en son milieu de la même façon que les deux gonzesses devant moi. Leur geste est pute mais pas le mien, j'ai personne avec qui discuter. Je suis un peu la grand mère à Carrefour que tout le monde laisse passer à la caisse parce que c'est bien connu que les mémés ont la vie trop remplie pour s'attarder dans les supermarchés. Moi, j'ai le cercle d'amis trop vide pour traîner dans une file d'attente.

01h50 : J'arrive au passage fatidique. Les deux gonzesses de tout à l'heure se font refouler car elles n'ont pas de monnaie pour payer l'entrée. L'une d'elles demande si elles seront obligées de refaire toute la queue. Apparemment oui. Je constate avec horreur que je n'ai qu'un billet de vingt euros, mais je remballe mon effroi, mon portefeuille, et avance devant le guichet en mode « l'air de rien ».
Ca doit sûrement être mon jour de chance, après m'être fait rembarré le billet de vingt euros, je me la joue neuneu qui galère à compter ses centimes et la technique se révèle payante : Pressées de se débarrasser d'un boulet qui fait attendre tout le monde, les meufs du guichet larguent leur dernier billet de cinq euros en me disant que c'est parce que j'ai fait un effort. Gagné ! J'entre dans la salle en exultant, fier de mon subterfuge.



02h00 : C'est Ellen Allien qui est aux platines. Renseignements pris, Interlope vient de terminer son set. Fait chier, j'étais venu pour eux. Je me fraye un passage dans la masse de putes à franges et de mecs suintant le gel des cheveux pour me trouver une place convenable. Les deux mois passés en ermite à bosser mon mémoire le week end ont creusé un vide dans mes jambes, qui ne tarde pas à se combler en attaquant le dancefloor. Purée, j'aurai jamais cru que cela m'aurait fait tant de bien de me dépêtrer comme une vulgaire volaille.



03h00 : A ma surprise, Ellen Allien largue quelques morceaux teintés d'une pointe d'electronica, cool. Soudain, la musique se coupe et m'éjecte de la transe dans laquelle je m'étais plongé depuis au moins une heure. Tout le monde gueule, je pense tout de suite à un problème technique mais le son reprend. Bon, ça arrive à tout le monde de commettre une erreur, on ne lui en tiendra pas compte. Rebelotte, coupure. Je viens de comprendre que ce n'était pas un problème technique mais bien madame Allien qui s'amusait avec sa platine. Peut être ne s'est elle pas rendu compte que la musique qu'elle passait à ce moment là était bien trop touffue pour que son effet soit réussi. 3eme coupure. Décidément, c'en est trop pour le public. Des sifflements partent de parts et d'autres, pendant que certains balancent les bras en forme de non pour lui demander d'arrêter le carnage. Ellen Allien s'en excusera par un haussement d'épaules l'air de dire « ben quoi, j'ai bien le droit de m'amuser ». Au fur et à mesure, son set s'essouffle et devient super chiant, certaines transitions de morceau sont tellement ratées qu'on croirait entendre une débutante : Sans doute ce qui m'avait poussé l'année dernière à me barrer à la moitié de son set au NAME. Quant à celui du festival de Dour, on ne peut pas dire qu'il m'ait particulièrement marqué, mais c'était toujours moins pire que Miss Kittin. Je commence à croire que les djs femelles profitent de leur charisme pour asseoir un succès amplement pas mérité. Je chasse cette pensée de mon esprit sans trop de conviction. Le dj qui lui emboîte le pas arrive alors en véritable messie, sortant le public d'un emmerdement suprême en l'assenant de beats ravageurs. C'est décidé, j'irai vendredi au NAME plutôt que le samedi.



05h00 : Un type me tire une dread dans le dos. Pfff, je commence à en avoir marre de jouer à ça. C'est toujours la même chose. Je décide de l'ignorer et il recommencera jusqu'à ce que je devine qui est le comique du lot. Je me retourne trop vite et je ne le trouverai pas car c'est précisément le moment où il aura pris soin d'être le moins flagrant possible. Je décide donc d'attendre suffisamment longtemps pour qu'il commence à envisager de me retirer la dread et je me retourne. Un mec juste derrière moi feint de tourner la tête tout en dansant. Je le regarde un instant, mais il ne réagit pas. Je décide donc de lui sourire pour que mon geste ne soit pas vain. Il me regarde et m'envoie un « P'tain ! Comment t'as fait pour me griller ? » en rigolant. Je ne répond pas et retourne dans ma transe, en voilà un qui ne m'emmerdera plus. Une gonzesse à côté de moi danse de manière un peu extravagante pour attirer l'attention. En gros, elle balance un stimulus « je ne me prends pas au serieux, y'a t'il quelqu'un pour jouer avec moi ». Je n'y prête pas attention et continue ma transe. J'suis vraiment quelqu'un d'asociable sur le dancefloor mais bon, deux mois de manque, ça a besoin d'être satisfait sans qu'on m'interrompt toutes les deux secondes. Dix minutes plus tard, je la vois en train de simuler un pogo avec un mec : stimulus réussi.



06h00 : Je rentre chez moi, je rêve que j'annonce mon départ de stage prématuré à la directrice artistique de Naïve, et que celle-ci, pas bien emballée par ma décision, me rétorque d'écrire 4 copies sur ce qui m'a plu dans le stage. Pour mettre un peu de piment au truc, je me met en tête de raconter l'histoire d'un jeune réfugié libanais qui grandit, et devient directeur artistique d'Universal. Je sors du taff, et me rend dans un bistrot allemand pour ne pas me faire déranger pendant l'écriture. La serveuse vient me voir et, machinalement, je commande une bière afin de payer mon dû pour le squatte d'une de ses tables. En fait, elle n'était pas venue pour ça mais pour me faire tester sa spécialité d'alcool au viandox. Je goûte, c'est ignoble, j'essaie de lui faire croire que je trouve ça bon mais elle sourit car je mens trop mal. Putain, une heure et demi que je bosse et l'A&R m'appelle déjà. Je rentre avec mes deux feuilles : L' histoire s'interrompt au moment où le réfugié libanais doit faire face à la cruauté de la vie lorsque son père lui explique qu'il est obligé de tuer un agneau pour qu'ils puissent manger. Heureusement, mon pote Gaëtan a préparé les 4 copies pour moi. C'est cool de sa part, mais je me rend compte que j'aime pas ce qu'il a écrit. Je me réveille.




Tehanor

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